Brest : Mariages mixtes luso-français issus de la I Guerre mondiale

Le 2 février 1917, les premières troupes du Corps Expéditionnaire Portugais (CEP) arrivaient en France, au port de Brest, après quelques jours de bateau au départ du port d’Alcântara, Lisboa. Elles rejoignaient les soldats alliés pour combattre l’ennemi en Flandres. La population civile française a accueilli ces soldats venus d’un Portugal lointain. Ils foulaient, pour beaucoup, le sol français pour la première fois. Ils posaient pour les photographes avec des marins français, défilaient dans les rues, fanfare en tête, accompagnés d’enfants brestois. Des mariages mixtes résulteront de ce passage en France.

Le Médecin-Colonel Álvaro Martins du 1er Groupe de Compagnies de santé avait écrit après-guerre : «Débarquée à Brest le 2 février 1917 avec les troupes du C.E.P., l’Ambulance n°1 est la première à fouler le sol de France». S’en suit un voyage de plus 50 heures de train, pénible à cause du froid, jusqu’à Aire-sur-La-Lys et la neige des cantonnements.

A Paris, quelques semaines avant le débarquement à Brest, le journal Le Monde Illustré du 13 janvier 1917 écrivait : «On sait que le commandant Norton de Matos, Ministre de la guerre du Portugal, enverra deux divisions combattre en France. Déjà des soldats portugais sillonnent nos rues».

Le journal L’Excelsior du 3 janvier 1917 signalait la présence à Paris, depuis quelques jours, de l’État-Major portugais. Il a établi, en accord avec l’État-Major français, les plans d’organisation et d’utilisation des forces portugaises commandées par le Général Tamagnini. Etaient présents le Lieutenant-Colonel Roberto Baptista et les deux premiers Attachés militaires à la Légation du Portugal, située avenue Kléber : le Lieutenant-Colonel João Ortigão Peres et le Capitaine d’Artillerie Tomás Fernandes. Le journal précisait que «le service postal et le service de la censure pour l’armée en campagne, fonctionnaient déjà».

Une centaine d’Officiers et Sous-Officiers portugais étaient à Paris fin décembre 1916, plus de 500 le mois suivant, selon L’Excelsior. Mitrailleurs, artilleurs, aviateurs, télégraphistes étudieraient sur place l’adaptabilité à la guerre des tranchées et le fonctionnement de l’artillerie lourde.

La participation portugaise sur le front anglais des Flandres était établie : le Corps Expéditionnaire Portugais serait subordonné à la Force Expéditionnaire Britannique. Un Corps d’artillerie lourde viendrait en soutien de l’Armée française sur un front plus au Sud-Est.

C’est donc fin janvier 1917 que 3 navires britanniques appareillaient sur le Tejo, à Lisboa, embarquant les troupes portugaises, avec pour Commandant le Général Gomes da Costa. C’est le débarquement en France, à Brest, 3 jours plus tard, le 2 février, du 1er contingent portugais.

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Aparté concernant le premier Attaché militaire à la Légation du Portugal à Paris :

Le Colonel d’État-Major, cité plus haut, João Ortigão Peres est décédé pendant la Guerre, le 15 mars 1918, à l’âge de 46 ans, à son hôtel rue Chateaubriand. Ce décès interroge. Il était Directeur, de 1913 à 1915, de l’Institut des élèves de l’Armée portugaise. Dit «étranger», il avait été nommé Chevalier de la Légion d’Honneur le 17 novembre 1909. C’est Armando Navarro, Conseiller commercial à la Légation qui avait déclaré le décès. Les obsèques ont eu lieu le 5 juillet 1918 à l’église du 8ème arrondissement parisien. Pourquoi ce délai de plus de 3 mois ? Le Capitaine du CEP Vasco de Carvalho, Attaché militaire adjoint, faisait partie de l’assistance. L’inhumation a eu lieu à Lisboa, la dépouille mortuaire passant par Brest.

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Quelques mois plus tard à Brest

Pour rappel, José de Sousa Guimarães (1871-1946), Capitaine-Médecin du CEP embarqué à Lisboa en septembre 1917, avait été nommé Vice-Consul du Portugal à Brest de 1919 à 1928, avant son retour au Portugal. L’installation d’une Communauté portugaise était liée à la participation à la I Guerre mondiale. Des soldats portugais seront démobilisés dans cette ville, ils s’y installeront et épouseront des Françaises.

En 1918, la Base portugaise se trouvait rue de traverse et un camp portugais à Kérangoff, près du quartier ancien de Recouvrance, des mariages luso-français à Brest – Recouvrance viennent ici compléter ceux exposés dans un précédent texte (lire ICI).

Les Archives départementales du Finistère détiennent une photographie datée de 1917 du soldat du CEP Luiz Angelo Wendell Themudo. Le nom de famille maternel Wendell laisse envisager une ascendance autre que portugaise. Le 7 avril 1919 l’acte de mariage, de Luiz Themudo avec Jeanne Marie Madeleine Morio, le dit sergent automobiliste. Natif de Vila Real de Santo António, il est dit veuf de Júlia da Conceição et fils de Luiz António Themudo et Cristina Catharina Wendell.

Marie Provost épouse Héliès, dite plus tard «la mère des soldats portugais» (lire ICI) est témoin du mariage de Luiz Themudo, ainsi que le soldat portugais António Faro. A noter que le bulletin militaire du CEP le dit mécanicien civil contractuel. Le patronyme Themudo ne s’est pas implanté en France, même s’il y a eu 6 naissances de ce nom dans le Finistère après la I Guerre mondiale. Luiz Themudo y est décédé.

Le 9 mai 1919, c’est le Sous-Lieutenant du CEP Jean Antoine da Silva (écriture francisée de João António da Silva) qui se marie avec Marie Clémentine Moitrier. Natif de Funchal, Madère, il est dit fils de Jean et de Marie de Jesus da Silva. Ce nom de famille Da Silva a explosé dans la région parisienne et le nord de la France à partir de l’arrivée des Portugais en France pour la Guerre et la Reconstruction après-guerre des zones détruites.

Le 12 juillet 1919, le Lieutenant milicien du CEP João Rosário (João Filipe Lopes do Rosário, selon le bulletin militaire) épouse Jeanne Caroline Trétout. Natif de Faro, il est fils de José Lopes do Rosário et de Victorine da Conceição. Le nom de famille Rosário s’est peu implanté en France à l’époque. Il s’est développé à partir des années 1970.

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Les mariages mixtes luso-français, et communautés portugaises locales qui en découlent, sont répertoriés essentiellement dans le Nord de la France après la Grande guerre. Brest était la base portugaise d’arrivée et les mariages mixtes en résultant, permettaient d’envisager une installation portugaise dans d’autres bases de passage, comme la région de Cherbourg-Tourlaville, lieu de retour «potentiel» des soldats vers le Portugal.

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