Association Memória Viva: «Maudite soit la guerre»

Sous la devise «Maudite soit la guerre», l’Association Memória Viva a rendu hommage, les 7 et 8 avril, aux soldats du Corps Expéditionnaire Portugais morts sur les champs de bataille en Flandre française.

Ainsi, dans le cadre du Centenaire de la Bataille de La Lys, qui eut lieu le 9 avril 1918, une quarantaine d’adhérents et amis de l’Association Memória Viva ont tenu à saluer la mémoire de ces milliers de soldats portugais envoyés se faire tuer dans les tranchées, dans cette large plaine où la Lys étale ses méandres.

Des 55.000 soldats du Corps Expéditionnaire Portugais qui ont débarqué à Brest en février 1917, avant d’atteindre l’enfer des combats, plus de 2.000 sont morts, des milliers d’autres ont été blessés, faits prisonniers ou ont déserté.

Ce voyage-hommage a débuté par la visite des sites de mémoire portugais les plus importants, situés dans le département du Pas de Calais, région des Hauts-de-France. Suivant un itinéraire proposé et commenté par Bertrand Lecomte, professeur d’histoire et auteur du livret «Les troupes portugaises en France, 1917-1919», la première étape du circuit a commencé par une déambulation pédestre à Neuve-Chapelle, commune située sur la ligne de front tenue par les Portugais.

Le deuxième arrêt a eu lieu à La Couture, autour du monument commémoratif portugais, avant la visite du Cimetière Militaire Portugais, à Richebourg, situé dans la zone des anciennes tranchées, et où reposent aujourd’hui plus de 1.800 soldats portugais.

Les deux dernières étapes ont été consacrées à la visite des tombes portugaises qui se trouvent dans le cimetière allemand de la commune de Salomé et la découverte du dispositif militaire allemand installé au lieu-dit La Bouchaine, commune de Illies.

En traversant plusieurs communes du secteur portugais on pouvait aussi voir, en plein air, des photos grand format présentées sous le titre «visages du combat»: l’infirmière Maria Francisca Dantas Machado (Neuve-Chapelle), le colonel Bento Roma (La Couture), les soldats João Assunção (Richebourg) et Milhões (Vieille-Chapelle), ainsi que le général Tamagnini (Saint-Venant).

En fin d’après-midi, le groupe a pu découvrir, à l’église de La Couture, une très riche exposition photographique sur le Corps Expéditionnaire Portugais en France et assister à la projection de la version résumée du film documentaire «Soldado Nobre», en présence du réalisateur, Jorge Vaz Gomes, arrière-petit-fils d’un soldat du CEP, originaire de Sabugal. À partir de la photo d’un groupe de soldats, Jorge Vaz Gomes tente de retrouver, en vain, les traces de son aïeul.

Faisant de cette quête individuelle une quête collective, son travail de reconstruction de la mémoire aboutit à un documentaire extrêmement beau et émouvant.

Le point fort de ce voyage mémoriel a été la visite au Cimetière Militaire Portugais, le lendemain, à Richebourg, où une couronne de fleurs a été déposée au nom de l’Association Memória Viva, avec l’inscription «Maldita seja a guerra – 1918-2018» (Maudite soit la guerre – 1918-2018).

Cette cérémonie a été suivie de la lecture d’une dizaine de lettres de prisonniers, extraites du livre de Maria José Oliveira «Prisioneiros portugueses da primeira guerra mundial», lettres écrites en décembre 1918 mais jamais arrivées à leurs destinataires, le plus souvent à cause de la censure. Les lectures ont été accompagnées musicalement au saxophone, avec la «Chanson de Craone» (texte anonyme), «Le Déserteur», de Boris Vian et «A Ronda do Soldadinho», de José Mário Branco. A été également lu le poème «Le domeur du val», d’Arthur Rimbaud.

L’hommage aux soldats qui reposent au Cimetière de Richebourg s’est achevé sur «Grândola Vila Morena», chanson entonnée par les participants, au moment même où un rayon de soleil tentait timidement de percer la brume matinale qui recouvrait la plaine de la Lys.

L’exposition «Portraits photographiques de 14-18» présentée par Thierry Dondaine, de l’Association Déclencheurs de Mémoires, a également attiré toute l’attention des visiteurs. Il s’agissait de photos tirées par une habitante du village de Bourecq, surnommée Mina, couturière improvisée photographe pendant la guerre.

Le programme de ces journées s’est clôturé par la présentation et la lecture d’extraits du roman «Sabino, ou les tribulations d’un soldat portugais dans la Grande Guerre» (à paraître incessamment aux éditions Pétra), de Nuno Gomes Garcia, et aussi par la présentation du livre de Cristina Drios, «Os olhos de Tirésias». Deux romans qui, entre la réalité historique et la fiction, permettent d’avoir un regard moins emphatique sur cette tragédie du début du XXe siècle.

 

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