LusoJornal | António Borga

L’union fait-elle (encore) l’Europe ?


Le printemps boude en ce mois de mai à peine fleuri. Ni ni les œillets, ni les roses n’ont éclos comme à l’accoutumée, à la veille des élections européennes des 6-9 juin prochains. Ce dixième appel à voter pour les députés qui vont siéger au Parlement européen et dont la notoriété laisse toujours à désirer à tous les points cardinaux du vieux continent n’empêche pas que nous y pensions plus sérieusement. À coup de guerres réelles, à l’ancienne, hommes contre hommes, à coups de menaces démultipliées qui nous cernent de très près : climatiques, démocratiques, sociales, jamais l’Europe n’a autant occupé nos esprits et conditionné notre avenir commun.

Dire aujourd’hui que l’Europe a la même signification et la même valeur pour chacun d’entre nous est faux. Les crises, de diverses nature et pour quelques unes très graves n’ont pas manqué au long de l’histoire de cet OPNI (objet politique non identifié) pour paraphraser Jacques Delors en semant le doute constamment sur le bien fondé de ce projet politique singulier : la paix mais jusqu’à quand ?  

Ainsi, l’OPNI « Europe » s’est affirmée bon an mal an depuis que la CEE s’est muée en UE après la ratification du Traité de Maastricht en devenant plus familier à des millions de citoyens européens. D’abord, par des symboles communs « supranationaux » sans faire ombre à la souveraineté des autres nationaux » : le drapeau bleu et ses 12 étoiles symbolisant les idéaux d’unité, de solidarité entre les peuples d’Europe, la 9ème Symphonie de Beethoven désormais fredonnée chaque 9 mai et identifié comme le jour de « notre Europe » par plusieurs générations y compris parmi les plus jeunes. Certes, l’hymne européen n’est jamais LE seul à être chanté mais il génère des émotions plus positives sans être encore la traduction d’un sentiment d’appartenance évident à l’Europe.

Les fonds structurels (FEDER, FSE, FEADER), les programmes populaires ERASMUS, ERASMUS + et tant d’autres ont gagné beaucoup de terrain contre les europhobes, celles et ceux hypocrites qui détestent l’Europe, qui ont voulu sa fin (même en siégeant à Strasbourg). Par exemple, les extrêmes-droites ne clament plus sa mort politique et institutionnelle mais sa transformation, toujours contre les étrangers notamment (un classique immuable) et sous un angle biaisé critiquent bruyamment les ingérences qui financent pourtant leurs partis respectifs.

Jean Monnet, un des pères fondateurs avait prédit que « l’Europe se ferait dans les crises, et qu’elle serait la somme des solutions apportées à ces crises. » Avouons que bien des crises auront été provoquées par nous-mêmes ou mieux dit, nos gouvernants : le délestage de souveraineté n’a pas œuvré là où il devait advenir en anticipant des crises évitables, ni le principe de subsidiarité n’a pas tout solutionné.

Les tonnes de textes (règlements et directives) s’imposent au droit national car la le droit communautaire européen a la primauté, dans chaque État-membre. La populaire  carte de santé européenne n’a pas calmer la défiance tenace envers une Commission européenne qui a l’initiative de changer nos vies, sans jamais nous consulter. D’ailleurs, le dernier épisode de la colère des agriculteurs dans toute l’Europe a montré que les peuples ne dorment pas en défendant leur vision de l’Europe : créatrice de richesses dans chaque pays et solidaire !

Pourtant, ni le Brexit consommé, ni l’ombre qui plane au lointain d’un Frexit sous l’égide de l’Article 50 du Traité de l’UE stipulant les termes de la séparation définitive à l’UE, ni l’épidémie de Covid 19, ni les belliqueux à nos frontières qui nous annoncent has been n’ont pas encore eu raison de notre peau, de nos rêves et de notre « Europe puissance » entendue comme somme de progrès dont les valeurs humanistes, les institutions et le modèle social à ces mêmes fins forment encore une réponse crédible face à une géopolitique chaotique. Vrai, il fait bon vivre en Europe encore où l’égalité des chances n’est pas un slogan désuet !

Enfant, née en France, étrangère parmi tous les autres étrangers, nous aimions cette belle idée. Le drapeau européen ne quittait jamais le Bleu, Blanc, Rouge ni la couleur verte et rouge à la sphère armillaire dans nos associations, dans nos vies. Ces trois-là allaient bien ensemble avec notre propre rêve d’intégration et de « communauté de destin » ou peut-être pour échapper aux stigmates du statut d’étranger ?

– « Nous ne sommes pas étrangers, nous sommes européens, » aimait dire mon père et sa génération du Salto qui meurt doucement. Les Portugais à travers l’Europe l’ont été pleinement « européens » en servant leurs deux pays, longtemps avant l’entrée du Portugal dans l’espace CEE. Des premiers serviteurs fidèles à la devise « Unis dans la diversité » mais que certains (nombreux) ont renié récemment motivés par des peurs ancestrales xénophobes contre les mouvements migratoires qu’ils avaient eux-mêmes subies jadis naguère. 

Ici, en Europe, celle qui a reçu son nom il y a 25 siècles reste un idéal à servir et un projet politique toujours « en chantier » même si le gros œuvre de la maison est fini, il manque les finitions : des droits nouveaux tels que l’innovation démocratique et sociale, industrielle et technique, climatique, dans les domaines de l’éducation et la santé tout au long de la vie, de la culture et la création.

Enfin, l’idée de paix nourrit toujours l’idée d’Europe et elle n’a que peu de chance de perdurer si nous ne sommes pas là pour elle, à force de croire que la vie sera plus juste les uns contre les autres et non les uns pour les autres. L’union fait encore notre Europe. Et qui sommes nous sans nourrir les liens qui ont fait la paix entre nous, européens ?

Le 9 juin nous appelle aux urnes pour donner un nouveau visage au Parlement européen composés de 705 visages dont une majorité doit incarner et défendre LE progrès. Puissent donc les nouveaux élus légiférer au nom du progrès et de l’unité contre le chaos annoncé par des intentions de vote aux extrêmes de l’hémicycle.

Comme depuis 1999, je voterai PS parce que les œillets et les roses rouges sont les plus belles et  les plus fidèles fleurs à la conquête d’égalité dans cet hémicycle.

Vive l’Europe !