Il y a 80 ans Benoît da Costa était un des trois portugais du Train de Loos – le dernier train à partir en déportation


Le 1 septembre prochain marque les 80 ans du dernier train, appelé le «Train de Loos» (lire ICI, ICI et ICI) de déportés envoyés vers l’Allemagne pendant la II Guerre mondiale. Parmi les 871 déportés – dont 3 Portugais ou d’origine portugaise – seulement 284 reviendront des camps.

Les trois portugais sont Henri de Moraes (lire ICI) – il meurt dans le transport entre deux camps de concentration – Jean Póvoa – il meurt le 2 mai 1945, le lendemain de la libération du camp de Sachsenhausen – quand au 3ème, Benoît da Costa Araújo, il sera le seul à revenir de l’enfer d’Allemagne.

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Benoît da Costa Araújo

Benoît da Costa Araújo était le seul, des trois Portugais, né au Portugal. Il faisait partie des 2% de déportés étrangers du Train de Loos.

Benoit est né à Rapa (Celorico da Beira), le 1er octobre 1922. Il s’est marié avec Antoinette João, à Meurchin, dans le Pas-de-Calais,le 29 avril 1948 (*).

Antoinette João est née le 16 novembre 1926 à Estrée-Blanche, aussi dans le Pas-de-Calais) et elle est décédée le 14 mai 2009, à Liévin (62), fille de António João et de Marie Léonie Poiret. Dans la famille d’Antoinette, ils étaient 9 frères et sœurs.

Benoît da Costa Araújo est le fils de Francisco da Costa Araújo, né en 1899 à Rapa et décédé en 1976 et de Maria Augustina Genoveva (1900-1932). Dans la famille de Benoît, ils étaient également à 9 frères et sœurs. Francisco da Costa Araújo est arrivé en France pour travailler dans les mines du Pas-de-Calais.

L’épouse de Francisco, mère du déporté Benoît, décède assez jeune, à l’âge de 32 ans. Francisco s’est remarié avec Eugène Sujeta, de laquelle il aura eu 4 enfants.

Notons que le beau-père de Benoît da Costa Araújo, António João, né à São Vicente, au Portugal, et marié à Marcelle Chrétien, est également venu en France pour travailler dans la mine.

Jusqu’en juin 1942, Benoît da Costa Araújo était mineur dans la Compagnie de Courrières. De 1942 à 1943, il travaille au Champs d’aviation de Rely, dans le Pas-de-Calais, moment où il entre dans illégalité.

En tant que membre des FFI (Forces Françaises de l’Intérieur) il avait comme pseudonyme ‘Jacques’, matricule 325/25, sont chef direct étant Warret Courtois.

En juin 1944, il sera nommé, à Auchel, par l’État Major des FTPF (France Tireurs Partisans Français), Commissaire effectif au grade de Lieutenant, ayant sous sa responsabilité 125 hommes, puis 136 de la 10ème Compagnie. Il sera considéré comme un «bon entraîneur d’hommes» par ses supérieurs.

Membre des FFI, il sera arrêté le 25 juin 1944 à l’issue d’un combat entre un groupe de FTP et des Allemands, à Camblain-Châtelain (62). Détenu à Béthune, transféré à Loos le 15 juillet 1944, puis à Arras le 2 août 1944, ramené à Loos le 31 août 1944, il sera déporté à Sachsenhausen le 1 septembre dans le Train de Loos.

Il travaillera au terrassement des camps. Il a été transféré à Neuengamme, le 17 octobre 1944 (matricule 58.035) et affecté au Kommando de Sandbostel.

Benoît da Costa Araújo sera libéré le 28 avril 1945 par les Anglais, à Sandbostel. Il rentre en France le 1er juin en passant par le Centre d’accueil d’Hazebrouck. Il fait partie des 284 vivants du triste «Train de Loos» qui rentreront en France.

Au moment du retour en France, il habitait 24 avenue de la fosse, à Estevelles, dans le Pas-de-Calais. On le retrouve au 11 rue Florent Evrard, le 27 juin 1948.

Benoît da Costa Araújo sera décoré de la Croix de Guerre de la Résistance, étoile de bronze, pour «services rendus pour faits de Résistance».

Le 27 janvier 1948, il reçoit l’homologation, de la part la Commission Nationale du grade de Lieutenant des F.F.I.

Benoît da Costa Araújo reçoit la Carte de déporté résistant le 19 août 1960, après dossier déposé dans lequel il décrit ses actions, attestées aussi par deux supérieurs.

À l’âge de 41 ans, le Centre de Réforme de Lille attribue à Benoit da Costa Araújo une pension d’invalidité définitive de 85% le 22 octobre 1963, pour «asthénie des déportés, troubles hépato-gastriques, bronchite récidivante et neurotonie cardiaque». Il habite alors au 12 rue d’Alger, à Estevelles. La guerre et la mine lui rendent la santé assez délicate.

Benoit da Costa Araújo meurt à Beuvry le 19 décembre 2002, son domicile, à cette date, étant 10 rue Jeanne Pin, à Auchy-les-Mines.

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Du dossier archivé au Ministère de la Défense, qui nous a été aimablement confié par Celerse Grégory, Président de l’Amicale du Train de Loos, nous pouvons consulter ci-dessous le détail des actions héroïques menées par Benoît da Costa Araújo, portugais au service de la France.

L’attestation de Benoît da Costa Araújo et la deuxième de ses deux responsables, ont été établies afin qu’il reçoive la Carte de déporté résistant.

Da Costa, ex-Lieutenant 10ème compagnie, région 1 – Rapport d’action

En juin 1942, je parviens à m’engager dans un groupe de Résistance enrôlé par le Capitaine Serge et comme je parle plusieurs langues étrangères, je fus chargé de faire de l’espionnage dans plusieurs chantiers allemands (Rely, Linghem, Clarques, Estrée-Blanche).

En septembre 1942, je fais sauter plusieurs petites baraques contenant de la dynamite et de l’essence à Estrée-Blanche.

En janvier 1944, je désarme un Allemand à Clarques. Butin : un fusil et de balles.

En février 1944, dans un convoi stationné à Estrée Blanche, je rafle deux mitrailleuses et un revolver et par mes renseignements ce convoi est bombardé près de Lillers.

En mars 1944, avec le Capitaine Serge, je participe au sabotage d’une voie ferrée près de Lille et je couvre la retraite.

En mai 1944, nous fûmes attaqués au Bois de Camblain Châtelain par la Police d’État sans subir de pertes.

En juin 1944, je fus rappelé dans la 5ème Compagnie, étant recherché par le Feld-gendarmerie et le Commissariat d’Isbergues. Je suis parti à Bourlon, où nous fûmes attaqués le 12 juin à 6 heures du soir. Le combat dure 4h30. Je perds 10 camarades tués et 22 prisonniers, fusillés par la suite à Arras. Par ordre du Commandant Jules, je protège le retrait avec 2 chargeurs de mitraillettes, qui nous restent dans les rues de Bourlon. Les Boches perdent 60 hommes, dont un Commandant. Je me repli sur Auchel. La 5ème Compagnie était démembrée : une dizaine d’hommes forment encore l’effectif avec le Capitaine Paul. Nous reformons la 10ème Compagnie et 2 jours après, je retourne à Bourlon chercher deux mitraillettes que j’avais caché le 16 juin. Les Capitaines Serge, Paul et moi, faisons rafle d’un dépôt d’armes boches à Bétonsart.

Le lendemain, sabotage de la voie ferrée de St. Pol.

Depuis ce jour nous patrouillons de nuit, désarmant allemands et vichyssois le 24 juin.

Désarmement du Commissariat d’Auchel le 25 juin.

En mission commandée, je fus fait prisonnier avec le Capitaine Paul par le Feldgendarmerie au Bois de Camblain Châtelain. Nous fûmes conduits à la Commandature de Bruay-en-Artois, puis à la prison de Béthune, où nous fûmes torturés jusqu’à une heure du matin. Voyant qu’on ne parlait pas, le lundi on nous mis au poteau les yeux bandés. N’ayant plus de succès, les boches nous torturèrent pendant 8 jours, matin et soir, et le dernier jour, ces boches nous félicitèrent d’être braves de ne pas avoir vendu nos copains.

Le 15 août je fus condamné aux travaux forcés et le Capitaine Paul à la peine capitale, déporté par la suite dans les bagnes nazis.

Je rentre en France le 2 juin 1945.

Je ne regrette pas mes services pour la France et si je devais recommencer, je referais ce chemin de meilleur cœur pour abolir ces brutes Nazis.

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Attestation

Nous soussignés,

Arsa Anselme, alias «Bernard», Chevalier de la Légion d’Honneur, Lieutenant-Colonel F.F.I., homologué en Commission Nationale de 10.5.1949 sous le N°32.184, carte C.V.R n°56.983,

et

Delbarre Maurice, Capitaine F.F.I, homologué en Commission nationale sous le n°22.823, carte C.V.R n° 27.198

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Certifions sur l’Honneur que :

Monsieur Da Costa Benoît, né le 1er octobre 1922, à Rapa (Portugal), demeurant au 12 rue d’Alger, à Estevelles (Pas de Calais) :

– A adhéré au groupe des F.T.P.F. de Sallaumines au mois de mars 1942

– Dès son adhésion, il fut chargé de la distribution des tracts patriotiques et du collage des affiches sur les murs, appelant les travailleurs à réduire le rendement du travail pour la machine de guerre allemande.

– Au début de l’année 1943, il fut envoyé par le commandant militaire des FTPF au camp d’aviation et du faux camp d’Estrée-Blanche.

– En novembre 1943, il fit sauter toute l’installation électrique du faux camp d’aviation d’Estrée-Blanche.

– En mai 1944, avec son groupe de résistants, sous le commandement du Capitaine Duflot, il attaqua une patrouille de douze soldats allemands. Récupération de douze fusils Mauser et de trois révolvers.

– Il fut envoyé aux chantiers des rampes de lancement de Molinghem et de Clarques. Il prit le fusil d’un chauffeur allemand et remis au Capitaine Serge.

– Il fut chargé de se renseigner sur l’heure du départ d’un train de munitions au départ de Clarques et de son itinéraire. Les renseignements furent transmis à Londres et l’aviation Alliée bombarda le train de munitions à Lillers. Dès cette action, il est soupçonné et recherché par la Police allemande.

– Il se rend à Auchel, sous les ordres du Capitaine Serge, lequel le nomme de détachement d’un groupe de volontaires, pour aménager le maquis du Bois de Bourlon. Le 9 juin 1944, l’armée allemande attaqua le maquis, dans l’accrochage il tue trois soldats allemands et cache les armes dans le bois.

– Dès la rentrée de Bourlon, le Colonel Boulinguez, le charge avec Duflot et Serge, de réorganiser les 4ème et 5ème compagnies F.T.P.F. à Auchel.

– Avec son camarade Duflot, il récupéra un dépôt d’armes à Houdin, quelques grenades et revolvers, vingt-quatre chargeurs de mitraillette ainsi que huit mitraillettes.

– Il alla chercher et ramena à Auchel, les trois fusils Mauser cachés dans le bois de Bourlon, provenant des soldats allemands tués.

– Le 24 juin 1944, il récupéra avec son camarade Duflot, cinq revolvers, une machine à écrire et trois cents cartes de ravitaillement au Commissariat d’Auchel pour le groupe des F.T.P.F.

– Le 25 juin 1944, en se rendant à une réunion d’État-Major des F.T.P.F, il fut arrêté avec Duflot au Bois Camblain-Châtelain par dix-sept Feld-Gendarmes. Interrogé et torturé par la Gestapo, puis emmené aux prisons de Béthune, Loos-Les-Lille, Arras et condamné le quinze août 1944 par le Tribunal militaire allemand d’Arras, aux travaux forcés à perpétuité, avec les motifs : «haute trahison, sabotage, avoir porté les armes contre l’armée allemande».

– Le 1er septembre, déporté en Allemagne-Cologne-Orisbourg-Neueugammes-Sandbustel, il est libéré par l’armée anglaise le 24 avril 1945.

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Grade de Lieutenant F.F.I. homologué par le Commission Nationale le 27.01.1948 sous le n°18.679.

Titulaire de la Croix de Guerre de la Résistance avec étoile de Bronze.

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Délivré sur l’honneur pour servir et valoir ce que de droit,

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Loos-en-Gohelle, le 24 février 1960

Signé : Delbarre

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Lens, le 24 février 1960

Signé : Lieutenant-Colonel Arsa

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Vu la signature de MM Delebarre et Arsa

Le liquidateur National du Front National

M. Mugnier

Carte OVR n° 96.388

Paris le 25 février 1960

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Note :

(*) Dans toute la documentation sur Da Costa Araújo, le prénom mentionné est Benoît, toutefois nous apprenons par l’acte de mariage avec Antoinette João que son prénom était Benenito. Benoît apparaît partout ailleurs.

Il sert la France en tant que Lieutenant, toutefois, il est dit dans un document de renseignements d’État Civil qui date d’après la fin de la II Guerre mondiale, que Benoît était portugais, avec un dossier en attente de naturalisation française.

Nous partons du principe que Benedito a été francisé en Benoît, toutefois c’est étrange que la francisation du prénom ait eu lieu bien avant la naturalisation.

On pourrait supposer qu’il ait eu la nationalité française, que le régime de Vichy la lui ait enlevée et qu’après la II Guerre, il ait demandé à nouveau la nationalité française.

Mais, ce n’est pas, non plus, le cas, il ne fait pas partie de la liste des dénaturalisés.

LusoJornal