La catastrophe oubliée: 30 émigrés décédés dans un accident de train le 18 décembre 1965 en EspagneAntónio Marrucho·Comunidade·31 Janeiro, 2023 [pro_ad_display_adzone id=”37510″] Il y a des drames, des tragédies dont on parle régulièrement, d’autres on ne sait pas pourquoi, on a tendance à les oublier, voir à les cacher. Qui se rappelle, qui est au courant, du dramatique accident de train en Espagne où moururent 30 émigrés portugais? Nous avons cherché dans les journaux portugais accessibles sur internet, nous avons retrouvé l’information dans plusieurs journaux espagnols et dans un seul portugais, le «Diário Popular» du 19 décembre 1965. Au Portugal on était au temps «da outra senhora», du salazarisme, des guerres coloniales et parler d’un accident de Portugais expatriés n’était pas bien vu par le pouvoir en place, la dictature, du pouvoir de la censure et de la police politique, la PIDE. Il était 9 heures 11 minutes le 18 décembre 1965, quand la catastrophe s’est produite dans le lieu-dit: Villar de los Alarmos, près de la gare de Campo de Salamanca, pas loin de la ville de Salamanca et à quelques 88 kilomètres de la frontière de Vilar Formoso. Un choc entre deux trains, le Sudexpresso Paris-Lisboa n°18 et un le train omnibus n°1802 avec du courrier, qui circulait entre Fuentes de Oñoro et Medina del Campo. Selon les données officielles de la tragédie, 32 personnes sont mortes et 60 ont été blessées. Les chiffres sont probablement en dessous de la réalité. Les chroniques de l’époque indiquent que le train Sudexpresso avait quitté la gare de Salamanca à 08h55, soit avec plus de quatre heures de retard, tandis que le train omnibus avait quitté la gare de Alenhuela à 08h55. Pour des raisons qui n’ont pas été précisées, le Sudexpresso ne s’est pas arrêté à la gare pour permettre à l’omnibus/train de se croiser dans la gare. Le brouillard intense présent ce matin-là aurait pu signifier que le mécanicien n’a pas vu l’ordre d’arrêt, en raison de l’ignorance de la part du conducteur du train de la gare où allait avoir lieu le croisement avec l’omnibus, ou de l’impossibilité d’arrêter le convoi même une fois les signaux d’urgence activés, puisqu’il roulait à très grande vitesse. L’accident aurait pu être évité simplement en permettant à l’omnibus d’entrer en gare par la voie secondaire et d’y attendre le train circulant en sens inverse, le Sudexpresso qui circulait sur la ligne principale. L’accident ne se serait jamais produit, même si le Sudexpresso ne s’était pas arrêté à la gare de Villar de los Álamos. La grosse majorité des victimes était des citoyens portugais vivant en France, Suisse et Allemagne qui rentraient chez eux pour Noël. Parmi les victimes, on compte un espagnol, le conducteur du train Sudexpresso. Le deuxième conducteur a eu le temps de sauter du train et ainsi se sauver. Cette tragédie vient d’être rappelée par l’écrivain et journaliste de Salamanque, Paco Cañamero, dans la publication du livre intitulé «Fado entre encinas (1)», un roman qui se déroule pendant la tragédie de Villar de los Álamos, racontant le voyage de deux personnages parties dans le Sudexpresso. L’auteur rappelle dans ses pages que l’accident a provoqué une profonde émotion dans la capitale et la province. Cet accident a donné lieu à de nombreuses manifestations de solidarité, à l’image des volontaires venus sur place pour aider à l’évacuation des victimes qui ont été transportées dans leurs véhicules privés vers les centres hospitaliers de Salamanca. L’événement a généré une grande fraternité et solidarité entre l’Espagne et le Portugal, qui vivaient alors sous une dictature. «La majorité des victimes et des survivants étaient portugais», a expliqué Cañamero. «Au moment de l’accident, on regardait les Portugais, qui étaient un peuple très humble, avec un certain dédain, un peu au-dessus. Cependant, ce matin-là, dès que la collaboration des citoyens a été demandée, par le biais des stations de radio, tout Salamanque est descendu dans la rue pour donner du sang et essayer d’aider les personnes qui ont souffert de la tragédie. L’écrivain raconte une anecdote très émouvante. «Trois jours après l’accident, la Cruz Vermelha Portuguesa a affrété un train pour rapatrier les blessés et, au moment des adieux, le personnel de santé leur a aménagé un couloir à l’entrée des hôpitaux Provincial et Virgen de la Vega, récemment inaugurés où étaient hospitalisés les blessés, pour leur dire aurevoir en leur chantant ‘Estudiantina Portuguesa’, au son de ‘Ay Portugal! Porque te quiero tanto?’. Plus tard, alors que l’expédition d’ambulance se dirigeait vers la gare, la ville est descendue dans les rues et a rempli les trottoirs de l’Avenida de Mirat pour leur dire adieu avec les sons de cette chanson. C’était vraiment émouvant». Paco Cañamero ne veut pas oublier de nommer Augusto Pimenta, un célèbre résident portugais de Salamanca qui, à l’époque, était Président de l’Union sportive de Salamanque et, après avoir appris l’accident, s’est rendu sur les lieux, accompagnant le Consul. Il a effectué d’importantes démarches, «notamment dans l’évacuation des rescapés, le Sudexpresso a été renforcé de huit wagons de plus que d’habitude. Grâce à Augusto Pimenta da Almeida et au Consul, en trois heures l’évacuation des presque 900 rescapés a été organisée pour leur transfert vers le Portugal», raconte l’auteur. Un autre homme restera dans l’histoire de ce tragique évènement: Juan Moro, âgé alors que de 16 ans. Il est rentré à l’âge de 15 ans dans un collège pour être formé à devenir Guardia Civil. Le 18 décembre 1965, il était de permission. Le chef de gare appelle le père de Juan au téléphone pour signaler la tragédie. Juan Moro sort de chez lui, arrête une voiture pour se rendre dans le lieu de l’accident. Juan et son chauffeur sont parmi les premiers à arriver sur les lieux. Voyant autant de morts et blessés, ils évacuent le plus grand nombre possible et arrêtent des voitures pour que celles-ci conduisent les blessés dans les hôpitaux de Salamanca. Des appels sont émis par les radios et de nombreux habitants de Salamanca se déplacent pour donner leur sang. Remonte à cette époque et grâce à la solidarité de toute une population, les relations privilégiées entre Salamanca et le Portugal. Coïncidences, parfois terrifiantes. Également pas loin de Salamanca se produira une autre catastrophe ferroviaire. On était également en décembre, le 21 décembre de 1978, également à 9h10. Un terrible choc entre un autobus et un train a provoqué 31 victimes, des jeunes enfants. L’Espagne en a malheureusement vu d’autres. Rappelons-nous de l’accident à Alvia, tout proche de Saint-Jacques-de-Compostelle, qui a provoqué 151 victimes le 24 juillet 2013. Concernant l’accident du 18 décembre de 1965 dont furent victimes 30 émigrés portugais, à part les autorités locales, qui, par exemple, leur ont rendu hommage lors des 55ème anniversaire de la catastrophe, aucune cérémonie, aucune plaque, aucune indication de cette tragédie sont présentes sur les lieux. Cet oubli va être réparé le 3 février prochain. La Sudelegada del Gobierno en Salamanca, Encarnacion Perez Alvarez, organise un hommage aux victimes, le vendredi 3 février, à 12h00, à l’emplacement de l’accident, en présence de l’auteur du livre «Fado entre encinas» et de l’Ambassadeur du Portugal en Espagne, João Mira Gomes. Pendant la cérémonie une plaque sera dévoilée évoquant l’accident. Des interventions ont lieu de la part du représentant du Portugal, de l’organisatrice de l’événement, de l’Asociasion de amigos del Ferrocaril, avec lectures de poèmes par les auteurs: Julian Martin et Gabriel Cruz. Notons la présence de trois représentants du village frontalier de Fóios, en la personne, notamment de José Manuel Campos et d’un représentant du village voisin espagnol, Navasfrias. N’oublions pas ces 30 émigrés portugais péris le 18 décembre 1965 qui se rendaient dans leur Portugal pour fêter Noël en famille. [pro_ad_display_adzone id=”46664″]