L’embellie de la production de textile au Portugal toujours d’actualité en 2024 ?António Marrucho·Empresas·25 Fevereiro, 2024 À la suite de notre rencontre avec Jean Pierre Balduyck (lire ICI), ex-Maire de Tourcoing, ex-Président de l’Association des Communautés Textiles d’Europe (ACTE), nous avons voulu savoir où en est le textile au Portugal. Le Portugal, selon les observateurs, est en train de devenir le nouvel atelier de l’Union européenne, les exportations de textile du Portugal ayant augmenté de 16% en 2022, en Europe, de plus en plus de vêtements portent l’étiquette : «Made in Portugal». Dans certains domaines, à l’exemple du textile de haute qualité, le Portugal est en train de remplacer la Chine, le Bangladesh ou le Vietnam. Faisons le point sur les raisons de ce boom industriel : 1. Salaires inférieurs au reste de l’Europe au Portugal. 2. Un savoir-faire et de gros investissements dans les nouvelles technologies. 3. Une image verte et durable, à la mode. Fabriquer au Portugal un t-shirt, aux portes de l’Europe occidentale, aura fait 10 fois moins de kilomètres que s’il venait d’Asie. Ceci conduit à ce que beaucoup de marques de vêtements délaissent l’Asie pour faire fabriquer dans des usines au Portugal. 4. Le thème de la relocalisation des industries, depuis le Covid, est un thème porteur. .Le textile au Portugal, jusqu’il y a de cela 4 ou 5 ans, était victime de la concurrence asiatique, les usines fermaient les unes derrière les autres. Depuis le Covid le miracle est en train de se réaliser, avec la renaissance d’usines qui travaillent sur de nouvelles matières, les collections sont étudiées plus attentivement en tenant compte des goûts du marché actuel. Le Portugal est en train de devenir le cœur de la production textile en Europe avec l’installation des géants du textile et des créateurs de luxe, qui avaient besoin de relocaliser leurs productions vers une plus grande proximité des donneurs d’ordres et des consommateurs. Cette délocalisation permet aussi, aux marques, de se donner une «meilleure conscience», cherchant par un travail de marketing, à toucher le consommateur qui est devenu plus exigeant et sensible aux thèmes de l’environnement. Les vêtements sont de plus en plus travaillés et adaptés aux nouvelles tendances. En délocalisant en Europe, et notamment au Portugal, on délaisse l’Asie pour y produire que du basique. Nous, qui habitons dans le Nord de la France, région qui vendait beaucoup de textile par catalogue, à l’exemple de l’ex-3 Suisses, il y a de cela jusqu’à 10 ans, ces grandes enseignes délaissaient progressivement le Portugal. Alors que les catalogues annonçaient, pour telle ou telle autres saisons, un certain vêtement, avec le Portugal c’était source de problème. La livraison tardive provoquant un manque à gagner, des réclamations, des rabais, problèmes logistiques. Ces dernières années, la production de textile au Portugal a beaucoup changé, les usines tenant la promesse et assurant la production d’une collection en une semaine, par exemple. Autre fait marquant : l’automatisation de tout le processus de production avec la formation renforcée des ouvriers. On forme à préparer la machine, à la programmer, le travail devient moins pénible, plus créatif. Le textile changeant d’image de marque au Portugal, les écoles dans le domaine font le plein, avec à la clé la sûreté d’un emploi à la fin des études. On assiste à la reconversion, par exemple de personnes avec des diplômes d’avocat, il y en a trop au Portugal, en designer’s, avec l’idée de contribuer au bien de la planète, en essayant de rendre la production textile plus écologique, l’industrie de la mode étant extrêmement polluante, elle représente 10% des émissions mondiale de gaz à effet de serre. Pour ce faire, des laboratoires au Portugal mènent des recherches visant à fabriquer de nouvelles fibres 100% végétales, sans plastique ni coton, en utilisant des produits autochtones, des eucalyptus, des déchets du café, des écorces d’arbres, etc. Cette embellie sera-t-elle durable ? Jusqu’au début 2023, parmi les 21 pays qui ont un salaire minimum, la moyenne du salaire minimum national des pays européens a augmenté de 12,7%, 1,6 fois plus qu’au Portugal. Jusqu’en 2023, le Portugal a été le huitième pays de l’Union Européenne avec la plus basse augmentation de salaire pendant les cinq dernières années. Les choses sont en train de changer à ce niveau : d’un salaire de 356 euros minimum en 2003, on est passé à 505 euros en 2015, 760 euros en 2023 et 820 euros en 2024. On assiste entre 2023 et 2024 à une des plus fortes augmentations en Europe : 7,9%. Au Portugal, qui est actuellement en campagne électorale, des promesses sont faites : le Parti Socialiste promet un salaire minimum de 1.000 euros en 2028 et Aliança Democrática promet 100 euros de plus. Autre danger : certaines usines de textile au Portugal travaillent à 60%, voire plus, exclusivement avec une seule marque de vêtements. Avec l’annonce, ces derniers mois de fermetures, de liquidations, de grandes enseignes de vêtements, n’y a-t-il pas là un danger? Concrètement, l’année 2023 semble voir un léger recul du textile au Portugal, qu’il faut toutefois nuancer. Ne commence-t-on pas à assister aux conséquences de l’augmentation exponentielle de la vente du textile d’occasion ? Le Portugal a exporté 5.396 millions d’euros de textile et d’habillement au cours des 11 premiers mois de 2023, soit une baisse de 5% par rapport à l’année précédente, le mois de novembre révélant des “signes de reprise”. Selon les données publiées par l’Association portugaise du textile et de l’habillement (ATP), en novembre de l’année dernière, le secteur du textile et de l’habillement a exporté 503 millions d’euros, enregistrant une baisse d’environ 1% en valeur et 10% en volume, par rapport au même mois de 2022. Dans un communiqué, l’ATP indique que “bien que les exportations de matières textiles soient encore dans le rouge (-11%), les vêtements et textiles de maison et autres textiles confectionnés se sont redressés, ayant enregistré respectivement 2% et 9% de croissance”. En effet, souligne-t-il, “également en termes de volume, il y a eu une croissance des exportations de textiles de maison et autres textiles confectionnés (+6%) et une amélioration (bien que toujours négative) des exportations de vêtements (-1%)”. L’Espagne apparaît comme le plus grand marché, avec des ventes en novembre en croissance de 4% en valeur (115,1 millions d’euros), malgré une baisse de 9% en volume (8.772,8 tonnes), “augmentant ainsi le prix moyen du kilo exporté”. La deuxième destination des textiles «Made in Portugal» est la France, tandis que l’Allemagne arrive en troisième position. En novembre, selon l’ATP, l’Italie a été la destination qui a le plus augmenté en valeur (+6 millions d’euros, équivalent à +16%) et les États-Unis celle qui a enregistré la plus forte baisse (-4,4 millions d’euros, soit +16%), équivalent à -11 %.