LusoJornal / António Marrucho

Opinion: Souvenirs, souvenirs – le temps du mimosa

Écrire c’est partager, écrire c’est vivre… revivre des émotions, émotions qui peuvent découler de ce que nous voyons, de ce que nous entendons, de ce que nous sentons.

Les cinq sens font partie du grand mystère du corps humain.

Nostradamus a su très bien écrire sur l’avenir, étonnante est également la lecture du livre «Cent ans après ou l’an 2000» publié en1892 d’Edward Bellamy. Ce qu’on partage, toutefois, le plus facilement, c’est les émotions vécues, même si l’on se dit: «le plus important… c’est demain, le plus important c’est ce qui nous reste à vivre… à partager».

L’ami José Patrocínio nous écrivait ce dimanche 12 janvier de Castelo Branco: «ce jour au matin, en entrant dans la voiture à 08h20, le thermomètre indiquait la température la plus basse de cet hiver: -1 degré. Les mimosas ne vont pas tarder à fleurir, les premières hirondelles d’ici un mois et demi vont commencer à arriver, premiers signes que le printemps sera pour bientôt. En ce qui concerne les cigognes, elles n’émigrent même plus, elles passent l’hiver par ici… Mon ami… ne soit pas jaloux».

José, dans «ch’ti nord on printe du bontemps, les carnavaleux de Dunkerque» sont nombreux… ils osent se montrer… ils osent faire la fête… des visages masqués… des masques de vie, des masques de paix.

José, ton message a eu le mérite de réveiller des souvenirs… souvenirs d’ici… souvenirs d’ailleurs, souvenir du Portugal, de notre jeunesse, de notre adolescence.

Il est déjà bien lointain le temps où aller au Portugal pour tailler la petite vigne familiale, cueillir les oliviers, cueillir les raisins, avait un sens. Grande partie d’entre nous, arrivés en France dans les années 60 et 70, venait de la campagne. On était propriétaires de petits lopins de terre qu’on avait hérité ou acheté avec le produit du labeur en terres de France.

La terre était travaillée, la plus petite parcelle était cultivée… elle alimentait, elle tuait la faim. Nous avons presque envie de dire que «rien ne se perdait, tout se transformait». La friche n’était présente que dans des lieux très inaccessibles à l’être humain et à des animaux, tels que bœufs, chevaux et ânes… animaux qu’on pourrait presque considérer de compagnie: compagnie dans le repos, compagnie dans l’effort, l’animal et l’homme ne faisaient, parfois, qu’un.

José, José Patrocínio, souviens-toi, avant que nos mères rejoignent nos pères en France, leur travail était multiple… celui de nous élever seules, de gérer la maison, de s’occuper des terres et de travailler pour des agriculteurs plus fortunés. Souviens-toi… pour certains travaux, elles partaient ensemble, alignés… pour bécher, alignés… pour couper le blé… et là, malgré leur peine, elles défiaient les oiseaux en chantant… ont les entendaient loin… bien loin… il faut dire qu’à l’époque nous n’avions pas de radio et encore moins de télévision. Moi aussi, j’ai été jeune… Il paraît qu’à l’époque j’étais très sage, ma mère me transportait dans un panier en osier, je pouvais y rester des heures à l’ombre d’un saule en attendant la fin d’une journée de travail de ma chère nourricière, de ma chère mère.

Il y a des choses qui se perdent, des coutumes qui s’oublient, la nature elle… se dénature parfois, mais aussi elle prend la place laissée par l’homme: les mauvaises herbes, les genêts envahissent… et les mimosas.

Mimosas qu’en cette période de l’année embellissent le paysage du Portugal et rendent encore plus agréable l’air respiré.

Dès qu’on rentre au Portugal par Vilar Formoso, le paysage se transforme. Des vastes paysages espagnols de tournesols, des vastes paysages souvent ombragés où les taureaux se prélassent en attendant l’ultime combat dans lequel il devront se montrer vaillants et dont le résultat final est malheureusement connu d’avance… on passe au Portugal, à un paysage plus chaotique, avec d’énormes rochers, travaillés par le vent, façonnés par le temps… une exposition à ciel ouvert, l’art à l’état brut.

Que de souvenirs!… dès que nous rentrions au Portugal en février, on ouvrait la fenêtre de notre Renault 18. L’air frais, l’air du Portugal, la senteur des mimosas nous accueillent.

En ce temps qui passe, à l’hiver… succède le printemps.

Cher lecteur, je vous invite à visiter la «Cova da Beira». Avant que la meilleure cerise au monde ne se colore, ne rougisse… quelle merveille! Quelle beauté! La montagne de la Gardunha, Fundão et villages des alentours se tapissent d’un manteau blanc qui vire parfois au rouge, c’est un paysage reposant… la nature a cet extraordinaire don… le don de nous émouvoir.

De la fleur naîtra la cerise, en mai, juin.

Dis José, il y a bien longtemps que nous n’allons pas en juin au Portugal. Dis-moi, c’est encore en ce mois que l’on mange la meilleure sardine de l’année?

Pour bien apprécier la sardine il nous faut les cinq sens: la belle sardine s’apprécie, on la regarde, elle est grosse, maigre, luisante, on écoute le crépitement de la braise qui, au même temps, fait éclater la peau de la sardine avec un petit sifflement, on la touche, elle nous glisse des mains, elle est chaude au sortir de la braise, les odeurs, que d’autres appelleront divin parfum, parfois un peu envahissant.

José tue-t-on encore le cochon dans Beira Baixa en hiver? J’imagine que si cela se fait, c’est en cachette. Et pourtant qu’il était bon… La viande de cochon se bonifiait au contact du sel… même le gras avait du goût.

Qu’il est bien loin le temps où la Gendarmerie de Fundão venait faire la ronde à Alcaria, après un trajet entre ces deux localités en train. Leur seul travail, dans ce paisible village? Mettre des procès-verbaux aux poulets.

Cher lecteur, ne riez pas, je vous vois venir, le poulet c’est bien un volatile. Eh oui, pendant que les Gendarmes marchaient d’un lent pas cadencé, le téléphone arabe fonctionnait: les poulets qui se gavaient sur la voie publique étaient invités à rentrer chez eux, à rentrer dans le poulailler avant le coucher de soleil. Peu de PV’s étaient notifiés… d’ailleurs, bien difficile était le travail de déterminer à qui appartenait le poulet. Il faut également dire que les gentils gendarmes appréciaient certains mets: la cuisse d’un lapin qu’on retirait de l’huile dans laquelle elle était conservée après avoir été grillée, le bon pain traditionnel – «a Broa» – la bonne bouteille qui leur était réservée. Autres temps… autres mœurs… qui remontent au temps où Johnny Hallyday chantait pour la première fois: «Souvenirs, souvenirs».

 

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