LusoJornal | Lia Gomes

Fado: Sara Correia et Marco Rodrigues ont électrisé Le Trianon

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Nous les attendions, ces deux-là. Nous autres, chroniqueurs, qui avons accueilli plusieurs fois ces dernières années Ana Moura, Camané, Cristina Branco, Duarte, Katia Guerreiro, Mariza, Misia, António Zambujo… et les retrouverons bientôt avec grand plaisir, nous avons faim d’aborder de nouvelles figures de talent. D’où notre impatience d’entendre enfin à Paris Sara Correia, star de la scène portugaise, et Marco Rodrigues, figure incontournable du fado lisboète.

Impatience partagée par un public venu nombreux, très majoritairement lusophone, mais nul doute que les francophones ne tarderont pas à les rejoindre.

Sara Correia, petite robe noire et curieux manchons blancs, pas de xaile ni de robe longue, le monde évolue et le fado aussi. Sara est une jeune femme qui a du caractère et nous le démontrera tout au long de sa prestation, sous une tension parfaitement maîtrisée, une belle voix grave qui peut être puissante ou caressante, une présence scénique incontestable.

D’entrée, quelques arpèges de la viola de Diogo Clemente, son Directeur musical, introduisent le premier titre du concert, «Eu já não sei», immortalisé voici un bon demi-siècle par cette figure de l’histoire du fado que fut Carlos Ramos, et dont Sara donne une version toute en sensibilité, où ce fado canção se métisse de touches discrètes de bolero (la patte de Diogo Clemente, responsable des arrangements musicaux). Un petit bijou qui sera suivi de bien d’autres. Un répertoire basé sur les deux albums qu’elle a enregistrés, qui alterne des fados traditionnels, tels le fado pechincha ou le fado corrido revisité en version lente avec pour seul accompagnement la guitare (magique) d’Angelo Freire, des musiques originales, signées par l’inévitable Diogo Clemente ou d’autres, tel le délicieux «Dizer não», dû à Luisa Sobral et subtil mélange de fado, tango et rumba, un hommage à Amália («Fado português», que Sara commence a capela), une marche hommage à Lisbonne («Lisboa e o Tejo»). Au total, une prestation de haut vol, avec une discrète aura de mystère bienveillant devant un public qui aurait bien voulu que cela dure encore, mais les horaires sont les horaires.

Marco Rodrigues, courte veste sur t-shirt noirs, jeans beige, pas de costard-cravate, le monde évolue, etc., et Marco n’a pas renié les années rock de sa prime jeunesse. Mêmes musiciens, plus lui, car Marco Rodrigues est un grand chanteur mais aussi un solide violiste.

Au lever de rideau après l’entracte, ils se présentent tous quatre en ligne, tels des corsaires à l’abordage, dans un fado tradi frénétique. Marco, c’est plutôt bonne franquette qu’aura de mystère. Il adore le contact avec le public, qu’il bonimente gentiment.

Comme il nous l’avait dit avant le concert, il a choisi pour l’occasion un répertoire faisant la part belle au fado traditionnel et à de grands succès du fado-canção, sans toutefois exclure des chansons plus personnelle («O tempo, Mãe», dédié à sa mère). Nous pûmes donc savourer, entre autres, ces classiques que sont «Bairro Alto», de l’ami Nuno de Aguiar, «Loucura», créée par Lucilia do Carmo, le «Fado do Estudante», que lança, en 1933 dans le film «A canção de Lisboa», l’immense acteur que fut Vasco Santana. Et, dans un hommage bienvenu à l’inoubliable Carlos do Carmo, «Duas lágrimas de orvalho» et bien sûr «Lisboa menina e moça».

Si, en première partie, les musiciens se conformèrent aux arrangements de Diogo Clemente, qui les mirent, cela dit, très en valeur, avec la verve habituelle d’Angelo Freire à la guitarra et la sureté de Frederico Gato à la guitare basse, lors de la seconde partie, ce fut très débridé avec Marco Rodrigues en chef de bande.

Marco a une belle voix chaleureuse, qui se permet parfois ces discrets mélismes qu’affectionne aussi son contemporain António Zambujo, un sens du rythme peu commun et un contact avec le public sans façon, un peu canaille juste ce qu’il faut.

Comme pour Sara Correia, le public en redemandait, mais les horaires…

Evidemment, nous avons envie de revoir, très vite, ces grands artistes, qui apportent chacun une note très personnelle dans le fado d’aujourd’hui. Sans oublier ces musiciens d’exception.

 

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