«(Il)Légitime» : vient de paraître le premier roman d’Altina Ribeiro


«Cette histoire est une fiction inspirée de faits réels» : c’est par cette très brève note, en guise d’introduction, qu’Altina Ribeiro s’adresse au lecteur dans la page de garde de son premier roman, «(Il)Légitime», qui vient de paraître aux éditions Alma Letra.

Ayant elle-même immigré en France en 1969, à l’âge de 9 ans, avec sa mère et sa sœur, Altina Ribeiro marquera son entrée dans la vie littéraire de l’immigration portugaise en France par l’écriture d’une autobiographie intitulée «Le fado pour seul bagage» (2005). Ce livre sera suivi de deux biographies, «Alice au pays de Salazar» (2010) et de «Dona Zezinha, la vie peu ordinaire d’une institutrice» (2017).

Cependant, doit-on souligner, si toutes ses publications, y compris «(Il)Légitime», ont pour toile de fond l’immigration portugaise, elles ont aussi un dénominateur commun : la condition de la femme dans la société, ballotée d’une part entre un pays, le Portugal, ruiné par une longue dictature et la guerre coloniale, obligeant des milliers de familles à partir et, d’autre part, la France, où pour beaucoup les premières années furent les «années de boue» dans les grands bidonvilles.

Depuis 20 ou 30 ans, le nombre de femmes d’origine portugaise qui publient en France a fortement augmenté. Par ailleurs, la grande majorité de ces femmes, arrivées en France à peu près au même âge d’Altina Ribeiro, écrivent en français, pour des raisons sociales, culturelles et scolaires évidentes, puisque dans leur vie quotidienne elles sont bien plus souvent que les hommes en contact avec les familles, les entreprises ou les organismes du pays d’arrivée où le français est la langue de communication.

«(Il)Légitime» raconte le combat de toute une vie de Fátima, protagoniste du roman. Dès le titre la question est posée : comment trouver sa place dans la société et s’y sentir légitime ? Née dans une famille pauvre du Portugal des années soixante, sans être ni attendue ni la bienvenue, Fátima grandit sans affection, désorientée, entre les foyers de ses grands-parents et celui de ses parents pour qui elle représente tantôt une charge tantôt un moyen commode de s’alléger des tâches domestiques. Le monde des adultes et sa violence vont marquer à jamais cette petite fille. Alors, quand elle arrive en France dans les années 1970, un autre monde s’ouvre à elle, plein de promesses. Pourtant la férule parentale est toujours là et le passé, jalonné par les coups qu’elle a endurés, aussi bien physiques que psychologiques, semble toujours la rattraper.

Dès les premiers paragraphes de «(Il)Légitime» on reconnaît le style d’Altina Ribeiro, par le soin qu’elle apporte à son écriture, constituée en général de phrases courtes et claires, par l’organisation de son récit, mais aussi par sa connaissance du contexte dans lequel ses personnages évoluent et où elle se sent à l’aise. C’est le cas, par exemple, dans le premier chapitre, où la protagoniste doit se présenter au tribunal, milieu que l’auteure connaît bien pour avoir travaillé dans un cabinet d’avocat, avant d’obtenir son diplôme de clerc d’avocat, en 1995.

Progressivement, tout en forgeant la personnalité de son personnage principal, et en le rendant cohérent, Altina Ribeiro introduit les autres personnages. Ainsi, la curiosité du lecteur est éveillée, il a envie d’en savoir plus sur ces personnages et sur les intrigues qui se noueront au cours du roman. On notera également que l’histoire racontée par l’auteure n’est pas linéaire, elle est riche en imprévus et en dialogues qui donnent un rythme à la narration. Tout cela contribue sans doute à ce que «(Il)Légitime» sonne juste et emporte le lecteur dans un voyage émotionnel et psychologique ancré dans une réalité sociale.

LusoJornal