La mémoire portugaise de la Grande Guerre : un siècle de fraternité franco-portugaiseAntónio Marrucho·Comunidade·3 Novembro, 2025 À la suite des commémorations du centenaire de la Grande Guerre, de nombreuses cérémonies ont rendu hommage à ceux qui ont combattu, ont été blessés ou ont perdu la vie sur les champs de bataille. Parmi ces épisodes, la Bataille de La Lys, survenue le 9 avril 1918, demeure une date majeure dans l’histoire du Corps Expéditionnaire Portugais (CEP), engagé aux côtés des Alliés durant la Première Guerre mondiale. C’est le 9 avril, date symbolique, qui a été choisie pour honorer la mémoire des 55.000 soldats portugais présents en Flandres entre 1917 et 1919. Les cérémonies commémoratives ont pris une ampleur particulière lors du centenaire de la bataille, marqué par la présence des présidents portugais et français, Marcelo Rebelo de Sousa et Emmanuel Macron, ainsi que du Premier Ministre portugais, António Costa, au Cimetière militaire portugais de Richebourg et devant le monument portugais de La Couture. Un travail diplomatique et mémoriel Donner une plus grande visibilité à cette cérémonie est l’une des missions auxquelles se sont attelés les derniers Attachés militaires de l’Ambassade du Portugal en France, notamment le Capitaine de Vaisseau Sérgio da Silva Pinto. Sous son impulsion, et à la suite du stage de Maelis Pinto dans le cadre de la «diplomatie de défense – relations presse», un Dossier de presse complet a été élaboré, comblant ainsi un manque crucial pour ceux qui souhaitent comprendre et relayer cet événement annuel. Ce dossier, intitulé «Commémorations de la Bataille de La Lys» et sous-titré «Hommage aux soldats de la Bataille de La Lys : un siècle de fraternité et de mémoire entre la France et le Portugal», constitue désormais une référence pour la communication et la transmission de cette mémoire partagée. La jeunesse lusodescendante en quête de mémoire Un intérêt croissant se manifeste chez les jeunes lusodescendants de troisième génération, nombreux à consacrer leurs travaux universitaires à l’histoire de leurs ancêtres portugais. Ainsi, Inês Gonçalves travaille sur un mémoire qui a pour thème le «Travail de mémoire, entre histoire et identité, à travers les grandes phases de l’histoire portugaise du XXᵉ siècle», un travail qui fait suite à sa quête d’informations sur son arrière-grand-père ayant combattu en 1918 (lire ICI). De son côté, Melvin Sabina s’est intéressé au «Combat pour la reconnaissance à la retraite des anciens combattants portugais en France issus des ex-colonies» (lire ICI). Cette dynamique illustre une volonté nouvelle : celle de la réappropriation de la mémoire historique par les jeunes générations. Un parcours entre mémoire familiale et engagement professionnel Le parcours de Maelis Pinto s’inscrit pleinement dans cette démarche. Son arrière-grand-père, José Pinto, combattant portugais blessé lors de la Bataille de La Lys, avait épousé une Française à Ambleteuse, tissant déjà à l’époque un lien entre les deux nations (lire ICI). Après deux années de classe préparatoire aux Grandes Écoles (2021-2023), Maelis Pinto obtient une Licence en Relations internationales et Communication, suivie d’un Master en Stratégies internationales et Diplomatie. Le stage à l’Ambassade du Portugal, a permis à Maelis Pinto de se préparer à intégrer le Centre de Formation des Journalistes (CFJ) de Paris, où elle a été admise pour l’année 2025-2026. La parole aux diplomates : une mémoire partagée En ouverture du Dossier de presse, une phrase d’Emmanuel Macron, prononcée lors du centenaire en 2018, résonne avec force : «Pour que plus jamais un Européen n’ait à prendre les armes et à tuer son voisin». Une réflexion qui garde toute son actualité, sept ans plus tard, face aux tensions et conflits qui secouent aujourd’hui l’Europe et le monde. Dans son éditorial, l’Ambassadeur du Portugal en France, Francisco Ribeiro de Menezes, rappelle : «Le courage et le sacrifice de ces soldats tombés ou capturés à la Bataille de La Lys, et plus largement ceux de la Grande Guerre, qu’ils aient été portugais, français ou issus d’autres nations, restent ancrés dans nos mémoires». Et d’ajouter : «De cette tragédie est née une amitié inébranlable entre la France et le Portugal, forgée dans le sacrifice commun pour la paix. Nous avons aujourd’hui un devoir partagé envers la mémoire de tous ceux qui ont donné leur vie sur le sol français pour défendre les valeurs de liberté et de paix que nous partageons encore». L’ambassadeur conclut avec une phrase lourde de sens : «La mémoire est une responsabilité qui nous relie et nous aide à combattre l’indifférence face aux tragédies contemporaines». Fait notable : un ascendant de Francisco Ribeiro de Menezes a lui-même servi au sein du Corps Expéditionnaire Portugais pendant la I Guerre mondiale. Des lieux de mémoire, symboles d’une amitié durable Le Dossier de presse inclut également des photographies d’époque du CEP et un communiqué de presse détaillant les cérémonies organisées chaque année. Traditionnellement, celles-ci se déroulent le samedi suivant le 9 avril au Cimetière militaire portugais de Richebourg et au Monument en honneur du CEP à La Couture. Le lendemain, les hommages se poursuivent au Cimetière de l’Est de Boulogne-sur-Mer, où reposent 44 soldats portugais, avant de se conclure à Ambleteuse, devant le premier monument érigé en honneur des 55 mil soldats que le CEP, celui-ci ayant érigé à l’initiative de la Croix-Rouge portugaise. Les chapitres suivants du Dossier de presse reviennent sur les événements du 9 avril 1918, qualifiés de moment fondateur d’une fraternité franco-portugaise durable, avant d’aborder la thématique de la mémoire et de la transmission. Enfin, l’ouvrage se termine par une mise en lumière des lieux de mémoire essentiels: Richebourg, La Couture, Boulogne-sur-Mer et Ambleteuse, témoins éternels de la participation portugaise à ce que l’histoire appellera la Grande Guerre.