Álvaro Siza Vieira, un architecte du présent ou en avance sur son temps : l’exemple de l’église Anastasis à St. Jacques de la Lande


Le portugais Álvaro Siza Vieira est l’architecte de la plus jeune église de France. Il s’agit de l’église Anastasis à St Jacques de la Lande, en Ille et Vilaines (35).

Le «Eiffel portugais» du XXème-début de XXIème siècles, a reçu de nombreux prix, dont le plus prestigieux, le Pritzker, en 1992, prix que beaucoup considèrent comme le prix Nobel de l’architecture.

La première pierre de l’église Anastasis (*) à St Jacques de la Lande, a été posée le 28 novembre 2015, son inauguration ayant eu lieu le 11 février 2018.

L’église Anastasis est située dans un nouveau bourg construit à partir de 1990. Après l’installation et l’inauguration de nouvelles structures, cette nouvelle église est la première bâtie dans le diocèse de Rennes depuis 1971 et, aussi, la première du XXIème siècle en Bretagne.

À l’image des églises récemment construites en France : Saint Paul de la Plaine, à Saint Denis, consacrée le 24 mai 2014 et Saint Pierre du Perray (Essonne), il y a beaucoup de modernisme. Il y a la forme, mais aussi un certain minimaliste, une architecture qui interpelle et requiert explication.

L’église de Saint Jacques de la Lande a une forme compacte, le béton y est roi. Elle n’a pas de fenêtres et les signes extérieurs sont presque inexistants, présence uniquement d’une modeste croix et de trois petites cloches. De formes inclusives, l’église s’intègre dans le contexte dans lequel elle est située. La construction pourrait être utilisée à d’autres fins, c’est son utilisation intérieure qui l’a rendue église.

La lumière n’arrive que par la verrière située au-dessous de l’assemblée. Le manque de fenêtres éloigne, d’une certaine façon, du spectacle de la vie, de la ville extérieure, le paroissien, le pèlerin, se concentre sur l’essentiel. Les quelques sources de lumière sont dirigées, pointées, vers une ou autre des statues, le baptistère, une lumière latérale éclaire la croix.

Contrairement à la majorité des églises, l’assemblée des paroissiens est compacte, pas de chaises dans les côtés les séparant du milieu de la nef centrale, il n’y a pas discontinuité dans les rangs.

Les matériaux utilisés dans l’église sont uniquement de trois sortes : béton à l’extérieur, marbre sur le sol et le mobilier – également conçu par Álvaro Siza Vieira – est tout en bois.

De tous temps, les artistes de leur temps, ne sont-ils pas toujours en avance, par rapport à leur temps ? Cela dépend de la conception de l’art et des goûts de chacun, ceci expliquant que pour une même œuvre, celle de l’église Anastasis, à St Jacques de la Lande, on puisse lire sur les réseaux sociaux : «C’est magnifique! Pas de signe d’appartenance», mais aussi : «Quelle horreur ! J’ai habité juste à côté et personnellement, je déteste… à chaque fois que j’ai voulu y entrer pour voir l’intérieur, elle était fermée. Ils devraient renommer Saint-Jacques-de-la-lande en Saint-Jacques-du-béton».

La principale préoccupation d’Álvaro Siza Vieira, lors de la conception du projet, était d’intégrer l’église dans le tissu urbain – un quartier résidentiel avec des immeubles d’habitation de cinq étages. L’une des particularités du bâtiment est la nef circulaire, qui pourra accueillir jusqu’à 120 personnes au premier étage, libérant ainsi le rez-de-chaussée pour des espaces sociaux et administratifs.

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Álvaro Joaquim de Melo Siza Vieira, né le 25 juin 1933 à Matosinhos, dans la banlieue de Porto, a conçu des dizaines et des dizaines d’immeubles et des monuments dans le monde initier, 20 prix internationaux lui ont été attribués, quatre décorations par le Portugal, 18 doctorats Honoris-Causa, des expositions, des livres,…

Qualifié par l’Académie française des Beaux-Arts de «Grand Maître, quelqu’un d’incontestable, un humaniste», celle-ci l’a primée, le 9 octobre 2019, en lui attribuant le Grand Prix d’Architecture Charles Abella.

Sur son art, voici ce que Siza Vieira, en forme de citations, nous dit : «L’architecture est avant tout un service. C’est un service orienté vers le bien-être. L’objectif, la préoccupation première de l’architecture, est de créer de meilleures conditions, dans la ville, dans la maison, dans l’équipement. L’architecture est quelque chose qui englobe la vie, l’espace intérieur et les contradictions. Différents contextes donnent différents bâtiments. L’architecture est utilisée par le pouvoir. L’histoire de l’architecture ne dépend pas des récompenses. La pratique de l’architecte n’est pas très saine, nous passons une partie de notre vie, penchés sur un dessin. Une église est appelée la maison de Dieu. Cette composante de silence, de protection, de communauté est inhérente à l’architecture».

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(*) Anastasis est un synonyme de résurrection ou, plus spécifiquement, la résurrection du Christ.