Home Opinião Opinion: Gilets Jaunes: un cri de justice pour le XXIème siècleNathalie de Oliveira·7 Fevereiro, 2019Opinião Des mois et des mois que leur cri résonne aux quatre coins de la France: justice! Les gilets jaunes crient à longueur de samedis depuis l’Acte I de novembre 2018. L’Acte XII de la révolte s’est clos ce samedi 2 février, sans victoire d’une cause désormais nationale, celle de la justice fiscale et donc sociale. L’ISF ne sera pas restauré, les salaires n’augmenteront pas excepté les 23 euros sur le SMIC, liée à la valorisation de la prime d’activité. Même si le prix aux pompes n’a pas augmenté en début d’année comme initialement prévu et que la CSG des 1,7% est rendue aux retraités aux revenus inférieurs à 2.000€ mensuels, d’autres samedis s’annoncent pourtant très inquiets. Le Gouvernement Macron, Président en tête, laisse la parole aux Français pour proposer une séquence de Grand Débat National – sait-on jamais? – pour calmer la foule et ses désirs de vie meilleure jusqu’au printemps? En même temps qu’il leur adresse à l’envie et à répétition de mots sincèrement méprisants: «ceux qui ne sont rien, il suffit de traverser la rue pour trouver du travail, tu vas tous les bouffer, un gitan boxeur ne peut pas parler aussi bien, etc.». À cette catharsis périlleuse présidentielle, quelle autre catharsis lui opposer sinon la soif de démocratie de ses concitoyens? L’idée aux apparences salutaires de Grand Débat National, aidée de cahiers de doléances romantiques, reste une commande méthodiquement ficelée pour faire remonter à l’antre élyséenne les conclusions exclusivement utiles aux choix politiques arbitraires déjà entrepris pendant son quinquennat. Politique digne d’un libéralisme vorace très en forme en Europe. Le souffle est violent et contraire à la passion historique française de conquête d’égalité. Les gilets jaunes travaillent, d’autres sont en reconversion professionnelle, d’autres au chômage. Dans tous les cas, ils affrontent les aléas d’une conjoncture économique et d’un marché de l’emploi dont ils ne sont pas responsables ni de l’instabilité, ni de la précarité, encore moins de lois Travail successives qui n’ont pas été écrites pour protéger des droits acquis et empêcher une dégradation de leur niveau de vie, comme celui de leur famille entière, notamment sous le Quinquennat de François Hollande. Être dépossédé de soi dans le travail est inacceptable, voilà ce qu’ils nous crient, sortis de nulle part ou plutôt des entrailles de la France. A l’augmentation constante des taxes sur les énergies fossiles et autre pourcentage généreux de TVA sur les produits de consommation directe, qui ne seront pas fléchés ou à peine à l’investissement sur la transition écologique, le simple fait de laisser l’ISF dans les poches les plus soyeuses a cristallisé la force de la révolte contre les mandants qui nous gouvernent. Le cri exulte dans le reflet jaune fluorescent des gilets d’urgence. «Face à cette vie devenue si chère, nos revenus, ceux de notre travail difficile, eux, n’augmentent pas et nos enfants souffrent», confie une femme gilet jaune, aide-soignante, aux côtés d’autres femmes réunies les dimanches, pour que le calme soit et le calme fut, chaque dimanche. Les inégalités se sont creusées et sérieusement. En France, l’inégalité des chances restent élevé. Les enfants de cadres sont cinq fois plus cadres que les fils d’ouvriers. La mobilité sociale existe mais elle est moins forte qu’au début du nouveau millénaire (1). L’égalité des chances que proclame la République demeure une fiction, sous l’empire fragile de LaRem davantage. Les ronds-points de France et leurs abris de fortune fabriqués par les gilets jaunes expriment cette réalité. Nombreux sont les riverains qui sont venus quotidiennement apporter vivres, sourires et soutien. Ce soutien ne fatigue pas foncièrement, avec plus de 60% de Français qui continuent de soutenir ce combat (2), cette quête de justice sociale et donc celle d’une démocratie plus aboutie. Là, à ces ronds-points joyeux, désormais interdits. La liberté fondamentale de manifester réduite à coups de lois iniques telle la loi «anticasseurs» qui effraie les citoyens plus que les délinquants, s’est nichée une fraternité nouvelle. Cette fraternité rappelle la force de la fratrie triptyque républicaine dont on menace le principe d’indivisibilité. Liberté, Égalité, attention à vous. Et quel cri! Les violences, de tous côtés, surtout des fins de manifestations de ces samedis criards sont aussi avérées: individus isolés dangereux, quelques-uns vêtus d’un gilet jaune pour voler, d’autres casseurs expérimentés pour piller un maximum, y compris la confiance d’un avenir commun. Des blessés graves, borgnes, amputés, et malheureusement des morts. Les forces de l’ordre, éprouvées par des années de menaces terroristes, ne sont pas épargnées dans leur mission de protection, de sécurité et de tranquillité publique, sans expier certaines fautes. L’Histoire nous l’a jadis naguère témoigné: ici, les Révolutions sont nées de la violence subie de l’injustice fiscale depuis sept siècles (3). Le principe de l’impôt n’est pas rejeté mais lorsqu’il dessert cette si belle Idée d’égalité et œuvre à son contraire, c’est-à-dire, à la dilution voire l’annulation du lien civique sans cesse attaqué, soit par un étatisme raide, un libéralisme implacable ou encore l’intérêt égoïste individuel tenace, la démocratie peut vaciller et les exemples ne manquent pas en Europe et dans le monde. Le Grand Débat National a lieu d’être s’il aboutit à un changement de cap social, notamment s’il respecte ce cri majoritaire de rétablissement de l’ISF et de reconquête de pouvoir d’achat abîmé. L’issue de cette crise jaune n’a pas à finir par un référendum fabriqué sur des questions censurées par la vision inégalitaire de la société désormais connue, dénoncée et contestée d’En marche! S’il est question de viser le bien du pays tout entier, plus profond encore que les luttes de classes qui nous divisent depuis des siècles, le cri des gilets jaunes crient et convoquent une démocratie pleine et entière : celle qui fait de chaque citoyen, un associé à respecter, un être civique et politique, un expert d’usage capable d’agir au sein d’une communauté de femmes et d’hommes sensibles les uns aux autres, en somme, un.e égal.e d’un Président, à qui ils rappellent l’essence et le sens de la plus haute fonction de la République qu’ils ont en partage. (1) www.inegalites.fr/Tel-pere-tel-fils-L-inegalite-des-chances-reste-elevee (24.01.2019). (2) https://elabe.fr/tag/gilets-jaunes/ (9 janvier 2019). (3) Les Gilets jaunes s’inscrivent dans une vieille tradition: la révolte fiscale. La première jacquerie de ce genre est déclenchée en mai 1358 par les paysans du nord de l’Ile-de-France. [pro_ad_display_adzone id=”20816″]