Fado : La Reine Katia Guerreiro revient au Théâtre des Abbesses à Paris


Voici deux décennies, Paris faisait connaissance avec deux jeunes fadistes, vedettes en devenir, Katia Guerreiro et Mariza, rejointes assez vite par une autre future «grande», Ana Moura. On parlait alors, au Portugal, de «fado novo» ou «novo fado», termes à mon sens inappropriés : c’était plutôt l’éclosion d’une nouvelle génération. Vingt ans plus tard, aujourd’hui, ces trois artistes, toutes nées dans les années 70, sont les plus connues et les plus demandées dans l’univers du fado. Elles ont parcouru le monde, continuent de la faire, suivant des chemins différents, selon leurs tempéraments et leurs choix artistiques.

Si Mariza et Ana Moura ont pu prendre parfois des chemins de traverse (comme le fit aussi Amália auparavant), Katia Guerreiro, elle, est toujours restée dans le chemin fadiste, un chemin qu’elle a contribué à enrichir, à fleurir. Beaucoup pensent que Katia est la plus «amalienne» des actuelles divas du fado : Amália Rodrigues a inspiré beaucoup de chanteuses de fado, et est par toutes respectée. Et beaucoup ont tenté de copier Amália, mission impossible. Par contre, on trouve chez Katia «saudadisme» qu’avait Amália, la même quête dans le choix de ses textes et ses musiques, qui marquent sa propre personnalité.

Katia Guerreiro revient à Paris pour le lancement en France de son nouvel album, «Mistura», sorti au Portugal voilà deux ans et enfin commercialisé en France dans son édition «française», c’est-à-dire avec une traduction en français du livret d’accompagnement intégrant les paroles des chansons.

Mistura, «mélange», est une réflexion sur ce qui la fait : les poèmes et les musiques qui la touchent, et les gens, les amitiés. Katia est très fidèle en amitié. Si les musiciens qui vont l’accompagner dans le concert parisiens (Pedro de Castro, l’un des «monstres» de la guitare portugaise et ses fidèles complices, André Ramos à la viola et Francisco Gaspar à la viola baixa, tous deux faisant aussi partie de l’élite des musiciens de fado) figurent aussi dans l’album, Katia a pris soin d’y joindre sur quelques thèmes Luís Guerreiro, autre monstre de la guitarra, et João Veiga, violiste «historique», qui l’accompagnèrent durant de longues années, un signe d’amitié.

Pour sa représentation en France, Katia choisit de continuer à faire confiance à l’agence Viavox, fondée par son ami José Renato, après sa disparition, un signe d’amitié.

Le concert, dans l’accueillant théâtre des Abbesses, fera évidemment place aux chansons de «Mistura» (mais pas que), et Katia Guerreiro devrait y intégrer de courts textes poétiques. Parmi les auteurs des chansons de l’album, on trouve des personnalités telles que Manuela de Freitas, à la fois grande actrice et talentueuse poétesse, Tiago Bettencourt, chanteur mais aussi auteur compositeur, João Monge, Carlos Mendonça et Maria Luisa Baptista (autrice du thème «Mistura»), poètes reconnus, sans oublier le fadiste Helder Moutinho, poète aussi et ami de Katia Guerreiro («il sait qui je suis», dit-elle à son sujet). Des textes soutenus par, on l’a vu, des musiciens d’exception, et la voix inspirée de la «Reine Katia».