Il chante en portugais et en ‘mirandês’: ‘Sou Alam’, la voix singulière de la lusodescendance

Alain Paulo, connu sous le nom de «Sou Alam», est un musicien franco-portugais. Il propose un voyage musical au Portugal construit à partir de son identité singulière d’artiste lusodescendant. En partant de sa région d’origine – Trás-os-Montes – il s’empare des chansons et poèmes du poète Amadeu Ferreira, écrites en dialecte Mirandês, propose une réinterprétation du répertoire populaire de cette région, tout comme il s’approprie les chansons de Zeca Afonso, artiste phare de la Révolution des Œillets, traduisant ainsi un regard inédit sur le pays et la culture de ses origines.

Diplômé de l’Ecole Normale de Musique de Paris, il se forme également au blues à ATLA – Village des Musiques Actuelles, ainsi qu’au chant lyrique auprès de Martine Midoux.

A travers son tour de chant, il invite le public à s’immerger dans l’âme profonde du Portugal autour de thèmes qui lui sont chers comme le quotidien de la paysannerie dans ses joies et ses labeurs, la rencontre du sacré et du profane, la quête du sens de l’existence et la conquête de la liberté par le peuple portugais…

Comment peut-on définir Sou Alam?

Je suis un chanteur franco-portugais, né à Fontainebleau en 1970. Mes parents sont arrivés avec la vague d’immigration des années 60. J’ai étudié́ la guitare classique, enfant, en école de musique, puis après mon bac, je suis entré à l’Ecole Normale de Musique de Paris pour me professionnaliser. Après un parcours musical qui m’a fait toucher à l’improvisation, au théâtre, à la transmission pédagogique également, j’ai abouti il y a 10 ans environ à l’émergence d’un tour de chant nourri de mes racines portugaises, constitué essentiellement de chansons de Zecca Afonso et d’un répertoire mirandês – mes parents étant originaires de Miranda-do-Douro.

Quel bilan tirez-vous de cette année 2019?

Ce fut une année assez riche en participations à divers galas et évènements culturels organisés par des associations de la Communauté́ portugaise ainsi que des concerts en petite formation. J’ai eu également l’opportunité́ d’être invité à des émissions de radio lusophones. Cette année a en cela enté riche de rencontres et de soutien mutuel. Aussi, je me sens bien soutenu par le public sur les réseaux sociaux. C’est important pour moi de voir que mon travail trouve un écho chez les gens. Cela veut dire que la rencontre a lieu. Cela donne du sens à ce que je fais et c’est pour moi gratifiant. Le point culminant de cette année a eu lieu la semaine dernière avec un concert au Pan Piper, à Paris, en grande formation. Nous étions 7 sur scène avec un public extrêmement chaleureux dans la salle, un grand bonheur pour moi.

Comment est né cette passion pour la musique?

Il se trouve que mes parents étaient musiciens amateurs. J’ai entendu dans mon enfance ma mère chanter du fado et lors des fêtes de famille, il y avait toujours des musiciens qui faisaient chanter et danser la petite assemblée. Un oncle m’a montré́ les rudiments de la guitare d’accompagnement. C’est ce même oncle qui m’a fait entrer dans un orchestre de bal portugais à l’âge de 12 ans. On dit dans ma famille que j’ai montré́ dès le plus jeune âge un réel intérêt pour la musique.

Pensiez-vous en faire votre métier?

Disons que pour moi les choses ne se sont jamais posées en termes de métier. Je parlerais plutôt de rêve ou d’aspiration. Quand j’étais enfant, j’aimais partager ce que je savais faire en famille. Adolescent, je m’identifiais à certaines popstars et cela venait nourrir les groupes dans lesquels je jouais. Puis je suis tombé amoureux de la musique classique et j’ai commencé́ à donner des concerts. Ce que je peux dire, c’est qu’il y a toujours eu dans mon passé une rémunération pour ces activités, mais j’en ai fait mon métier par nécessité́, non financière, mais affective. Après, être payé pour une activité́ qui demande beaucoup d’énergie et d’engagement, oui cela s’appelle en faire son métier.

Aujourd’hui, que peut-on dire de la scène musicale lusodescendante?

Je ne suis pas trop bien placé pour en parler car je ne connais pas tout le monde. Je suis proche de Dan Inger, dont je trouve le propos intéressant et qui me touche car c’est également quelqu’un d’engagé. Lizzie est lusitanienne d’adoption et elle marque le paysage lusophone d’une manière singulière, j’aime la sensibilité́ qu’elle exprime dans le fado et dans ses adaptions des poèmes de Florbela Espanca. J’ai suivi depuis longtemps, de plus ou moins près, Bévinda, c’est une artiste dont je me sens proche, elle a beaucoup inspiré mon travail. J’ai eu la chance de partager un duo sur scène la semaine dernière au Pan Piper et ce fut pour moi un grand moment. Ce que j’aurais envie de dire de cette scène musicale lusodescendante a justement à voir avec la visibilité́: ici en France et au Portugal quand il s’agit d’artistes qui s’expriment en portugais, et à propos d’engagement, puisque j’en ai parlé́ concernant l’artiste, je me pose la question de celui du politique, de l’acteur culturel, de celui qui dispose de responsabilités dans ces domaines. Je pense que cette scène musicale est en attente de réactions qui puisse donner à voir et à entendre le fruit d’un travail qui ne demande qu’à être découvert. Ici comme au Portugal…

D’où̀ vous viennent vos origines?

Mes parents sont originaires de Miranda-do-Douro. Plus précisément d’une toute petite ville qui s’appelle Sendim et qui est située au cœur d’un magnifique parc naturel. C’est un lieu très ancré encore dans un mode de vie proche de la terre. Tout le monde quasiment y fait encore son vin, sa cueillette d’olives et son potager. Les fêtes y sont encore drôlement ritualisées. C’est un lieu que j’aime, car j’y ai une partie de ma famille, des amis et j’ai là-bas une petite maison. Ce qui fait que j’ai envie d’y être souvent. Je n’ai jamais cessé́ d’avoir des liens avec le Portugal. Il y a eu tout d’abord mon éducation qui m’a offert une immersion dans la culture populaire, puis une volonté́ de ma part de mieux connaitre mon pays d’origine qui s’est matérialisée par un début d’études de lettres portugaises à la Fac. Puis des collaborations avec la poésie et le théâtre qui, en 2000, m’ont conduit en tournée dans des théâtres au Portugal. Et aujourd’hui, je découvre la richesse de notre Communauté́ à Paris, qui m’offre la possibilité́ d’être en lien avec ma culture d’origine. Je ressens de la gratitude envers elle.

Que peut-on attendre de Sou Alam pour 2020?

Le meilleur! Qu’un tourneur découvre mon travail et qu’il ait envie de défendre un regard artistique porté sur notre culture, qui est en réalité́ polymorphe. C’est-à-dire à la fois ancrée dans la tradition et dans le temps présent, constituée de singularité́ et d’universalité́. Que ce même tourneur se dise ‘j’ai envie, moi aussi, de défendre ce regard sur le Portugal porté par les valeurs de José Afonso, par la puissance de la poésie mirandesa d’Amadeu Ferreira et par la musique traditionnelle de Miranda revisité au goût du jour’. Je suis dans l’attente de rencontrer le public et il me semble que c’est réciproque, car cette rencontre est basée sur le partage de notre belle culture mais aussi sur son renouvellement!

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