César : Le frère jumeau d’Aristides de Sousa da Mendes



Beaucoup d’entre nous connaissent l’histoire d’Aristides de Sousa Mendes, le Consul du Portugal à Bordeaux pendant la II Guerre mondiale. Connaissons-nous l’histoire de son frère jumeau César ? Il est bien le jumeau d’Aristides, à bien des égards, César, lui aussi un héros.

De son nom complet César de Sousa Mendes do Amaral Abranches, comme Aristides, il est né le 19 juillet 1885 à Cabanas de Viriato, village peuplé de 2.880 habitants, au moment de la naissance des jumeaux. Actuellement 1.450 âmes peuplent ce village du district de Viseu, capitale du district étant à 50 km, et à 100 km de Coimbra.

Les parents de César et d’Aristides font partie de l’aristocratie terrienne, catholique, monarchique et traditionnelle. Leur père, José de Sousa Mendes a fait carrière à la Cour d’Appel de Coimbra. En tant que propriétaire terrien, il a employé sur ses terres, en tant qu’intendant, António de Oliveira, père du futur dictateur António de Oliveira Salazar. Cela aura, peut-être, son influence sur de futures décisions de Salazar, alors Gouverneur du Portugal, à l’égard de César et Aristides… une certaine vengeance ?

En plus des similitudes physiques, les jumeaux aimaient les mêmes douceurs, se consacraient aux mêmes saints, devinaient ce que l’autre allait dire ou faire dans un synchronisme transcendant qui laissait les fervents catholiques de Cabanas de Viriato, bouche bée.

César et Aristides suivent les mêmes études, à l’Université catholique de Coimbra où ils obtiennent en 1907 leur licence de Droit.

Tous deux entrent dans la carrière diplomatique en 1910, au sein du prestigieux Ministère des Affaires étrangères, au moment où la République est proclamée au Portugal.

En mai 1910, César est affecté en mission en Angleterre, puis en Espagne, alors qu’Aristides commence son voyage à Demerara, en Guyane britannique, en Amérique du Sud, accompagné de son épouse, Maria Angelina Ribeiro.

Entre 1914 et 1918, César occupera le poste d’Ambassadeur du Portugal au Japon, expérience qui lui vaut, avec un autre Ambassadeur du Portugal au Japon, d’écrire un travail intitulé «Les politiques de l’impérialisme nippon».

Alors qu’il quitte son poste au Japon, César publie en 1918 le livre «Les mariages diplomatiques et consulaires à partir du régime juridique des États signataires de la Convention de La Haye du 12 juin 1902».

Aristides, très attaché à son frère César, le rejoindra en 1920 pour le soutenir après le décès, à Berlin, de sa première épouse, âgée de 29 ans, avec laquelle il avait eu 5 enfants. Aristides restera 3 mois aux côtés de son jumeau. C’est la première et seule séparation d’Aristides et de son épouse, Angelina.

Le 15 septembre 1923, César, Commandeur de l’Ordre Militaire du Christ, est nommé à l’Ambassade portugaise de Finlande.

Dans une carrière diplomatique, être Ministre c’est un but, un honneur, l’aboutissement. César est nommé Ministre des Affaires étrangères, par Salazar en 1932, ce dernier vient de prendre les rênes du pouvoir. César essaye de réformer le Ministère en limogeant des diplomates et de hauts fonctionnaires, un des exemples étant le Secrétaire général, le Comte de Tovar, Pedro Lemos.

César n’avait d’autre ambition que de servir son pays, il ne parviendra pas à atteindre ses objectifs. Il sera démis par Salazar, le Comte de Tovar deviendra un ennemi de la famille.

Visionnaire César ? Dans une lettre qu’il adresse à son frère Aristides, il écrira «maudit soit-il [ndlr : Salazar], et que son nom soit prononcé avec mépris si un jour il devient la cause de notre disgrâce collective».

Après avoir quitté le Ministère, en septembre 1933, César est envoyé au poste diplomatique portugais à Varsovie, il y reste jusqu’au déclenchement de la II Guerre mondiale.

Après l’invasion allemande de la Pologne, les Polonais aident à construire la Légation portugaise. Le sous-sol du bâtiment est mis à disposition, comme abri, contre les raids aériens de la Luftwaffe. César informe le Gouvernement portugais de la situation en Pologne et des bombardements sur Varsovie. César de Sousa Mendes partage également avec les Polonais la nourriture allouée aux Missions diplomatiques.

Avant de quitter Varsovie, fin septembre, César aide une enseignante polonaise, Cecylia Dolata, à évacuer vers la Lettonie. Cecylia sera presque immédiatement employée à la représentation portugaise de Riga, où, César Sousa Mendes lui fait délivrer un passeport portugais. Après l’occupation de la Lettonie par l’Union soviétique, le dit passeport permet à Cacylia de se rendre, en toute sécurité, à Lisboa. Elle y restera, jusqu’à la fin de la Guerre.

César, voyant ce qui se passe en Pologne, tient régulièrement informé son frère Aristides. Cela aura son influence, sur la décision d’Aristides, dans la délivrance des visas qui ont sauvé des milliers de personnes.

César soutient son frère jumeau, Aristide de Sousa Mendes, à la suite de son action visant à délivrer, en masse, des visas alors qu’il était Consul du Portugal à Bordeaux en 1940. César sera temporairement démis de ses fonctions.

Après la Guerre, César de Sousa Mendes dirige les postes au Mexique et en Suisse. Il meurt en 1955, un an après son frère.

César a toujours été à côté de son frère Aristides, même dans les moments financièrement difficiles, avant même son limogeage par Salazar. On disait César bien plus économe que son frère jumeau.

Dans la famille des Avranches, comme dans bien d’autres, au Portugal, les noms de famille, voire les mêmes prénoms, se succèdent de générations en générations, se répétant. César, jumeau d’Aristides, donnera à un de ses enfants son propre prénom : César.

César Mendes, fils de César, était filleul d’Aristides. Alors que le couple Aristides-Angelina vit en Belgique, avant la nomination à Bordeaux. Le couple perd un enfant de maladie subite. Aristides, comme pour remplacer son fils préféré, voit en César, fils de son frère jumeau, comme le substitut de son fils décédé.

César Mendes quitte la Pologne pour se rendre au Portugal, il s’arrête à Bordeaux pour voir et conseiller son parrain, Aristides. Il devient un témoin important de tout ce qui se passe à Bordeaux et tout spécialement au Consulat du Portugal. Il décrit ainsi la situation : «J’ai décidé de rejoindre mon oncle. Lorsque je suis arrivé à Bordeaux et que je me suis approché du Consulat du Portugal, j’ai immédiatement remarqué qu’une grande foule de réfugiés se dirigeait par là. Plus je me rapprochais du Consulat, plus la foule était nombreuse. Ils voulaient désespérément obtenir des visas pour aller au Portugal.

Rentré dans le Consulat, la salle à manger, le salon et les bureaux du Consul étaient à la disposition des réfugiés – des dizaines d’entre eux, des deux sexes, de tous âges, et principalement des personnes âgées et malades, les occupaient. La situation était hors de contrôle, des dizaines de réfugiés épuisés parce qu’ils avaient attendu des jours et des nuits dans la rue, dans les escaliers et enfin dans les bureaux. Ils ne mangeaient ni ne buvaient de peur de perdre leur place dans la file. Ils avaient l’air désemparés ; ils ne s’étaient pas lavés, ni changés de vêtements, ni rasés. La plupart d’entre eux, n’avaient rien d’autre que les vêtements qu’ils portaient. La suite est connue. Aristides de Sousa Mendes, verra son nom gravé au Panthéon du Portugal le 19 octobre 1921.

La Pologne, en reconnaissance de l’action d’Aristides de Sousa Mendes, plus de 80 ans après l’affaire du Consulat du Portugal à Bordeaux, lui rend hommage le 15 juin 2022. Hommage aussi à son frère jumeau, César, ainsi qu’au journaliste Pedro Correia Marques, par leurs actions auprès des victimes pendant la II Guerre mondiale. La cérémonie a eu lieu à l’Ambassade de Pologne au Portugal, le Secrétaire d’État de la présidence polonaise, Wojciech Kolarski, remet aux membres des familles des trois Portugais la médaille Virtus et Fraternitas, décernées aux étrangers qui ont contribué à soutenir et à entretenir la mémoire des victimes des régimes totalitaires.