Discours du Président Christophe Gonzalez pour les 50 ans de l’ADEPBA

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L’Association pour le développement des études portugaises et brésiliennes, de l’Afrique et de l’Asie lusophones (ADEPBA) a fêté ses 50 ans le 3 juin à la Maison du Portugal André de Gouveia, dans la Cité universitaire internationale de Paris. LusoJornal transcrit ici le discours du Président de l’association Christophe Gonzalez.

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«Mesdames, messieurs,

Mesdames, messieurs les représentants des diverses entités liées à la sphère lusophone,

Monsieur le Consul Général,

Madame et monsieur les Députés portugais,

Chers collègues,

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Le 24 février 1973, une trentaine de collègues représentant presque toutes les universités où étaient enseignées la langue et la culture du Portugal et du Brésil fondent l’ADEPB, ‘Association pour le développement des études portugaises et brésiliennes’, notre ancêtre. Des universitaires, en effet : à ce moment, le supérieur rassemblait plus d’étudiants en portugais qu’il n’y avait d’élèves dans le secondaire : je rappelle d’ailleurs que la première de ces chaires universitaires avait été fondée à la Sorbonne en 1919, grâce à une subvention du Gouvernement portugais, et elle était animée par le prestigieux Georges Le Gentil, lequel ouvrira en 1922 un cours de littérature brésilienne.

Sans rien détailler de la suite de l’enracinement du portugais dans les universités, voici qu’en 1950 apparaît un début d’implantation dans le secondaire : quelques heures de cours sont données dans quatre lycées (Nîmes, Toulouse, Poitiers, Paris), premier élan suivi, 10 ans plus tard, par une légère amplification, expérimentale, de ces expériences en divers lieux.

Enfin, le Capes de portugais est créé en 1970 : 1 poste cette année-là, 2 l’année d’après, 4 en 1972, etc. Trois ans plus tard, le Ministre portugais de l’éducation, M. Veiga Simão, vient négocier avec son homologue français, Joseph Fontanet, l’introduction de l’enseignement du portugais dans le premier degré. Nous sommes donc en 1973 et ce mouvement d’ouverture valait bien une association qui se missionne pour aider au développement de ce qui commençait.

1973 signale aussi la veille d’un bouleversement de l’histoire portugaise, événement qui a marqué l’appellation de notre association puisque, en 1978, tenant compte des changements géopolitiques survenus après le 25 avril et la chute de l’empire colonial portugais, l’ADEPB complète son nom en ajoutant l’Afrique et l’Asie lusophones, cela sous la présidence de Jean-Michel Massa qui, d’ailleurs, s’intéressait particulièrement au Cap-Vert.

J’ai déjà personnalisé mon propos, je poursuis dans cette veine car, au-delà d’un sigle, ADEPBA, j’évoque une communauté d’individus, et d’abord celles et ceux, de générations différentes, qui participaient au bureau fondateur, au premier Conseil d’administration et qui sont le socle de notre association. Cette évocation ne dira peut-être pas grand-chose à certains d’entre vous, mais nous sommes ici quelques-uns à les avoir connus ou côtoyés, si ce n’est, comme moi, subi, lors des épreuves du Capes ou de l’Agrégation. Le Président fondateur, Raymond Cantel, Paul Tessier, José da Silva Terra, Yvonne David Peyre, Jean-Yves Mérian, Anne-Marie Quint, Jacques Emorine, avec qui j’ai partagé un bureau, pendant une dizaine d’années, à l’Université de Toulouse, et Solange Parvaux.

Ce qui se met en place alors ressemble à un temps de pionniers. En l’absence de supports pédagogiques, les tout premiers numéros du bulletin de l’Association, ronéotypés, diffusaient des collections de textes, classés par thème (a casa, a cidade, o campo, o trabalho, etc), que la poignée d’enseignants en place offrait aux plus jeunes et ainsi de suite, avant la publication de manuels par les CRDP, sous la houlette de l’ADEPBA…

Sans diminuer les mérites de qui que ce soit, il faut toujours distinguer la personnalité centrale que fut Solange Parvaux.

Les liens qu’elle avait su tisser, auprès d’une multitude d’organismes, français, portugais, brésiliens, officiels ou privés, comme le Ministère de l’Education nationale, celui des Relations extérieures, l’Union latine, surtout l’Institut Camões et la Fondation Gulbenkian, constituaient un remarquable réseau culturel, financier aussi, ce qui a permis à l’association de disposer de moyens importants, de vivre longtemps sur un grand pied et de pouvoir concrétiser de manière forte les objectifs que se fixait l’ADEPBA.

Et puis, pour parler clairement sans rien enjoliver, les années 2000 s’installant, les conditions économiques ont profondément changé : les donateurs cessent de donner, les subventions de fonctionnement disparaissent, le Ministère lui-même reprend bien des activités qu’il déléguait aux associations. Cet épuisement de la manne financière entrainera des tensions à l’intérieur de l’association compte tenu du poids excessif de nos dépenses de fonctionnement, ce qui avait conduit le Président Mérian à faire voter le licenciement de notre secrétaire, sans pouvoir faire appliquer cette décision, que j’ai dû endosser quelques mois plus tard, avec aussi l’abandon de notre siège. Ce qui relevait d’une simple nécessité de gestion, qui ne mettait pas en cause le sens profond d’une action, a été mal interprété et envenimé par certains, qui nous ont quitté.

Ce moment de crise survenait parallèlement à une politique de recrutement devenue chaotique : réduction globale des postes aux différents concours et même des années sans aucune ouverture. À quoi s’ajoutait un phénomène sociétal affectant tous les groupements, c’est-à-dire l’affaiblissement de l’esprit militant chez les collègues les plus jeunes, à tous les niveaux.

Tout cela retirait à l’association une part de ses possibilités et il a fallu renoncer aux réalisations que l’on dira prestigieuses.

Mais l’action de l’ADEPBA s’est poursuivie dans la permanence d’un engagement illustré, sur un parcours de 50 ans, par un foisonnement d’initiatives.

Que choisir ? Depuis la table ronde «Les Belles Étrangères – Brésil» en 1987 et l’année suivante «Les Belles Étrangères – Portugal», à la Sorbonne, jusqu’à la «Journée pour l’enseignement du portugais en France», en 2006. Et du colloque de 1992, à l’Assemblée nationale, sur les «Images réciproques France-Portugal», jusqu’au colloque, en 2006, sur «Le Brésil, pays d’innovations», à la Maison du Brésil, ou encore la première participation de l’ADEPBA au «Salon Expolangues», en 1982 au Grand Palais, où elle avait organisé la table-ronde intitulée «La France et les littératures d’expressions portugaises» avec Fernando Namora (Portugal), Rui Duarte de Carvalho (Angola), Silviano Santiago (Brésil). Et encore une réalisation qui tient au cœur de ceux qui y ont participé, lourd travail d’équipe mais d’heureuse mémoire, la conception, en 2006, de la Malette «Je parle portugais», faisant suite à une campagne d’information dans le cadre d’accords franco-portugais. Ou encore, notre stand à la «Fête de la lusophonie», en 2013, au parc Montsouris, etc.

À cette énumération, très lacunaire, s’ajoutent maintes publications : un Bulletin, puis un Petit journal trimestriel, des Rapports de stages, et, par exemple, les Actes des journées de réflexion sur les auteurs inscrits aux programmes de recrutement, et même le recueil des interventions lors de la visite officielle en France de M. Mário Soares, en 1989, et autres.

Dans ce bilan, évoqué de manière bien superficielle, les concours scolaires, placés sous le haut patronage de l’Inspection générale de portugais, occupent une place de choix : une bonne vingtaine en tout, qui, en lien avec les programmes, valorisent les élèves et la langue, et favorisent la visibilité de l’enseignement du portugais. Parmi les plus récents pensons à celui sur les Jeux Olympiques de Rio, ou à «Viaj’Arte, ma rencontre avec l’art en lusophonie» (2011-2012), à celui sur le Fado, lorsque ce genre musical a été distingué par l’UNESCO, à celui concernant «Le Portugal et la Grande Guerre» (2018-2019), et encore à celui célébrant la journée mondiale de la langue portugaise. Et le dernier «Voyager / viajar», dans le cadre de la Saison France-Portugal, dont les prix ont été remis au mois de juin 2022 au Lycée Montaigne.

Lorsque ces concours ont été proposés à l’enseignement primaire, nous avons travaillé avec la Coordination de l’enseignement portugais en France et nous sommes sûrs, après le départ de Mme Adelaide Cristóvão, dont nous gardons un excellent souvenir, que la collaboration avec Mme Isabel Sebastião, qui lui succède, sera fructueuse.

Selon les années, ces concours ont été soutenus, tour à tour, par la Caixa Geral de Depósitos, la Banque BCP, souvent par le mécénat (DGACCP) du Consulat-Général du Portugal à Paris, qui d’ailleurs nous a accordé une subvention pour la journée que nous vivons, ce dont nous remercions particulièrement Mr Carlos Macedo Oliveira, Consul Général. Sans oublier les éditions Chandeigne, et nos partenaires traditionnels que sont Radio Alfa et LusoJornal. Sans oublier non plus la Maison du Portugal qui nous accueille et nous a si souvent accueillis, grâce à la gentillesse de Mme Ana Paixão.

Parmi ces initiatives, ajoutons encore, rapidement, l’organisation pratique de stages linguistiques au Portugal et au Brésil, avec financement du Ministère, la production de matériel audiovisuel (nombreux dossiers accompagnées de diapositives, quand elles étaient en usage!), une série de très belles expositions dont certaines peuvent être encore empruntées, et encore des affiches ou dépliants, à distribuer pour aider à l’information des élèves, à quoi, on ajoute maintenant les moyens plus actuels : un site, une page Facebook, des participations aux émissions de radio, les pages dans le magazine CAPMag…

Si le rôle de l’ADEPBA comme soutien pédagogique n’est plus celui des débuts, cette offre pédagogique s’étant diversifiée, une nouvelle perspective s’est affirmée, où la dynamique revendicative a pris une plus grande place.

Puisqu’elle contient dans son appellation le mot «développement», l’ADEPBA se doit de défendre ce qui existe, de s’exprimer et de protester lorsque des menaces se profilent. Ce faisant, elle n’ignore pas ce qu’il peut y avoir de positif. C’est le cas, car cela correspond à ses propres demandes souvent réitérées, des ouvertures de postes aux différents concours ces dernières années, avec un bémol cependant concernant l’Agrégation externe…

C’est le cas encore de la réussite des Sections internationales, bien qu’elles se concentrent pour l’instant en région parisienne, avec quelques unités dans l’Est, en laissant de côté l’ouest, le centre, le sud-ouest de l’hexagone. Et si nous savons bien que nombre de postes sont bien implantés depuis longtemps, il faut alerter quand certains autres sont en difficultés.

L’ADEPBA est constituée d’enseignants qui, retraités ou pas, connaissent les réalités du terrain, ils connaissent les obstacles, les concurrences entre enseignants de langue, les éventuelles mauvaises volontés de Chefs d’établissement, les heures mal placées et quelques coups fourrés de l’Administration centrale : l’ADEPBA est dans son rôle quand elle dit les choses, parce qu’elle a recueilli des faits et des douleurs, et cela sans se tromper de cible et sans rien de polémique.

Nous nous sommes associés à la pétition de l’Association des professeurs de langues vivantes sur la date de passage des épreuves écrites de spécialité.

Nous avons signé celle qui s’élevait contre la mort programmée du Capes.

Comme d’autres, en février 2019, nous avions interpelé le Ministre de l’Éducation Nationale sur les nouvelles modalités de la réforme du Lycée et du Baccalauréat dont nous disions qu’elle mettait en cause l’avenir de l’enseignement du portugais.

Nous avons lancé, en 2022, une pétition qui a recueilli plus de 7.100 signatures qui n’a pas intéressé le Ministère de l’Education et le mépris que représente ce silence rejaillit sur tous les acteurs du portugais.

Plus récemment nous avons publié une tribune intitulée «Les professeurs de portugais alertent» pour que soient prises en compte les difficultés que rencontre, selon nous, l’enseignement du portugais, pourtant l’une des langues d’Europe les plus parlées dans le monde.

De l’un et de l’autre de ces textes, je ne rappellerai pas ici l’argumentaire global, long, puissant, fruit de l’expérience. Il témoigne surtout d’une constante : la nécessité d’une mobilisation permanente autour de l’enseignement du portugais dans le système éducatif français car, d’une part, cette langue n’est pas simplement «a língua do coração» et encore moins la langue de la «sardinha assada», et d’autre part, les discours ministériels sur la diversification souhaitable des langues sont trop souvent démentis par les situations concrètes.

Ainsi donc, mesdames, messieurs, il y a de quoi demeurer vigilants et dynamiques. Mais il y a aussi de quoi commémorer et de quoi fêter! C’est à quoi l’ADEPBA vous a invité aujourd’hui.

Comme je l’ai fait au début de cette intervention, pour nos fondateurs d’il y a 50 ans, je voudrais incarner ce sigle ADEPBA dans notre présent : voici, dans cette salle, les membres du Conseil d’Administration, dont certains font liens entre les presque-fondateurs (!) et notre actualité : Annabella, Vice-Présidente, António, Secrétaire général, Lucie, Dominique, qui fut Secrétaire général, de même que Manuel, et voici encore Martine, Michel, qui fut Vice-Président, Rita, Roger, absent et à qui nous pensons, Sofia, Nuno, vigilants et dynamiques.

Merci.»

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LusoJornal