Aujourd’hui, il est parfois difficile de trouver les CD qui ne se vendent pas à la pelle, car le marché du CD est en perte de vitesse au profit du retour du Vinyle et de l’explosion du Streaming. Il faut donc, soit commander (et encore) ou fouiller là où l’on sait que trouver est possible.
Le pari fait par Sara Correia pour son deuxième CD est osé et risqué, surtout en France. Chez elle, au Portugal, elle commence à être bien connue, mais pas forcément en France, aux exceptions que sont les publics de la diaspora portugaise et des fans de Fado.
Je m’explique : j’ai trouvé le CD, car j’avais vu la pochette… et vu l’affiche de sa venue aux Folies-Bergère le 16 avril prochain. (Pourtant j’habite en Bretagne).
Le recto de pochette monte uniquement son visage et ses mains aux ongles colorés étreignant son cou. Rien d’autre. Il faut retourner le CD, et là, sur le verso, il y a le titre de l’album en grand et les titres des morceaux. Enfin, en bas, en petit, son nom. Incroyable.
Sara Correia ne se livre pas à tous les vents, il faut aller la chercher, dans tous les sens acceptables et respectables du terme. Sa mue esthétique est étonnante : vêtements, maquillage, vernis à ongles diversement colorés, cheveux tirés en arrière, tout y est pour attirer l’œil. Mais pas que.
Sara Correia ne chante pas que du fado, où elle excelle pourtant, mais aussi des chansons plus contemporaines. D’ailleurs, dès le premier morceau, «Madrugou», le ton est donné : il n’y a pas le duo fatidique, fatal et conventionnel du Fado : guitarra portuguesa et viola. Non, c’est la guitarra portuguesa d’Ângelo Freire qui ouvre le bal, suivi par les effets électroniques des percussions et de basse. Puis, pour rassurer le public et rappeler d’où elle vient, le deuxième morceau qui donne le titre à l’album, «Liberdade», tient du Fado clássico, avec la viola, ici nommée guitarra nylon, tenue par Tiago Bettencourt. Si vous n’avez pas le temps de tout écouter, alors sélectionnez «Marcha da Perdição» : la baixo de Federico Gato, la guitarra elétrica et les effets de percussions de Diogo Clemente, donnent une ambiance efficace à ce morceau. Rien que des bons et connus musiciens.
Le morceau «Era O Adeus», au chant magnifique, signe le rôle important de Diogo Clemente dans ce disque. Dans «Que da voz te nasçam pombas», la guitarra portuguesa est accompagnée par le chant des petites vagues sur la grève.
La voix de Sara Correia est joliment efficace, car puissante, certes, mais sans être forcée, ni saturée. Elle n’écrase pas l’accompagnement. L’interprète applique la nuance à son intervention. À ce titre, le morceau «Tu não me digas» est démonstratif : juste sa voix, la guitarra d’Ângelo Freire, au début, puis le nappage clavier et un cœur de quelques secondes, procurent une sensation étonnante et magique.
Dans ce même registre moderne, «Chelas» est une démonstration de ce que peut proposer l’artiste : des sons modernes, contemporains au service de bonnes chansons. Un peu comme Ana Moura. En concert, elle est soutenue, en plus des guitarras et de la baixo, par un multi percussionniste et quelquefois par un accordéoniste / claviériste.
Puis un autre fado vient – «Roleta» – et ainsi de suite. Il ne faut pas passer à côté de la connue «Balada do outono» de José Afonso, cela pour souligner l’étendu du registre de cette jeune chanteuse. L’interprétation, qui en est ici offerte, est magistrale, vocalement, avec la seule présence de la guitarra portuguesa d’Ângelo Freire. À mon sens, c’est la perle du disque.
Le CD comprend un livret reproduisant les textes, traduits approximativement en anglais, mais pas en français. Et le nom des musiciens et du staff est inscrit en ultra minuscule, nécessitant l’usage d’une loupe (et ce n’est rien de le dire !).
En conclusion, ce disque est excellent et dynamique. Si vous êtes en région parisienne, ne ratez pas cette artiste : allez l’écouter et la voir aux Folies Bergères le vendredi 18 avril 2025 à 16 heures.
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Liberdade
Sara Correia
Universal musique Portugal. 2023.