LusoJornal / António Marrucho à Ploegsteert

Guerre 14-18: Actes de paix, actes d’humanisme: l’exemple de Ploegstreert et de Fromelles

Noël, moment de paix, moment de communion… cela nous a incité à rédiger le présent article, à quelques mois des commémorations de la Bataille de la Lys et à un an de la fin des commémorations du centenaire de la Grande Guerre.

La guerre est d’une manière générale déclenchée et dirigée par les «hautes autorités» civiles et militaires… les soldats et les pauvres civils…  la subissent.

Dans la guerre il y a parfois des moments, des gestes, qui marquent. Des gestes de paix, d’humanisme,…

Il nous a été raconté que dans les premières heures de la Bataille de Verdun, un Général français aurait péri. Il aurait été enterré à proximité du lieu où il aurait succombé. La bataille fut longue. Pendant tout le temps que celle-ci dura, un soldat Allemand a été nommé pour s’occuper de la tombe de ce Général.

En 2017, lors de la cérémonie de la Bataille de La Lys, notre ami Afonso Maia, nous a montré sur un de ses appareils photo, une tombe dans laquelle figurait le nom d’un soldat allemand et d’un soldat portugais… tout un symbole. Afonso Maia nous a quitté depuis. Des centaines de photos ont été visionnées parmi toutes celles qu’Afonso Maia a fait pendant toutes ses années de recherches, pas de trace de la dite photo. Si parmi les lecteurs, un d’entre vous possède l’information sur cette tombe, cela serait pour nous, une belle récompense… une raison de plus d’écriture le présent article.

Notre vie est faite de rencontres plus ou moins fortuites. On se demande aussi parfois, pourquoi cela arrive à ce moment-là.

 

La rencontre de foot de Ploegsteert

Nous faisons de la marche à pied le dimanche. Depuis 2 ans, l’ami David m’emmène en Belgique, plus précisément du coté de Ploegsteert. C’est là que par hasard, nous tombons sur des tranchées reconstituées et sur des ballons de football.

Des plaques par terre ont des écritures en plusieurs langues. Nous lisons sur l’une d’elles: «à tous ceux qui ont vécu la Petite Paix, lors de la Grande Guerre», signée: Michel Platine, Président de l’UEFA.

Ce dimanche matin, 17 décembre 2017, nous sommes partis par une température proche de zéro, sous un ciel matinal lumineux pour notre marche-pelerinage. Dans le sac à dos, un appareil photo, avec l’idée de faire quelques clichés pour illustrer le présent article.

Surprise: nous tombons sur des cérémonies en honneur du fameux match de football de la trêve de Noël 1914, entre anglais et allemands.

Habillés en poilus, des hommes venus d’Angleterre, Allemagne, France et Belgique sont dans des tranchées et cela depuis 24 heures… revivant, soufrant un peu comme ceux qui y ont vécu, survécut des mois durant… dans l’attente… dans la guerre de 14-18.

On nous a appris que depuis 2012, cette manifestation a lieu tous les ans, en cette période de l’année.

La légende dit que le 24 décembre 1914, des chants d’un côté et de l’autre des tranchées se sont entendu… un soldat s’avance d’un côté, de l’autre côté, un autre soldat l’imite… suivis de bien d’autres… ils s’embrassent, fraternisent, échangent de la nourriture, des cigarettes… une rencontre de football s’organise… parlons ici d’une rencontre de football, plutôt que d’un match de football. Le score? Peu importe… l’important a été le résultat: moment de paix, moment de bonheur, là où habituellement on courrait pour échapper aux balles… échapper à la mort.

Nous avons sursauté ce dimanche à l’approche du Mémorial commémorant cet événement singulier de la guerre de 1914-1918. C’était la détonation de fusils de chasseurs… les canons s’y sont tus il y a déjà presque 100 ans.

Des moments de paix, de fraternité, l’histoire en a retenu en certain nombre, plus nombreux que ce qu’on pourrait penser.

Le soldat anglais, Oswald Tilley, de la London Rifle Brigade cité dans «Frères de tranchées» a adressé une lettre à sa famille le 27 décembre 1914. Il écrivait: «pensez simplement que pendant que vous mangiez votre dinde… j’étais là, dehors, à serrer la main d’hommes que j’avais essayé de tuer quelques heures auparavant. C’était incroyable!». Oswald Tilley raconte à ses parents comment il a pris part à un événement inimaginable, alors qu’il se trouvait sur le front, près de Ploegsteert, au nord de la frontière franco-belge.

«Le matin de Noël, comme nous avions pratiquement cessé de tirer sur eux, un Allemand a commencé à nous faire signe, et un de nos tommies [soldats anglais, ndlr] est sorti devant notre tranchée et l’a rejoint à mi-chemin où ils se sont salués. Au bout d’un moment, des types de chez nous sont sortis pour retrouver ceux d’en face jusqu’à ce que des centaines d’hommes, littéralement, en provenance des deux côtés, se retrouvent sur le ‘no man’s land’ à se serrer la main, à échanger des cigarettes, du tabac et du chocolat, etc.».

Malheureusement des précautions seront prises par les autorités militaires… la rencontre de football n’aura pas lieu à Noël 1915.

Malgré l’acharnement des hauts grades, d’un côté, comme de l’autre, l’histoire retiendra l’événement. Événement qui inspira livres et films. Un monument à Liverpool honore cet événement: un soldat allemand et un soldat britannique se serrent la main… entre eux, un ballon de football.

Le 11 décembre 2014 l’UEFA a érigé un monument à Ploegsteert en souvenir de «cette rencontre de la paix».

Ce dimanche, 17 décembre 2017, un match a été organisé, à proximité du terrain ou avait eu lieu celui de Noël 1914. Débuté par des soldats habillés comme à l’époque… une petite pause s’est faite pour faire entrer dans la partie des jeunes enfants… émouvant… tout un symbole.

 

La Bataille de Fromelles

Le deuxième événement que nous allons évoquer, nous vient de cérémonies auxquelles nous avons assisté le 19 juillet 2014, à Fromelles, en compagnie de l’ami photographe Luís Gonçalves et d’Olivier Delory, ami d’Université et responsable dans le tourisme départemental.

Ce jour-là, représente la fin de dizaines d’années de recherches. La Bataille de Fromelles fut terrible. Rien que les 19 et 20 juillet 1916, plus de 5.000 Australiens sont mortss. Environ 20.000 hommes du Commonwealth on participé à la dite bataille.

L’Australie aura des pertes importantes pendant la I Guerre. Sur les 32.000 premiers soldats arrivés sur sol français de l’AIF, 7.000 seulement survivront à la fin de la guerre. Le bilan humain au cours de la Première Guerre mondiale fut terrible, plus de 421.809 Australiens ont servi dans l’Armée sur une population totale de 4,5 millions d’habitants. Presque un Australien sur 10 a fait la guerre. Beaucoup se sont engagés, pensant aussi que la Guerre allait être de courte durée. Les Australiens ont subi le plus haut pourcentage de victimes par combattant de toute l’armée de l’Empire britannique, 65%.

Cent ans après la fin de la guerre, des ossements sont encore de nos jours découverts de la bataille de Fromelles, comme d’autres batailles.

Des chercheurs, des historiens avaient des indices, des brins d’informations. Ils se lancent sur la consultation des documents allemands de l’époque de la I Guerre. On y évoque des fosses communes où les soldats allemands ont enterré les soldats australiens qu’ils venaient de tuer.

Des recherches sont entreprises et en 2008 des fosses communes sont mises à jour dans lesquelles on trouvera 250 corps, dont 219 Australiens à proximité du Bois de Faisans.

Même pendant la guerre et même si on est des ennemies, on respecte les morts… pour nous synonyme d’humanité dans la guerre la plus destructrice de l’histoire.

Les corps retrouvés étaient tous alignés, gardant sur eux: habits, insignes… ce qui a permis que des recherches puissent être déclenchées par les autorités australiennes à partir de l’ADN, le but étant de donner des noms aux squelettes et pour que des familles, presque 100 ans après, retrouvent un lieu où se rendre en hommage à un grand-parent, un arrière grand-parent disparu dans la terrible bataille.

La grosse majorité des squelettes enterrés au cimetière militaire du Commonwealth à Fromelles ont retrouvé une famille, le gouvernement australien pour cette recherche généalogique a dépensé 30 mil euros par corps.

Le 19 juillet 2014 a eu lieu la cérémonie au cimetière Australien de Fromelles en honneur des 219 Australiens précédemment enterrés dans une fosse du Bois de Faisans. Des familles venues d’Australie y étaient présentes.

Cérémonie très digne et bien organisée… le savoir-faire britannique. Nous, les latins, et tout spécialement les Portugais, avons beaucoup à apprendre dans l’organisation de ce type d’événements.

Les cérémonies étaient programmées pour 11h00. Le Ministre d’armée australienne et autre autorités, qui attendaient depuis quelques minutes, passent sous l’arche qui s’ouvre sur le cimetière, au moment précis où les cloches sonnent 11h00.

Ploegsteert, Fromelles: des lieux d’histoires, des lieux pour l’histoire.