Le «Bon Homme», Victor Hugo dos Santos, honoré à Disneyland Paris


Notre vie est faite de rencontres, de partages plus ou moins riches, selon les moments de notre vie, selon les occasions.

Nous avons fait une rencontre, tout récemment avec une plaque… une plaque en hommage à Victor Hugo dos Santos.

Le lieu de cet hommage est plutôt insolite : Disneyland Paris.

Sur la plaque on peut lire : «À M. Victor Hugo dos Santos : en hommage à son engagement et à sa collaboration avec Eurodisney pour l’accès des personnes handicapées au monde du travail».

La curiosité avivée, nous nous sommes mis en quête sur cette personne… un personnage hors du commun, qui a quitté ce monde, le 26 décembre 2008… mais son travail, son action sont restés.

De son nom complet Victor Hugo Dias dos Santos, il est né à Chacuma (Angola) le 21 mai 1956 et il est décédé le 26 décembre 2008 à Coulommiers (Seine-et-Marne) à la suite d’une grave maladie. Cinquante-deux années vécues, d’une vie très intense au service des autres.

En 1988 Victor dos Santos devient Directeur du Domaine Emmanuel à Hautefeuille (Meaux). Une direction que l’homme, alors à la tête des Unions chrétiennes des jeunes gens, avait d’abord refusé.

Il s’agit d’une structure qui vient en aide aux handicapés et à leurs familles, fleuron de l’AEDE (Association des établissements du Domaine Emmanuel) depuis 55 ans.

Fondé en 1968, le Domaine Emmanuel de Hautefeuille dispose d’un Foyer d’Hébergement de 85 places (dont 2 en accueil temporaire et 5 places en accueil de jour médicalisé), et d’un Établissement d’Accueil Médicalisé (EAM) de 20 places (dont 5 en accueil de jour). Cinquante six salariés s’attachent à offrir sécurité et bien‐être à la personne accueillie, pour lui permettre de développer ses acquis et, si possible une sortie en milieu ordinaire.

Une grande place est laissée aux familles et aux représentants légaux dans le travail mené en commun. L’Établissement d’Accueil Médicalisé propose des activités occupationnelles aux résidents ne pouvant plus assurer une activité professionnelle.

A 49 ans, Victor Hugo Dias dos Santos, marié et père de deux enfants, nouveau Directeur, arrive de Vitry-le-François (Marne), en 2005, où il a dirigé pendant un peu plus de huit ans une Association de parents d’enfants handicapés (Apei). Educateur spécialisé de formation et titulaire de deux diplômes de Directeur, il a été séduit par le dynamisme et la modernité de l’Aede. «J’ai fait ce choix car l’association est très saine, disait-il. Elle porte de nombreux projets que j’entends poursuivre et mener à leur terme».

Pour comprendre la personnalité de cet homme, voici ce qu’il disait en 2008 au journal Le Pays Briard, alors qu’il sortait d’une hospitalisation de 7 mois : «C’est scandaleux, on vient de me mettre en handicap le 21 mars 2008, c’est une sanction et un non-sens…».

Âgé de 51 ans et bien malade, il ajoutera : «On n’abandonne pas un bateau en haute mer. Et puis je reste en contact avec mes collègues, mes résidents : c’est ma vie. Si je ne les voyais plus, c’est comme si on me privait de ma famille».

Victor dos Santos, avait encore plein de projets : «On aimerait beaucoup s’implanter à Villeneuve-Saint-Denis», déclare-t-il. «Avec la création de l’hôpital de Jossigny, un établissement pour les handicapés aurait beaucoup de sens».

Lors de la cérémonie d’adieu, le 31 décembre 2008, à Hautefeuille, son ami, Frédéric de Coninck, dira : «Chez lui, c’est sa générosité qui m’impressionne. Cela évoque pour moi un poème de Michel Scouarnec, le prêtre-compositeur qui a écrit un grand nombre des chants mis en musique par Jo Akepsimas : «Il restera de toi ce que tu as donné… Il restera de toi, de ton jardin secret, une fleur oubliée qui ne s’est pas fanée… Victor, mon ami, mon frère, ton départ est une perte, c’est une tristesse pour nous tous. Tous les témoignages que nous entendons en font état. Cela dit, il n’est pas si facile d’en parler, car, Victor et moi nous n’avions pas le même rapport à la perte… S’il était là aujourd’hui, il nous répéterait le verset qu’il a redit sans cesse jusque dans sa maladie : ‘Toutes choses concourent au bien de ceux qui aiment Dieu’. C’est un verset qui peut nous sembler un peu irréaliste, mais il faut déjà voir, pour en saisir la portée, dans quel contexte l’apôtre Paul le formule».

Victor dos Santos portait au fond de lui des pertes irrémédiables. Il est né en Angola à l’époque où le pays était encore une colonie et il avait connu des rapports sociaux, des rapports humains, très durs dans ce cadre. Ensuite, il a connu, alors qu’il était jeune homme, la guerre qui est devenue une guerre civile dans son pays. Il a vu la barbarie à l’œuvre, la bêtise et la cruauté des hommes qui s’exposent au grand jour. «Et tout cela revint à sa mémoire lorsqu’il y est retourné, juste avant de tomber malade. Il vit encore les conséquences de la guerre, alors que le pays commençait à peine à vivre en paix mais que les ruines étaient encore, partout, visibles. Mais que lui restait-il à faire quand il est parti d’Angola dans ces conditions difficiles ? Il lui restait une chose à faire : vivre ! Quand on a tout perdu, que l’on doit gagner la France, que la société française ne vous accueille que du bout des lèvres et que l’on se retrouve sans argent, il reste l’essentiel : vivre. Quand on a vu la cruauté au grand jour, on peut devenir cruel, mais il avait choisi une autre voie : donner la vie. Il avait choisi de tourner son regard vers Dieu et de se dire qu’au-delà du malheur, il y avait des réalités plus importantes. Il ne voulait pas s’arrêter sur ses gémissements mais passer à autre chose : aimer, donner, se livrer. Il pensait que ni le deuil, ni la guerre, ni les situations désespérantes qu’il avait connues ne pouvaient le séparer de l’amour de Dieu. Alors il voulait profiter de toutes les occasions qui lui étaient données d’aimer et d’être aimé. Parce qu’il pensait que c’était là le sens de la vie. C’était là ce que Dieu avait préparé pour lui. C’était cela qui concourait à son bien. Au milieu des difficultés, il y avait un bien possible et il s’est emparé de ce bien que Dieu lui offrait. Et il a vécu».

Et il poursuit : «Alors, en pensant à Victor et au souvenir qu’il nous laisse, je pense à tout ce qu’il a donné. Donner ce n’est pas toujours facile : nous pouvons avoir peur de mal faire, nous ne savons pas si ce que nous donnons sera bien reçu, nous nous lassons parfois. Mais c’est pourtant là, la vie. Nous ne savons pas ce qui adviendra de nos dons. Nous pouvons avoir l’impression d’y perdre notre temps. Nous perdons parfois le sens de ce que nous faisons. Mais laissons-nous encourager une dernière fois par les paroles de Michel Scouarnec, en pensant autant à Victor qu’à nous-mêmes : ‘Il restera de toi une larme tombée, / Un sourire germé sur les yeux de ton cœur. / Il restera de toi ce que tu as semé / Que tu as partagé aux mendiants du bonheur. / Ce que tu as semé en d’autres germera’»

Victor Hugo das Santos, œuvra auprès d’institutions, d’entreprises, pour les inciter à ce qu’elles donnent la chance aux handicapés, par le travail.

Heureuse l’idée du Parc, d’ainsi rendre hommage, à ce «Bon Homme», par une plaque, une simple plaque, mais au combien importante, dans un lieu, mondialement connu, mondialement fréquenté.

LusoJornal