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L’étonnante histoire d’un lit portugais à Marcq-en-Baroeul

Qu’y-a-t-il de commun entre le pont Dona Maria Pia, Eiffel, la famille Combemale, le Cardiale de Porto Américo Ferreira dos Santos Silva et… un lit?

Tout commence par une rencontre entre Bruno Cavaco, Consul honoraire du Portugal à Lille et Anne Combemale, décoratrice, habitant à Marcq-en-Baroeul.

Bruno Cavaco programme un rendez-vous avec Anne Combemale, le photographe Luís Gonçalves et nous-même, dans une belle demeure d’architect de Marcq-en-Baroeul.

La maison est somptueuse, tant à l’extérieur qu’à l’intérieur, le travail de la décoratrice est magnifiquement mis en valeur.

Nous nous asseyons et là… commence l’histoire: Anne Combemale est par ailleurs grande admiratrice du Portugal et du Fado. Elle s’est déplacée plusieurs fois à Paris pour voir Amália Rodrigues.

Anne Combemale nous indique avoir dans sa demeure un lit… encore fonctionnel, que nous devons absolument voir, mais avant… nous avons eu droit à un peu d’histoire:

La famille Combemale est originaire de la région de Montpellier. Des membres de la famille ont séjourné au Portugal pour le travail, une autre partie de la famille est venue s’installer dans la région lilloise.

L’histoire commence le 08 mars 1873, date à laquelle le Comité de Paris envoie au Directeur des Chemins de Fer Portugais, le Conseiller Espregueira, trois avant-projets pour la construction de ce qui sera le futur pont Dona Maria Pia.

Il s’agissait des projets des compagnies: Le Creusot, Gouin Berger et Lille-Fives.

Aucun de ces projets ne sera choisi, puisqu’un quatrième sera approuvé, le 7 juin. Il s’agissait de celui de Gustave Eiffel qui prévoyait une dépense de 1,2 millions de francs de l’époque.

Les travaux vont durer 2 ans, l’inauguration du pont aura lieu le 4 novembre 1877 en présence du roi D. Luís, et son épouse, Dona Maria Pia. Cette dernière donnera son nom à cette œuvre très innovatrice pour l’époque.

Aux constructeurs du pont, Théophile Seyrig et Gustave Eiffel, une multitude d’entreprises s’y sont associées.

C’est ainsi que les familles Combemale et Jules Michelon s’installent avec une usine et ateliers au bord du fleuve Douro pour fournir du matériel utilisé dans la construction du majestueux pont.

Pont qui a fait son temps et qui a été désactivé en 1991, remplacé par le pont São João, en hommage au Saint protecteur de la ville. Porto est, par ailleurs, l’unique ville d’Europe qui possède 6 ponts.

La famille Combemale et Jules Michelon resteront quelques années dans la région de Porto, d’autant plus qu’un autre pont se construit, sous la houlette de Gustave Eiffel. Il sera inauguré en 1886: le pont Don Luis I.

La famille Combemale fait connaissance avec l’Évêque de Porto, D. Américo Ferreira Santos Silva. Celui-ci dirigera le Diocèse de 1871 à 1899 et il sera nommé Cardinal en 1879.

De l’amitié entre la famille Combemale et l’évêque est né un échange tout à fait curieux: en 1885, voulant renouveler son mobilier, le Cardinal s’est vu offrir des nouveaux meubles Art Nouveau, par les Combemale, ces derniers récupérant les anciens meubles du Cardinal.

Ces mêmes meubles – tout au moins une bonne partie – ont été transmis de génération en génération. La famille Combemale, les possède, depuis cinq générations.

Les meubles ont été, dans un premier temps, ramenés de Porto vers la région de Montpellier.

Un nouveau personnage apparaît: née à Pousse, en 1860, et décède à Lille, en 1938, le docteur Frédéric Combemale, marquera l’histoire de la médecine en France. Il exercera grande partie de sa carrière à Lille. Lauréat de la Faculté de médecine de Montpellier en 1881, il devient doyen de la Faculté de Lille de 1901 à 1919, Président de la Ligue du Nord contre la tuberculose, Administrateur des Hôpitaux de Lille en 1901 et des Hospices en 1905, il publia de nombreux articles et ouvrages sur la médecine. Une des rues de Lille porte son nom.

Frédéric Combemale, en déménageant du sud vers le nord, ramène avec lui le fameux lit, les tables de chevet et chaises de l’évêque de Porto. Ces mêmes meubles qui appartiennent à ce jour à d’Anne Combemale, habitant Marcq-en-Baroeul. Meubles qui passeront probablement à la 6ème génération des Combemale, une des nièces d’Anne étant prête à les recevoir.

Une histoire étonnante, non?