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La belle histoire des José Pinto, père et fils ou l’histoire d’une famille de poilu portugais

Il y a eu José Pinto père, il y a José Pinto fils. Une histoire, deux histoires?

On vous les raconte.

Le père est né le 11 novembre 1896, coïncidence (1), à Cedofeito (Porto). Le fils est né le 18 janvier 1944 à Amarante.

Une des raisons de vous raconter leur histoire, on la trouve dans une date: le 12 septembre 1917, jour de l’embarquement de José Pinto à Lisboa pour ce qu’on appellera la Grande Guerre. Il reviendra au même quai, le 13 janvier 1919 après 3 jours de voyage dans un bateau anglais, la guerre étant terminée.

Est-il revenu au pays tout seul? Probablement, car le bateau avait comme fonction, celle de ramener au Portugal les soldats du CEP.

Quelque temps après, celle qui est devenue, entre-temps, son épouse, viendra habiter au Portugal.

Comme dans une bonne partie des fiches des soldats portugais qui ont participé à la I Guerre mondiale, de lui aussi, on a l’information qu’il a été puni à plusieurs reprises. Le 11 mars 1918, lors d’une inspection sur le terrain par des supérieurs hiérarchiques, il s’est présenté avec 45 minutes de retard, ce qui va lui valoir dès le lendemain, 8 jours de détention. L’autre des punitions sur sa fiche est plus cocasse: le 14 octobre ils s’absente pour aller visiter, à Audresselles, une demoiselle française avec laquelle il s’était marié. Un policier/soldat anglais lui ordonne de ne pas avancer, il a même tiré un tir en l’air pour intimider José. Rien à faire, José a voulu continuer son chemin vers Audresselles, alors que les soldats portugais, à cette date, avaient reçu ordre de ne pas s’y déplacer. Il a été fait prisonnier, d’autant plus qu’il a voulu justifier son geste avec un laissez-passer qui ne lui appartenait pas. Il sera jugé le 30 octobre 1918. Il sera puni avec 10 jours de détention.

Le reste de l’histoire nous sera racontée par José Pinto, fils. Le fils a gardé précieusement une photo encadrée de son père, dont au dos est écrit: «foto tirada em Lisboa antes do embarque para a Guerra em 1917, José Pinto aos 20 anos de idade». Photo que le Président de la République du Portugal, Marcelo Rebelo de Sousa, a eue dans ses mains lors des cérémonies du Centenaire de la Bataille de la Lys, le 9 avril 2018. Le cadre a fait partie d’une exposition sur les soldats portugais mariés en France qui ont participé à la I Guerre Mondiale.

José Pinto parle aussi bien le français que le portugais avec une grande aisance, sans accent.

 

José Pinto quand êtes-vous venu en France?

Je suis arrivé en France en juin 1957, j’avais 13 ans, j’ai fait le chemin à l’envers de mon père. Je suis venu à cause d’un de mes frères. Mon père s’est marié à une demoiselle française d’Audresselles. Après la fin de la guerre, celle-ci est allée habiter au Portugal avec mon père. Elle est décédée au Portugal encore jeune. Mon père a fini par se remarier avec ma mère défunte. Il a exercé comme profession, celle de coiffeur pour femmes, à Rua Oliveira Monteiro, à Carvalhido (Porto). Un de mes frères est allé passer des vacances au Portugal. De retour en France il m’a ramené avec lui. Je suis resté ici jusqu’à aujourd’hui.

 

Savez-vous comment votre père a connu sa première épouse française?

Il a participé à la Bataille de La Lys. À la suite d’attaques allemandes, il a été blessé et évacué quelques jours à l’hôpital militaire portugais d’Ambleteuse pour se soigner. À Ambleteuse c’est là que j’habite. C’est à cette occasion qu’il a connu et qu’il s’est marié avec sa première femme. Elle est décédée au Portugal dans les années 1940.

 

Avez-vous fait des études en France?

Quand mon frère m’a ramené en France, il travaillait dans une extraction de sable. Il m’a inscrit à l’école où j’ai obtenu le diplôme d’électricien industriel.

 

Qu’avez-vous exercé comme profession?

Je me suis vite lancé comme vendeur de poisson. J’ai acheté une camionnette avec laquelle j’ai parcouru la région pour vendre des produits de la mer. Quelques années plus tard, j’ai acheté un bateau. J’ai fait beaucoup d’années de mer. J’ai fini par transmettre le bateau à mes fils qui ont continué la profession de pêcheurs. A la suite de cette transmission, j’ai ouvert un hôtel-restaurant avec mon ex-épouse, décédée. On y cuisinait des plats français et portugais, tels que «Carne à alentejana» et crustacés.

 

En France, vous avez donc créé une famille…

Oui. Je me suis marié avec une demoiselle française, avec laquelle j’ai eu 7 enfants, dont deux filles qui habitent actuellement dans la région marseillaise et trois fils que sont ici dans la région, deux sont des pêcheurs et le troisième travaille chez Valeo. J’ai encore des neveux à Carvalhido (Porto), j’y vais régulièrement et mes enfants viennent avec moi passer des vacances.

 

Vous êtes dépositaires de certains documents de votre père José Pinto?

Effectivement, j’ai ses anciens passeports, la carte d’ancien combattant, la carte de la Fédération interalliée des anciens combattants (2). Par les cachets apposés sur les passeports de mon père, on peut se rendre compte qu’il est venu plusieurs fois à l’étranger. Dans le passeport, sur certaines sorties du Portugal, c’est le cachet de la PIDE (3), qui y était frappé.

 

Il a peu, vous avez cédé vos parts de Vinotec, magasin de Porto à Boulogne-sur-mer.

Après le restaurant à Wimereux, je me suis lancé, en 2003, dans la création d’une cave spécialisée dans les vins de Porto avec comme associée, une ancienne employée du restaurant, Isabelle Talleux. Je lui ai cédé mes parts. Je me rends presque tous les jours dans le commerce pour passer du temps et pour ne pas être tout seul. L’idée de la cave, m’a été suggérée par un neveu qui lui-même travaille pour la Real Companhia Velha.

 

Voilà une belle histoire que celle des José Pinto. Là où il y a terre… il y a un Portugais… il y a une histoire à raconter.

 

Notes:

(1) Le 11 novembre restera dans l’histoire comme un évènement auquel José Pinto, père a participé: le jour de l’Armistice de la I Guerre Mondiale.

(2) Dans les années 1930,1940 l’ancien vice-Consul du Portugal à Boulogne-sur-mer, Ruy Shirley Pereira, a été vice-Président de cette Fédération.

(3) Police politique de la dictature salazariste.

 

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