Lusa | Tiago Petinga

Réflexions et statistiques sur les feux au Portugal | 2021, une année particulière

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La Saint Sylvestre approchant, c’est souvent le moment propice pour passer en revue l’année écoulée sur les thèmes les plus variés.

Même s’il manque encore un mois pour le réveillon 2021/2022, on peut dès à présent parler d’une année 2021 avec un nombre d’incendies faible au Portugal par rapport à la moyenne des dernières années.

Le Minsitério da Administração Interna déclare qu’entre le 1er janvier et le 20 septembre, il y a eu 7.114 incendies ruraux qui ont causé 26.760 hectares de superficie brûlée, y compris des habitations, des buissons et de l’agriculture. En 2021, il y a eu 52% moins de feux en milieu rural et 72% moins de surface brûlée par rapport à la moyenne des 10 dernières années.

Les statistiques n’expliquent pas tout, mais sont assez parlantes et permettent à chacun de se faire sa propre opinion. Celles que nous vous présentons ci-dessous, sont établies à partir de croisements de données que nous avons consultés provenant de nombreuses sources.

On peut considérer que d’une façon générale, il y a une moyenne de feux qui est en augmentation depuis les années 1980 au Portugal, même s’il faut tempérer l’affirmation. Le nombre d’hectares brûlés par an dans la décennie 1981-1990 a été de 82.784, dans la décennie 1991 à 2000 de 102.203 hectares, de 2001 à 2010 de 160.986 et de 2011 à 2020 de 130.070 hectares. Il est de noter ici que dans la décennie 2001-2010 il a eu deux années terribles qui expliquent la moyenne annuelle de la décennie supérieure à la suivante: en 2003 il y a eu 471.750 hectares de terres brûlés pour un total de 28.087 incendies et en 2005 de 346.718 hectares brûlés pour un total de 41.689 incendies, même si dans la même décennie, 2009 a été une année assez épargnée par les feux, avec un total de 92.126 hectares brûlés pour un total de 29.126 incendies.

L’ampleur des incendies on peut aussi la retrouver dans la moyenne de terrain brûlé par incendie: une moyenne de 5,7 hectares par incendie dans la décennie 2001-2010 et de 6,6 hectares dans la décennie suivante. On retrouve ici les cas extrêmes de 2003 et 2005, dans le mauvais sens, avec respectivement 16,8 hectares et 8,3 hectares par incendie, tandis que la moyenne de 2009 fut de 3,1 hectares brûlés par incendie.

L’année record pour le nombre d’hectares brûlés a été 2017 avec 539.921 hectares pour un total de 21.006 incendies, nombre d’incendies peut-être moins importants que certaines années, toutefois plus d’hectares brûlés en moyenne par incendie: un record de 25,7 hectares.

Entre 1980 et 2020, 47.604 kilomètres carrés auraient été brûlés au Portugal, à comparer avec la superficie du Portugal qui est de 92.090 kilomètres carrés, statistique révélatrice: 51,7% de la surface du Portugal aurait brûlé en 40 ans, l’année 2017 battant tous les records avec 5,9% du Portugal qui a brûlé en une seule année. Rappelons nous de la catastrophe, le drame humain provoqué par l’incendie de Pedrogão Grande (1).

Le Portugal est un cas à part, que nous appelons nous-même «les incendies au Portugal: le terrorisme à la portugaise», toutefois, il faut rapporter ces statistiques au drame plus général qui est celui du réchauffement de la planète.

Il conviendrait aussi de comparer les années avec le plus d’incendies, le plus de surfaces brûlées aux températures estivales des respectives années. D’autres explications sont à trouver dans de mauvaises politiques territoriales, dans la désertification de certaines régions, le dépeuplement, l’abandon de l’agriculture, l’abandon de l’agriculture contribuant par ailleurs à la continuité de zones brûlables, l’action humaine, les criminels incendiaires.

Francisco Peraboa, Commandement opérationnel de la Protection Civile du district de Castelo Branco affirmait au «Jornal do Fundão» du 18 novembre dernier que 98% des incendies au Portugal ont une origine humaine.

On apprend par ailleurs, avec les statistiques qu’au Portugal entre 2010 et 2019, 47,6% de zones brûlées furent des forêts, 45,9% des buissons et 6,5% des terres agricoles.

Entre 2010 et 2019, 77,6% des incendies ont été enquêtés, avec une moyenne qui va de 64,2% en 2010, à 83% en 2015 et 91,7% en 2019.

Il a été considéré que 58,6% des enquêtes sont terminées pour les incendies enquêtés de 2010, 66,8% pour ceux de 2015 et 63,8% pour ceux de 2020.

Selon les statistiques de 2010 à 2019: 39% des feux au Portugal ont un origine par négligence humaine (6% lors d’un feux style barbecue, 16% de feux de nettoyage de forêts et terrains agricoles, 10% de gestion de pâturage), 27% par des incendiaires, 18% de reprises de feux, 16% ont d’autres causes dont seulement 1% de par la foudre.

Ces statistiques peuvent varier évidemment d’un territoire à un autre. A titre d’exemple, on considère que dans le district de Castelo Branco, pour la même période, 42% des incendies ont été provoqués par des criminels incendiaires.

De noter que – et à cause des sanctions imposées depuis quelques années – le nombre de feux en moyenne provoquées par style barbecue a diminué; 1% pour les années de 2017 à 2020. Les incendiaires sont plus ou moins stables à 26% en 2010, 30% en 2016 et 2017, le record étant 2020 avec 37% (plus incendiaires proportionnellement en nombre ou parce que les incendies sont plus enquêtés, la population plus vigilante, plus dénonciatrice?).

Il semblerait qu’il y ait une vigilance accrue après la fin des feux: 29% de reprises des feux en 2010, 18% en 2016, 17% en 2017, 12% en 2018, 10% en 2019 et 12% en 2020. Ces dernières statistiques sont dépendantes et à comparer au nombre de feux et au personnel disponible pour surveiller après que le feu ait été considéré comme éteint.

Il y a des données qu’il faudrait exploiter et comparer sur une période de x années. Nous nous sommes posés la question concernant les températures et pluviosité de 2021 pour expliquer le nombre de feux moins importants.

Les températures et la sécheresse ont une influence sur la surface brûlée, on dira qu’ils contribuent à ce que le terrain soit propice aux feux. La moyenne des températures de la planète semblerait qu’elle soit en augmentation, toutefois des années chaudes on peut en trouver bien avant notre siècle: par exemple en 1949 la température moyenne de l’été au Portugal a été de 22,9°C, en 1976 de 22,1°C alors que l’année suivante, 1977 est la plus froide de ces 90 dernières années, avec une moyenne de 18,6°C. Les années 1989, 1990, 1991, avec respectivement une moyenne de températures élevées en été de 22,7°C, 22,7°C et 22,6°C ont été les années avec le plus de superficie brûlées de la décennie. Cela se répète les années 2003, 2005 et 2010, avec des températures moyennes élevées de 22,9°C, 23,4°C et 22,9°C, tandis que les années 2007 et 2008, avec des températures moyennes basses de 20,7°C et 21°C ont été les années avec les superficies les moins brûlées de la décennie.

L’année 2017 restera dans toutes les mémoires au Portugal: année record de feux à tous les niveaux. Une partie de l’explication est à retrouver dans les conditions climatiques: l’année 2017 est classée comme extrêmement chaude, la température moyenne de l’air étant d’environ +1,1°C supérieure à la valeur normale, ce qui correspond à la 2ème année la plus chaude depuis 1931.

La température maximale en 2017, supérieure d’environ +2,4°C à la valeur normale, sera la valeur la plus élevée depuis 1931, dépassant la valeur la plus élevée précédente d’environ 1°C, même si la température minimale annuelle moyenne a été proche de la normale 1971-2000.

L’année 2017 a été extrêmement sèche et sera parmi les 4 plus sèches depuis 1931 (toutes survenues après 2000). La valeur moyenne des précipitations annuelles totales sera d’environ 60% de la normale. La période d’avril à décembre, avec des anomalies pluviométriques mensuelles négatives persistantes, sera la plus sèche depuis 87 ans.

Tout au long de cette année, la combinaison de la persistance de valeurs de précipitations bien inférieures à la normale et de valeurs de température bien supérieures à la normale, en particulier la température maximale, a entraîné l’apparition de valeurs élevées d’évapotranspiration et de valeurs importantes d’humidité déficitaires dans le sol. Alors que l’été était terminé, le 15 octobre 2017 on a comptabilisé un record de plus de 500 feux.

En 2021 que disent les statistiques concernant la température?

Le mois d’août 2021, au Portugal continental, a été classé comme chaud et sec. La valeur moyenne de la température de l’air, 22,61°C, était de +0,46°C supérieure à la valeur normale de 1971-2000. La valeur moyenne de la température maximale de l’air, 29,99°C, était supérieure à la valeur normale, avec une anomalie de +1,19°C. Tous ceux qui, cette année, ont passé des vacances au Portugal, l’ont constaté. Les nuits ont été fraîches, d’une façon générale, la température minimale moyenne de l’air, 15,23°C, inférieure à la valeur normale avec une anomalie de -0,27°C.

Il faut probablement trouver ici une des explications du nombre moindre de feux en 2021.

Le commandant Francisco Peraboa prend comme exemple la région de Castelo Branco pour expliquer les bonnes statistiques de 2021: plus de caméras installées dans les avions qui coordonnent et surveillent, la surveillance par 23 caméras de 80% du terrain de la région, le nettoyage des abords des route et chemins est important dans les petits feux, mais pas très efficace pour les feux qui vont du cime d’un arbre à un autre.

Entre 2010 et 2021 à Castelo Branco 49 personnes ont été suspectées d’incendies, dont 26 détenues ses 5 dernières années. Cette dernière donnée est à minimiser (?): selon le journal Expresso du 13 septembre 2021, seulement 13 incendiaires ont été condamnés, ces 4 dernières années, à rester en prison domiciliaire, dont 7 cet été 2021.

Tout incendiaire est un criminel, toutefois il y en a qui peuvent être très actifs dans le mauvais sens: selon Francisco Peraboa, la détention d’un présumé incendiaire dans sa région aurait contribué à un nombre de faux en 2021 moindre.

Le Portugal a voté des lois obligeant les propriétaires à nettoyer les forêts, sous peine d’amendes, les abords de routes et villages sont nettoyés, voire des arbres sont abattus. Les premiers résultats positifs sont là? Dommage qu’ici et là on continue à voir des jeunes plantations d’eucalyptus, arbre qui réussit à repousser après passage d’un feu.

À titre anecdotique, le passage d’un feu peut provoquer l’apparition ou réapparition de nouvelles espèces d’arbres.

Nous ne défendons aucune corporation. Quelques réflexions toutefois:

Le peuple incrimine parfois l’arrivée des éoliennes comme cause des feux, car plus facile et moins onéreux d’acheter des terrains non boisés que boisés, le bois à récompenser est moins cher brûlé. N’oublions toutefois pas que grâce aux éoliennes, de nouvelles routes et chemins ont été construits servant de coupure à la propagation des feux.

Nous avons fait la réflexion suivante à un industriel acheteur de bois: on vous incrimine comme étant vous, souvent, les incendiaires des forêts portugaises, vous achetez le bois ainsi à un moindre prix. Il nous a répondu: comment croire à une chose pareille? En faisant cela, nous nous condamnons nous-mêmes: trop de travail à un moment donnée, du bois de moindre qualité, négocié à un moindre prix aussi à la vente… et si on brûle nos forêts, demain on n’aura plus de bois à acheter, à négocier, c’est l’avenir de nos entreprises qui serait en jeux.

Dans toutes rumeurs, il y a certainement un peu de vérité, ne généralisons toutefois pas.

Contrairement au Portugal, 2021 a été catastrophique au niveau des incendies: jusqu’au 17 août avaient brûlé dans l’Union Européenne 430 mil hectares, le double de la moyenne des années 2008 à 2020.

L’année 2021 reste au niveau des incendies au Portugal comme étant une des années les moins catastrophiques, il est toutefois prématuré de tirer des conclusions, regardons et espérons que cela puisse en être ainsi dans les prochaines années.

Les conditions climatiques ont un rôle très important, cela explique les mega-incendies ces dernières années sur la planète. L’homme est au Portugal coupable de 98% des feux. L’avenir de la planète est dans la mains de l’humain: l’homme n’arrivera à limiter les feux et risques de feux qu’en adaptant ses comportements aux situations, en diversifiant les espèces sylvestres, en valorisant les espèces autochtones, en créant des espèces de mosaïque…

Rendons ici hommage à tous ceux qui combattent le feu, et à tous les volontaires, tout spécialement au Portugal. Valorisons-les, et créons des incitations pour que le volontariat soit reconnu à sa valeur.

 

(1) https://lusojornal.com/les-incendies-le-drame-portugais/

 

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