João Silveira Ramos

Livres: La Lisbonne de Manuela Gonzaga et ses jardins secrets

«Je ne sais pas pourquoi on parle toujours de la lumière de Lisbonne». C’est avec cette phrase que Manuela Gonzaga – traduite par Laure Collet – commence ses «Jardins Secrets de Lisbonne» (publié pour la première fois au Portugal en 2001), dès ce mois-ci en librairie aux éditions Le Poisson Volant.

Cet épais volume s’ouvre donc sur une référence à la lumière mythique de Lisbonne (chaque ville n’a-t-elle pas sa propre lumière?) pour mieux nous plonger dans la pénombre de ses jardins secrets, une ville inconnue que parcourent des amants livrés à la plus excitante lascivité.

L’histoire d’Alice est commune, presque banale. Au bord de la dépression, cette photographe frustrée, fille de photographe, s’éprend de sa propre antithèse, le très libertin Jorge. Au fil de l’histoire et de l’Histoire, les Jardins Secrets de Lisbonne font voyager le lecteur dans le temps. De l’approche de la Révolution des Œillets à l’Expo 98, en passant par la guerre coloniale, quelques jours durant en 1988, Lisbonne perd de sa superbe lumière: c’est le catastrophique incendie du Chiado.

Ce Chiado où le père d’Alice cachait son studio, où Amália a commencé sa terrible descente aux Enfers. Domestique et modèle, elle devient brutalement l’attraction du Salão, le bordel de Madame Brigite sur la place Figueira. Mais avec vue sur le Château.

Sa virginité mise aux enchères devant l’élite sociale décadente de la société fasciste, elle se retrouve littéralement aux mains d’un magnat angolais du coton et des diamants de sang. C’est une Lisbonne bipolaire, miroir du Portugal d’alors, que Manuela Gonzaga nous présente sous sa plume franche, accessible, et dépourvue de baroquismes. De l’atmosphère rance du marcelismo, grise, triste, et socialement inégalitaire, à l’euphorie des années 90 sous la «pluie des millions» de Bruxelles, des années joyeuses et (toujours!) inégalitaires. Un ballet de personnages qui errent dans une Lisbonne secrète, presque magique, mystique; des hommes et des femmes de leur temps qui cherchent la lumière dans l’obscurité des souterrains et le bonheur conjugal dans la luxure des bordels.

 

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