Printemps Littéraire Brésilien: Les défis de la traduction

Le 14 mars dernier, dans le cadre du Printemps Littéraire Brésilien, l’écrivaine Lúcia Bettencourt rencontrait les étudiants de Langues Étrangères Appliquées, au Centre Universitaire Malesherbes (Sorbonne Université), pour une table ronde intitulée « Les défis de la traduction ». Cette rencontre, modérée par les professeures Sara Novaes Nogueira et Gabriela Ferreira, s’inscrivait dans un des objectifs du Printemps Littéraire Brésilien : permettre aux apprenants d’une langue et d’une culture, à travers leur rencontre avec des écrivains et leur participation à un projet collectif, d’être des éléments actifs dans le processus d’apprentissage.

Née à Rio de Janeiro, Lúcia Bettencourt a fait des études en Littérature Comparée, puis enseigné et animé des ateliers sur l’écriture du « conto » – la nouvelle, genre littéraire très présent dans la littérature brésilienne. Elle est l’auteure de plusieurs romans et recueils de nouvelles, dont « A secretária de Borges » (2005), pour lequel elle a obtenu le Prix SESC, un des prix littéraires brésiliens les plus côtés, qui lui a ouvert la porte des éditeurs. Deux de ses nouvelles ont été publiées en français dans le recueil « Je suis Rio » (éd. Anacaona). Son dernier roman, publié en 2015 aux éditions Rocco, évoque le retour de Rimbaud en France juste avant sa mort et s’intitule « O regresso – A última viagem de Rimbaud ». Lúcia Bettencourt est également auteure de littérature enfantine.

Avant que Lúcia Bettencourt n’aborde la question de la traduction, les étudiants de Portugais inscrits en LEA ont lu une de ses nouvelles qu’ils avaient traduite dans le cadre d’un travail collectif. Un échange fort intéressant s’en est suivi notamment sur les concepts de signifié et de connotation, ainsi que sur les références culturelles lors d’un travail de traduction. Pour Lúcia Bettencourt, « le traducteur a un rapport analytique très important avec la langue (ce qui n’est pas tellement le cas de l’auteur) et il est celui qui facilite la traversée entre deux univers ».

Son exposé sur « les défis de la traduction » s’appuyait sur sa propre expérience : comment a-t-elle perçu son œuvre après avoir été traduite. Précisons que, outre le français, quelques-uns des livres de Lúcia Bettencourt ont été traduits aussi en anglais, en espagnol, en bulgare et en arabe. Si en tant qu’auteure, après la publication de son premier livre, « A secretária de Borges », et après s’être exposée aux regards des lecteurs, elle avait eu le sentiment que son livre n’était plus sa « propriété » et qu’il avait « une vie qui lui était propre », son étonnement fut encore plus grand en tant que « auteure traduite ».

Citant l’écrivaine Rachel Jardim, Lúcia Bettencourt affirme que « le plus grand hommage que l’on puisse rendre à un auteur consiste à le traduire dans une autre langue ». Elle souligne l’immense tâche du traducteur : « permettre la lecture d’une histoire, favoriser la rencontre entre le lecteur et le texte, réunir des sensibilités éloignées les unes des autres, conjuguer des cultures en révélant leurs affinités et leurs différences ».

Revenant sur le rapport analytique que le traducteur a avec la langue, Lúcia Bettencourt explique que celui-ci part du mot, de la structure de la phrase ou du ton choisis par l’auteur. Il doit donc avant tout comprendre la raison de ces choix. Non seulement les choix de vocabulaire, mais aussi l’organisation du texte, sa teneur émotionnelle et son rythme, afin d’aboutir à « un univers vraisemblable où les histoires et les personnages peuvent fonctionner ». Puis elle s’interroge, en s’appuyant sur la traduction de ses nouvelles « A secretária de Borges » : « En lisant un texte dont on est l’auteur, écrit par une autre personne dans une langue différente de la nôtre, sommes-nous réellement en train de lire notre texte ? ».

Dans un premier temps, elle ne nie pas « la joie de me retrouver devant ce qui n’est pas écrit par moi, mais qui, cependant, est mon texte ». Et elle ajoute : « Tel un miroir, il y a toujours des différences, comme si mon image était inversée, transformée, recréée ».

Concluant son exposé, en forme d’hommage, Lúcia Bettencourt a tenu à rappeler que c’est « grâce au travail patient des traducteurs » qu’elle a pu accéder initialement à des grands auteurs tels que L. Carroll, L. Tolstoï, J.L. Borges, Dante, Cervantes ou Proust qu’elle affectionne tout particulièrement.

 

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