Armistice : Les maigres compensations financières portugaises du Traité de Versailles

Encore de nos jours, la question de la participation portugaise à la I Guerre mondiale se pose. On évoque essentiellement 4 raisons : défense des territoires portugais en Afrique (Angola et Mozambique), se protéger du voisin espagnol, la jeune République Portugaise avait besoin de se manifester, se montrer, se faire accepter au niveau international et le Portugal choisissant de lutter aux côtés des Alliés, comptait retirer bénéfice des indemnisations allemandes, nation vaincue.

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Qu’en est-il, justement, des indemnisations reçues par le Portugal à la suite de la I Guerre mondiale ?

Rien, ou presque rien. Ce qui aura des conséquences désastreuses, tant au niveau économique que politique.

En ce jour anniversaire de l’Armistice du 11 novembre 1918, rappelons l’accord qui sera signé post-Armistice, le Traité de Versailles, Portugal espérant recevoir des dividendes à la suite de sa participation à la Grande Guerre.

Le texte final du Traité ne contient quasiment aucune référence au Portugal :

Afonso Costa a réussi à introduire dans le texte du Traité ce qu’on appelle l’Annexe 4 de l’article 298, dans lequel le Portugal aurait recours à l’arbitrage international pour obtenir une compensation pour les effets des incursions allemandes dans les colonies africaines avant que les deux pays ne soient officiellement en guerre, début d’une longue bataille juridique qui s’est soldée par une victoire allemande.

L’indemnisation accordée au Portugal comprenait la récupération des navires saisis à l’Allemagne, de six torpilleurs autrichiens et l’exclusion des dépenses militaires pour les éléments couverts par les réparations allemandes.

Le 25 septembre 1919, le territoire mozambicain de Quionga est restitué par décision du Conseil suprême des puissances alliées.

En 1921, fut annoncé que le Portugal recevrait 0,75% de la compensation financière totale à payer par l’Allemagne, ce qui équivaudrait à un montant légèrement inférieur à un milliard de marks-or. Cependant, en raison des révisions successives de la dette allemande (respectivement en 1924 et 1929), il n’y a eu qu’une petite partie de ce montant qui entra dans les caisses de l’État portugais.

L’historien, Filipe Ribeiro de Menezes, dans un article publié dans le journal Expresso, en date du 13 avril 2013, écrivait qu’à la suite du Traité de Versailles, l’Allemagne devait indemniser le Portugal de 2,3 milliards d’euros, valeur actualisée… très peu d’argent est rentré dans les coffres de l’État portugais à la suite des différentes révisions de la dette allemande.

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Rappel historique pour le Portugal :

L’instabilité politique du Portugal a eue des conséquences sur la représentation portugaise à la Conférence de Paix :

Le 10 décembre 1918, Egas Moniz est reçu par le Ministre britannique des Affaires étrangères, lui présentant les premiers objectifs portugais, parmi lesquels la question coloniale (le maintien, voire l’agrandissement des domaines coloniaux) et aussi la question financière (car le Portugal avait beaucoup de dettes), ainsi que le partage de la flotte allemande et la distribution du matériel de guerre.

Le 24 janvier 1919, les «Instructions générales» pour la Délégation portugaise à la Conférence de la Paix sont reçues à Paris, envoyées par le Président de la République, Canto e Castro.

Le 12 mars 1919, Afonso Costa est nommé pour remplacer António Caetano de Abreu Freire Egas Moniz à la tête de la Délégation portugaise à la Conférence de la Paix.

A la même date le Ministre des Affaires Etrangères a annoncé la nomination des délégués à la Conférence de la paix : Afonso Costa, Freire de Andrade et Teixeira Gomes.

Avec le départ d’Egas Moniz et l’arrivée d’Afonso Costa, il y a eu une nouvelle définition des objectifs de la part de la Délégation portugaise à la Conférence de Paix, basée sur l’utilisation d’éventuelles réparations et compensations comme moyen de dépasser la crise économique au Portugal. Afonso Costa peut alors décider librement de la manière de mener les négociations, ayant utilisé les entretiens comme outil diplomatique pour sensibiliser les représentants d’autres États.

Afonso Costa demande, à la suite de sa nomination, une indemnisation 8 fois plus élevée (8,5 milliards) que ce que le Portugal va obtenir. Afonso Costa prétextait que la guerre avait provoqué la mort de 273.547 Portugais en métropole et dans les colonies. Les Alliés ont rejeté au complet cette demande.

Le 17 mars 1919, Norton de Matos est nommé Délégué à la Conférence de la Paix, il rejoint Afonso Costa, Augusto Soares, João Chagas et Teixeira Gomes.

Afonso Costa signe le Traité de Versailles le 28 juin 1919.

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L’indemnisation, non arrivée aurait été bien nécessaire : l’instabilité politique et financière qui suit le début de la république au Portugal conduit à ce que les prix augmentent à 30 occasions entre 1914 et 1926, le coût de la vie augmentant 300% (entre 1918 et 1921, l’inflexion augmenta de 130%), la dette externe du Portugal atteint les 44.423 escudos à la fin de la Guerre.

Le climat politique post-fin de la I Guerre devient encore plus instable, les Gouvernements ne durent que quelques jours, au mieux quelques mois. Les institutions parlementaires travaillent très mal, la corruption est grande, des assassinats ont lieu, tels que ceux des Républicains António Granjo et Carlos da Maia.

Malgré les efforts des Républicains, en 1930 le taux d’analphabétisme au Portugal est encore de 68%.

La situation financière et politique post-Première Guerre Mondiale au Portugal, est à l’origine du Coup d’État du 28 mai 1926, occasion choisie par le Président de la République, Óscar Carmona, pour faire appel au Professeur de droit à l’Université de Coimbra, António de Oliveira Salazar. Ce dernier devient Ministre des Finances, puis Premier Ministre. Salazar met en place, ce qu’il va appeler Estado Novo (l’État Nouveau) en 1933, régime qui devient dictatorial et ce jusqu’à la Révolution des Œillets du 25 avril 1974.

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Rappel historique au niveau mondial:

Rappelons que le Traité de Versailles a été signé le 28 juin 1919, date anniversaire de l’attentat de Sarajevo. Auparavant s’est déroulée la Conférence de Paix de Paris, sans l’Allemagne, débutée le 18 janvier de la même année, en présence de 70 délégués en représentation de 27 pays qui ont participé à la I Guerre mondiale.

Le Traité de Versailles, traité de paix, a fixé les dédommagements dus par l’Allemagne vis-à -vis des Alliés ainsi que les nouvelles frontières de l’Europe.

Voici quelques éléments sur les 231 articles qui comporte le Traité de Versailles :

– L’Allemagne est considérée comme seule responsable de la guerre.

– Elle perd 1/7ème de son territoire.

– Elle renonce à ses colonies en Afrique.

– Elle n’a pas le droit d’entretenir des forces armées.

– Elle doit rembourser des sommes colossales aux alliés.

– Le Traité de Versailles annonce la création de la Société des Nations (SDN), Portugal faisant partie des fondateurs.

– Le principal document qui est sorti de la Conférence de Paix est le Traité de Versailles, signé le 28 juin 1919 dans la Galerie des Glaces et rectifié par la Société des Nations le 10 janvier 1920.

– Le Traité de Versailles repose sur deux concepts essentiels à l’égard de l’Allemagne : perte de territoire ; la compensation financière à verser par le pays tenu pour responsable de la guerre, que les alliés considéraient naturellement, sans qu’il soit nécessaire de le justifier dans le texte, comme étant l’Allemagne.

– Le Traité prévoyait également le désarmement complet de l’État allemand, qui ne conservait que le droit de disposer d’une Armée professionnelle de 100.000 hommes et le paiement de lourdes réparations de guerre.

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L’Allemagne, humiliée, voudra se venger, la II Guerre mondiale découlant de la Première et du Traité de Versailles.

L’arrivée de Salazar au Portugal n’est-il pas, entre autres, conséquence du maigre, voire presque résultat nul, pour le Portugal découlant du Traité de Versailles ?

LusoJornal