Home Comunidade La Maison-Musée Aristides de Sousa Mendes à Cabanas de Viriato – Un centre mondial de Mémoire, d’Humanité, de Devoir de Mémoire_LusoJornal·23 Outubro, 2024Comunidade Le 19 juillet 2024 a eu lieu l’inauguration officielle de la Maison-Musée de la famille de Sousa Mendes, dans le village de Cabanas de Viriato, à 27 km de Viseu (la ville de Viseu se situe à 93 km de Coimbra, à 128 km de Porto et à 291 km de Lisboa). En 1966, Aristides de Sousa Mendes do Amaral e Abranches (de son nom complet), est honoré par l’État d’Israël «Juste parmi les Nations», grâce à l’action du rabbin Haïm Kruger, des réfugiés qu’il avait sauvés et/ou de leurs descendants. Il faudra attendre le 15 novembre 1986 pour qu’Aristides de Sousa Mendes soit reconnu et décoré de la Croix de la Liberté et que sa famille reçoive les excuses publiques de l’État portugais. A Bordeaux, le 29 mai 1994, un buste qui se trouve en bas de l’esplanade Charles de Gaulle, dans le quartier de Mériadeck, a été inauguré par le Président de la République portugaise, le Docteur Mário Soares. Aristides de Sousa Mendes entre au Panthéon portugais le 21 octobre 2021 (une plaque commémorative est dévoilée) mais il est enterré à Cabanas de Viriato dans le caveau familial. Décédé dans une extrême pauvreté, il fut enterré revêtu d’une robe de bure donnée par les moines de Saint François d’Assise. . La Maison-Musée appartenait à la famille depuis la fin du XIXème siècle et c’est là que certains frères et sœurs d’Aristides sont nés. Aristides est né à Cabanas de Viriato, mais dans une petite maison qui se trouve au centre du village. Il en est de même pour son frère jumeau, César de Sousa Mendes, qui fut également diplomate ayant occupé divers postes notamment d’Ambassadeur dans divers pays (Japon, Pologne…), puis Ministre des Affaires étrangères de Salazar. Il convient de mettre en exergue que César, lorsqu’il était Ambassadeur du Portugal en Pologne, a régulièrement informé son frère Aristides des persécutions dont étaient victimes les communautés juives ; cela a-t-il influencé les décisions d’Aristides dans les attributions de visas ? . Aristides décède le 3 avril 1954 (son frère jumeau César décède en 1955), accompagné seulement par une de ses nièces, à l’Hôpital de l’Ordre Troisième de Saint François d’Assise, dans le quartier du Chiado, dans la commune de Mártires, à Lisboa. Il fut hospitalisé depuis trois jours ayant été victime d’un accident vasculaire cérébral et d’une pneumopathie. Il vécut à la «Maison du Passal» (1), après que le Gouvernement de Salazar l’ait déchu de tous ses droits, y compris sa retraite d’ancien diplomate. 70 ans après le décès du Consul Aristides de Sousa Mendes, et grâce au travail sans relâche de multiples intervenants (Fondation Aristides de Sousa Mendes, Comité Aristides de Sousa Mendes, Gouvernement portugais, famille et amis, les élus municipaux de la Câmara Municipale (2) de Carregal do Sal et du Docteur Paulo Catalino Ferraz qui en sa qualité de Président de la Câmara Municipal – Maire et donc Président de l’Exécutif municipal) il a été possible de procéder à une magnifique réhabilitation de la maison qui était en ruines depuis des décennies. C’est ainsi que d’importants travaux de réhabilitation, de la maison ont été réalisés mais également du très beau parc. A 12h00, Son Excellence Monsieur le Président de la République Marcelo Rebelo de Sousa a dévoilé la plaque commémorative en présence de multiples personnalités internationales et nationales, de la famille Sousa Mendes, mais aussi de descendants de survivants de l’holocauste et de personnes à qui le Consul du Portugal à Bordeaux avait accordé des visas, les architectes ayant mené à bien ce projet et le public qui a pu rejoindre les officiels dès 15h00. Parmi les personnalités, étaient présentes les Ambassadrices d’Allemagne, du Luxembourg, de France, ainsi que les Ambassadeurs d’Arabie Saudite, de Belgique, des États-Unis, et le Docteur Dor Shapira, Ambassadeur d’Israël au Portugal ainsi que Monsieur Isaac Assor, Président de la Communauté juive de Lisboa. Des maires, représentants associatifs ainsi que le Secrétaire général du parti socialiste portugais, Pedro Nuno Santos, étaient présents. Des Députés du parti socialiste étaient présents : João-Paulo Rebelo, José Rui Cruz, Elza Pais, Pedro Delgado Alves. Il convient de souligner que le Député Pedro Delgado Alves fut Président de la Commission parlementaire qui a œuvré à la panthéonisation d’Aristides. La cérémonie a été accompagnée par un très beau moment musical avec le quartet à cordes de l’Orchestre Classique du Centre du Portugal. Un déjeuner a eu lieu dans le jardin de la «Maison du Passal», puisque c’est ainsi que l’on désigne la maison de la famille Sousa Mendes. La journée s’est poursuivie avec, à 19h00, un concert «Aristides – Le Concert» au Centre Culturel de Carregal do Sal, en présence du Secrétaire d’État aux Communautés Portugaises, Monsieur José Cesário. Cette «Maison-Musée» accueille désormais des visiteurs du monde entier. Elle est aussi un espace de culture ouvert à tous. Monsieur le Président de la République a souligné l’importance du Devoir de Mémoire qui nous incombe. Aristides de Sousa Mendes a, par son implication, sauvé plus de 30.000 personnes, n’écoutant que sa conscience au point de faire sombrer sa famille dans la misère. Il a rappelé que la jeunesse doit savoir ce qui s’est passé et qu’Aristides, par son courage, est probablement le Portugais le plus important du XXème siècle, car il a fait rayonner le nom du Portugal dans le monde. Monsieur le Secrétaire général de l’ONU, António Guterres, dans une vidéo, a rappelé les valeurs d’humanisme et de courage d’Aristides de Sousa Mendes et de son exemplarité dans la défense des droits humains, et notre devoir à défendre «la dignité pour tous, combattre la discrimination, l’intolérance et la haine…» Le pape François, par son porte-parole João Crisóstomo, a fait lire une lettre dans laquelle il précise, parlant de l’action d’Aristides de Sousa Mendes : «qu’il est réconfortant de ‘faire mémoire’ de sa liberté de conscience, bien formée et ancrée dans la défense de la dignité de la personne humaine […]. Ce sont des témoignages de fraternité, comme ceux de ce diplomate portugais qui encouragent et ne laissent pas perdre l’espérance». Il convient de mentionner également le témoignage de sa plus jeune fille, Marie-Rose Faure de Sousa Mendes (3) (fille d’Aristides et de Madame Andrée Cibial (4), sa seconde épouse, pianiste et chanteuse, qu’Aristides épousera à Salamanca et par Procuration, en 1950) qui habite en France, à Pau. Elle est la dernière survivante des 15 enfants d’Aristides de Sousa Mendes. Dans une lettre lue par son neveu Gérald de Sousa Mendes, elle a souligné l’importance de la réhabilitation de la maison familiale, le devoir de mémoire et le courage de son père. . L’action du rabbin Haïm Kruger Haïm Kruger – Chaim Tzvi Kruger – Chaim Hersz Kruger Chaim Tzvi Kruger, plus communément appelé Haïm Kruger, fut un rabbin généralement considéré comme un juif orthodoxe, influencé par le judaïsme haredi, et la stricte observance de la loi juive «halakha». Il est né en 1904 à Zhovkva, en Autriche-Hongrie (5). En 1904, Aristides et César sont étudiants à la Faculté de Droit de l’Université de Coimbra (entre 1902 à 1907). En 1928 il est nommé rabbin à Bruxelles (mais garde sa nationalité polonaise) qu’il fuit avec sa famille pour venir se réfugier à Bordeaux en mai 1940. C’est à proximité de la synagogue de Bordeaux qu’il rencontra Aristides de Sousa Mendes. Les deux hommes se sont liés d’amitié et Aristides de Sousa Mendes convia à de multiples reprises le rabbin et sa famille, composée de cinq enfants, au numéro 14 Quai Louis XVIII, à Bordeaux, afin qu’ils puissent se restaurer convenablement. A la proposition du Consul portugais de leur délivrer des visas afin qu’ils puissent se rendre à Lisboa, puis partir pour les États-Unis d’Amérique, le rabbin récusa cette proposition tant que tous les réfugiés juifs n’auraient pas obtenu des documents leur permettant de quitter Bordeaux. Est-ce que la décision du rabbin Haïm Kruger fut déterminante dans les décisions d’Aristides de Sousa Mendes ? Elles y ont probablement contribué en convainquant et, peut-être, en rassurant le Consul sur la nécessité absolue de procéder à une organisation visant à délivrer des visas au plus grand nombre de personnes possible. Le rabbin Haïm Kruger et sa famille, surtout son épouse, car leurs enfants étaient encore jeunes, aidèrent la famille de Sousa Mendes et José de Seabra, à collecter des passeports et tous documents et les redistribuer, dès lors que le cachet et timbre officiel et les signatures, d’Aristides de Sousa Mendes ou de José de Seabra avait été apposés sur les précieux documents. . Fils de rabbin, frère et beau-père de rabbin (Samuel Akiva Yaffe-Schlesinger, rabbin à la synagogue Etz-Haïm de Strasbourg), il a eu plusieurs frères et sœurs tous morts en déportation : – Yusha Kruger: mort en déportation – Burich Kruger: rabbin mort en déportation – Rivka Kruger: morte en déportation – Yente Kruger: morte en déportation – Sara Yihudis Kruger: morte en déportation . Le rabbin Haïm Kruger et sa famille se voient délivrer des visas et partent pour Lisboa. En 1941 ils embarquent sur le navire Nyassa pour se rendre à New York. Il y fut rabbin dans le quartier de Brooklyn Heights. Le 9 décembre 1982, le rabbin Haïm Tzvi Kruger décède (38 ans après Aristides) à Jérusalem, où il fut enterré, après avoir défendu la mémoire et réhabilitation de son ami Aristides et tenter d’aider sa famille. En tout, la famille Kruger s’est vue délivrer sept visas (6) (mais une seule signature et un unique document avec le numéro de visa #1605). Ce papier sur lequel avaient été déposés un cachet et une signature les a probablement sauvés d’une mort certaine dans les camps de concentration. . Quand ils ont reçu les visas, Haïm Tzvi Kruger (Rabbi Chaim Hersz Kruger) avait 36 ans et Cypra/Cilla Kruger née Kruk, avait 38 ans. Leurs enfants Chana Kruger avait 14 ans, Zysla-Giselle Kruger 12 ans, Rivka-Regina Kruger 11 ans, Jacob Kruger 9 ans et Sara Kruger 6 ans. . Le rabbin Kruger œuvra ensuite sans relâche, à l’instar du père Bernard Rivière, aumônier de la Communauté portugaise en Dordogne, Gironde, pour perpétuer la mémoire d’Aristides et aider les enfants de la famille Sousa Mendes. Alors qu’il n’avait plus de revenus depuis sa mise à pieds, suite à son procès disciplinaire en juillet 1940, puis révocation définitive, en 1941, du Corps diplomatique par le Dictateur António de Oliveira Salazar, Aristides de Sousa Mendes a dû vendre le peu de ses biens personnels. Il fut contraint de s’inscrire à la soupe populaire ; il fut aidé par le Comassis (Comité Portugais d’Assistance aux Juifs Réfugiés), et le HIAS (Hebrew Immigrant Aid Society) (7). La Maison-Musée Aristides de Sousa Mendes est une ouverture vers le Monde, vers l’Universalité, la Tolérance, pour ne pas oublier le Devoir de Mémoire (8). . Nous remercions, pour avoir contribué à cet article : – Le Docteur Paulo Catalino Ferraz, Président de la Câmara Municipal de Carregal do Sal; – Manuel Nabais Ramos, Docteur en Droit et Docteur en Histoire contemporaine. Il collabore à une biographie et pièce de théâtre sur Aristides de Sousa Mendes. Président de l’AIA Internationale. . Notes : (1) La Maison du Passal (du «passal» cela signifie une ancienne propriété agricole annexée à une église ou une maison paroissiale). Elle est également désignée par “Villa de Saint Christophe” ou “Maison du Docteur Aristides de Sousa Mendes”. Elle a été classée Monument National par le décret n°16/2011 du 25 mai 2011. (2) La Câmara Municipal, littéralement la Chambre Municipale, désigne la Mairie (3) Née à Lisboa, en 1940 (4) Née en 1908 à Limoges et décédée à Pau en 1991 (5) Ce territoire est situé aujourd’hui en Ukraine (7) La HIAS a aidé certains des enfants de Maria Angelina et de Aristides à émigrer. (8) Il est possible de visiter ce lieu magnifique:«Casa do Passal – Museu Aristides de Sousa Mendes» Avenida do Cristo Rei, n°23 3430-607 Cabanas de Viriato Portugal Téléphone : +351 232 960 497 Email : geral@fundacaoaristidesdesousamendes.pt . Auteur de cet article :Manuel Nabais Ramos Docteur en Droit et Docteur en Histoire contemporaine