Les Soldats Portugais au service de la France, morts pendant la I Guerre Mondiale et honorés avec la mention «Mort pour la France»

Nous souhaitons, par nos recherches récentes, apporter une pierre à l’édifice qui se construit sur l’histoire de la participation portugaise à la I Guerre mondiale. Édifice qui voit des pierres être apportées par des ressentes découvertes et recherches de personnalités telles que Georges Viaud, Christine da Costa, Myriam Bruzac, Lionel Delalleau,…

Notre recherche nous a conduits aux soldats nés au Portugal et qui ont servi dans l’Armée française pendant la I Guerre mondiale.

Nous n’avons pas pu déterminer le nombre total de ceux-là, toutefois on sait que 49 d’entre eux sont décédés pendant le conflit et ont reçu l’honneur de se voir inscrit le terme: «Mort pour la France».

Le terme «Mort pour la France» est une mention honorifique posthume ajoutée à l’état civil d’une personne pour récompenser son sacrifice au service de la France. Instituée pendant la I Guerre mondiale par la Loi française, elle confère aux victimes, civiles ou militaires, une reconnaissance et un statut individuel. Elle donne notamment le droit à une sépulture individuelle et perpétuelle dans un cimetière militaire, aux frais de l’État, ainsi qu’à une pension de veuve de guerre le cas échéant.

Notons que plus de 1,3 millions de militaires décédés au cours de la Grande Guerre ont obtenu la mention «Mort pour la France».

À l’occasion du 11 novembre 2014 et dans le cadre du Centenaire du conflit, la Direction des patrimoines, de la mémoire et des archives a mis également à disposition les 95.000 fiches des soldats n’ayant pas obtenu la mention. Ces fiches correspondent en partie à des cas non instruits pour l’obtention de la mention.

Petite curiosité: dans la liste des plus de 1,3 millions de militaires décédés au cours de la Grande Guerre qui ont obtenu la mention «Mort pour la France», deux sont nés au Mozambique: Antioniatti Joseph Baptiste et Assany Elli.

Des 49 soldats cités, nés au Portugal et qui ont servi la France pendant la Grande Guerre, 13 sont des Portugais. Les autres 36, nous présumons qu’ils sont d’autres origines, toutefois nées au Portugal, Français pour la plupart, si on se réfère au fait qu’ils ont fait la guerre pour d’autres compagnies que la Légion étrangère.

Notre description, détaillée, se limitera ici aux 13 soldats qui ont servi la France bien avant que le Portugal intervienne dans le conflit à partir du début 1917 avec le Corpo Expedicionário Português (CEP).

Voici les noms des 13 valeureux Soldats portugais:

Da Costa Valentim, né à Lisboa

Da Costa Leite Alberto, né à Lisboa

Da Trindade Acácio José, né à Santa Bombades (?)

De Carvalho Raphaël Xavier, né à Porto

De Souza Manoel, né à Amieira do Tejo

Franco Carlos, né à Lisboa

Medeiros Adolphe, né à Ponta Delgada

Ornelas Carlos, né à Lisboa

Pimenta Mário Gil, né à Lisboa

Parreira Édouard Félix, né à Aljustrel

Rodriguez Joseph Marie, né à (?)

Simões Pereira José, né à Porto

Talone da Costa e Silva Valentin, né à Lisboa

Des treize, 6 sont nés à Lisboa, 2 à Porto, 1 à Aljustrel, 1 à Ponta Delgada, 1 à Santa Bombades (?), un à Amieira do Tejo et on ne connaît pas le lieu de naissance d’un d’entre eux.

Pour quatre d’entre eux, leurs prénoms ont été francisés.

Parmi les 13, un seul n’a pas fait service dans la Légion étrangère. Il s’agit de Édouard Félix Parreira. C’est le premier à venir en France, il s’est engagé dans l’Armée française en 1903. Il a combattu avec le 13ème Régiment d’Artillerie.

Des 12, quatre ont appartenu au Régiment de Marche de la Légion étrangère, trois au Régiment de Marche du 1er Régiment Étranger, deux au 2ème Régiment de Marche du 2ème Régiment Étranger et 2 au Régiment de Marche du 1er Régiment Étranger.

Concernant le Bureau de recrutement, ils l’ont été un peu partout en France, cependant, on remarquera que 5 l’auront été par la Seine Bureau Central, 2 à Bayonne et un pour chacun des Bureaux de Lyon, Marseille, Rouen Nord, Seine 1er Bureau, Bordeaux et Seine 3ème bureau.

Le rang militaire occupés par les 13 va de: 2 Caporaux, un Adjudant, 5 Soldats de 2ème classe et les 5 autres sont des Soldats.

Contrairement à ce que parfois on pense, les engagées, tout au moins lors de la I Guerre mondiale, étaient des jeunes qui avaient une certaine conscience politique et qui faisaient partie d’une certaine classe de la société, une classe aisée et instruite.

À titre d’exemple, citons ici le cas du Soldat légionnaire Raphaël Xavier de Carvalho. Engagé volontaire au LM 69 de Bayonne, il a été formé avec le personnel de Sidi-bel-Abbès et des dépôts de Lyon, Avignon et Bayonne, le LM a été dissout le 11 novembre 1915 (ses personnels rejoignent le R.M.L.E.). Raphael Xavier de Carvalho est inscrit dans le Livre d’or de la ville de Paris.
Il était fils de Blanche Alphonsine Emmanuelle Daout et de l’écrivain journaliste, Francisco Xavier de Carvalho, décédé le 2 août 1919. Ce dernier a reçu la Légion d’honneur en 1906.

Petite précision sur Blanche Alphonsine Emmanuelle Daout: la loi de l’époque, retirait la nationalité française à toute femme qui se mariait avec un étranger. Cela avait de graves conséquences, tel que: pas droit à certaines aides sociales et problèmes avec les pensions (1). Cela a été le cas de Blanche Alphonsine. Comme elle est morte après son mari, elle a pu réobtenir la nationalité française par Décret de réintégration des femmes d’étrangers, le 18 février 1922.

Les plus âgés des soldats portugais engagés étaient Édouard Félix Parreira, Valentin Talonne da Costa e Silva et Valentin da Costa, tous trois nés en 1883. Le plus jeune est né juste au début du siècle, en 1900, il s’agissait de Joseph Marie Rodriguez.

Joseph Marie Rodriguez est le Portugais le plus jeune tué, il avait 18 ans, 7 mois et 15 jours. Est-ce le plus jeune Portugais mort pendant la I guerre mondiale, ceux du CEP inclus?

Le plus âgé mort des 13, fut Manoel de Souza, il avait 36 ans, 9 mois et 20 jours.

Notons que l’âge moyen général des soldats morts pendant la I Guerre a été calculé à 27 ans et 4 mois.

La plupart des Légionnaires portugais tués, l’ont été avant que le Portugal ne rentre en guerre: 2 l’ont été en 1914, 4 en 1915, 5 en 1016, 1 en 1917 et 1 en 1918.

Le premier Légionnaire portugais au service de la France à être victime de la I Guerre Mondiale fut Adolphe Medeiros. A-t-il été le premier Portugais tué pendant la I Guerre mondiale en France? Il est très probable qu’il l’ait été.

Le dernier tué de ce groupe, fut Joseph Marie Rodriguez, mort le 18 septembre 1918. L’Armistice ayant été signé le 11 novembre 1918. Joseph Marie Rodriguez a-t-il était le dernier Portugais à mourir durant la I Guerre?

Dû à des faits de guerre, nous constatons que trois des Légionnaires sont morts à Souain Perthes-les-Hurlus (dans la Marne): Valentin da Costa, Raphael Xavier de Carvalho et Valentin Talonne da Costa e Silva. Le premier est mort le 26 septembre 1915, les deux autres, deux jours après, le 28 septembre 1915. Tous les trois appartenaient au 2ème Régiment de Marche 1er Régiment Étranger (2RM1RE).

Carlos Franco et Mário Gil Pimenta sont tous les deux morts le 4 juillet 1916 à Belloy-en-Santerre (dans la Somme).

Les motifs de décès enregistrés sur les documents des treize soldats furent:

– 6 tués à l’ennemie. Tué à l’ennemi ou mort au combat (en anglais: Killed in action, abrégé KIA ou K.I.A.), est une expression utilisée sur les documents administratifs pour décrire les pertes subies au combat par leurs forces et provoquées par des forces hostiles.

– 3 ont disparus en combat

– 2 sont morts par maladies contractées en service

– 1 suite à blessures de guerre

– 1 par pneumonie grippale

Nous n’avons pu consulter que 4 actes de décès sur les 13 combattants: Raphaël Xavier de Carvalho, Valentin da Costa, Carlos Franco e Adolph Medeiros.

Des 13 soldats, 4 ont des sépultures en France. Étant donné que 3 ont été considérés disparus, on n’a pas pu déterminer les lieux de sépulture des 5 autres des soldats. On suppose qu’ils ont, peut-être, été enterrés au Portugal.

Citons les quatre soldats dont les sépultures sont en France:

Manoel de Souza a été enterré à la Nécropole Nationale «La ferme de Suippes», tombe individuelle 2239.

Acácio da Trindade a été enterré dans la Nécropole Nationale de Royallieu, à Compiègne (dans l’Oise), carré B, tombe 40.

Alberto da Costa Leite a été enterré au Cimetière de Dieppe (dans la Seine Maritime), carré communal «Dieppe», tombe individuel 1036.

Raphaël de Carvalho dont les restes mortels sont à l’Ossuaire National Ferme de Navarin, Ossuaire 1, situé sur les communes de Sainte-Marie-à-Py et Souain-Perthes-lès-Hurlus (dans la Marne).

Aujourd’hui, 275 Nécropoles Nationales et plus de 2.000 carrés militaires, répartis sur l’ensemble du territoire national, conservent les restes mortels de près de 800.000 Morts pour la France. 88% d’entre eux sont décédés lors de la I Guerre mondiale. Certains reposent en ossuaire, faute d’avoir pu être identifiés au moment de l’inhumation.

Si l’on veut mieux comprendre certaines données de la I Guerre mondiale, ce qui suit va permettre d’appréhender le contexte général dans lequel il faut placer les 13 valeureux soldats légionnaires portugais qui ont servi la France pendant ce conflit et qui y sont morts:

Pendant la I Guerre, 30.000 engagés volontaires pour la durée de la guerre (EVDG) viendront densifier les rangs de la Légion étrangère durant le conflit. De Blaise Cendrars, Malaparte, Zinoview, Frantis ek Kupka, à Hans Hartung, Georges Artemoff ou encore Ossip Zadkine… ces noms aujourd’hui illustres, appartiennent au patrimoine de la Légion étrangère et viennent raconter l’histoire plus discrète de milliers d’autres étrangers venus servir la France en s’engageant dans les rangs de la Légion.

La Légion étrangère a perdu 5.712 soldats pendant le conflit, essentiellement des Occidentaux (50 nationalités).

Citons à titre d’exemple le fait que plus d’un millier de Grecs avaient, pendant la I Guerre mondiale, aussi rejoint les rangs de la Légion. L’Espagne n’a pas participé à la I Guerre mondiale, elle a toutefois vu 1.102 soldats nés en Espagne qui se sont engagés à côté des Français pendant la Grande Guerre et qui font partie de la liste des «Morts pour la France».

Aujourd’hui, près de 150 nationalités composent ce corps d’élite de l’Armée française. Parmi elles, on compte beaucoup d’hommes originaires des pays de l’est, d’Asie et d’Afrique.

Dès son intégration, le jeune militaire voit son nom, son prénom et sa date de naissance modifiés. Avant c’était facultatif. Depuis 2015, c’est devenu obligatoire. Au bout de six mois, le Légionnaire peut décider de récupérer son identité ou de garder la nouvelle.

Le processus de recrutement est beaucoup plus expéditif que pour les autres corps de l’Armée. Pour s’engager, il suffit de se présenter dans un poste d’information ou dans un centre de présélection, à Nantes pour l’Ouest. Un candidat qui se présente est ensuite envoyé pour une semaine de sélection au Fort de Nogent, à Paris, puis trois semaines à Aubagne. À Castelnaudary, une formation de quatre mois est enfin dispensée aux nouveaux Légionnaires. Mais le concours d’entrée reste très sélectif avec un taux de réussite de 12,5%. Empoignant de la dureté de la Légion est le fait qu’en moyenne 300 soldats la désertent pas an.

Actuellement sur les 6.800 soldats qui composent la Légion Étrangère, 80 sont des Portugais.

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(1) Jocelyne Pède, petite fille du soldat Manuel da Cunha França nous a transmis un document sur ce sujet dans lequel, l’épouse de Manuel s’adressait aux autorités pour demander des aides sociales auxquelles elle n’avait pas droit du fait de s’être marié à un Portugais. Manuel da Cunha, lui-même, a fini par demander la nationalité française, son épouse récupérant par la même occasion la nationalité française qu’elle avait perdue précédemment.

 

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