Opinion: Humour portugais de France en question ou pose-t-il des questions?

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La forme comme les humoristes lusodescendants font de l’humour, est sujet de débat. L’association Cap Magellan a organisé une rencontre digitale sur ce thème, avec la présence de quelques-uns des humoristes que représentent cette génération. Débat très intéressant et constructif.

Pourquoi un tel débat? Nous pensons que le débat a son origine par l’arrivée de ces humoristes depuis peu sur la scène médiatique du web. Aura-t-on ce même débat dans 20 ans?

Un des points positifs de cet humour c’est qu’il est pratiqué par des membres de la Communauté luso: il est bien plus facile d’évoquer certains clichés et d’admettre d’en parler quand cela vient de sa communauté même, que venu de la part d’autres qui, souvent ne sont même pas humoristes. Cet humour est né et se développe au sein de la deuxième, voire troisième génération de Portugais de France.

L’arrivée de ce type d’artistes, en soi, est très positive, cela contribue à ce que la Communauté invisible finisse par parler d’elle-même, fasse parler d’elle, qu’elle ose.

Il y a eu, il y a encore, des maçons, des femmes de ménages, mais il y a aussi, désormais, des médecins, des architectes… et des humoristes d’origine portugaise en France.

La nouveauté provoque toujours débat et c’est bien ainsi, d’autant plus que la question se pose: ces humoristes sont-ils représentatifs, cet humour ne doit-il pas évoluer, ne doit-il pas se diversifier?

Sur les réseaux sociaux, une lettre aurait été postée pour interpeller ces mêmes humoristes. Nous ne sommes pas sur les réseaux sociaux et ne connaissons pas en détail le contenu de cette publication.

La Communauté portugaise manque de leaders, manque de personnes qui la représentent médiatiquement. Linda de Suza à un moment a été cette représentation qu’on l’aime ou pas.

Même si les Portugais sont en France depuis un demi- siècle, cela n’est pas si ancien que cela. La Communauté portugaise après s’être enfermée sur elle-même, en créant des associations, qui répondaient à un besoin et qui avaient un certain but, celles-ci s’ouvrent, se diversifient, d’autres formes d’expression, de représentativité apparaissent.

La communauté ose parler d’elle même, des avancées ont lieu: on prend des responsabilités au niveau municipal, on ose faire de l’humour sur soi-même. On voit apparaître sur le web des petites parodies, des humoristes se font suivre par des dizaines de milliers, voire des centaines de milliers d’internautes. Le web prend de l’ampleur, des artistes qui s’expriment essentiellement sur ce nouveau moyen de communication acquièrent une notoriété, des phrases deviennent même cultes: «c’est ça que c’est bon». Des jeunes et moins jeunes sont conquis, quelque chose est en train de naître, de les séduire. De nouveaux humoristes lusodescendants apparaissent, n’hésitant pas à parler de leurs racines et de petits travers de la Communauté à laquelle ils appartiennent à l’origine.

Le débat, présent, sur cet humour est un point positif. L’humour pratiqué par les humoristes d’origine portugaise n’est plus naissant, il arrive à l’âge de l’adolescence, le débat est salutaire si on veut que cet humour arrive à l’âge adulte.

Ne généralisons pas, toutefois la plupart de ces humoristes sont presque tous sur le même registre, même si la forme de l’exprimer n’est pas toujours de la même manière: la base de leur humour ce sont les clichés sur la Communauté portugaise et sur sa manière de s’exprimer.

Vous me faites tous bien rire, toutefois je me pose deux questions: le langage utilisé et l’au-delà des clichés.

Il est évident que quand on s’attribue un certain type d’humour il est bien difficile de ne pas le continuer, de ne pas le respecter, au risque de perdre l’audience acquise avec, grâce à ce même style.

Ce qui nous gêne dans le langage souvent utilisé, c’est la systématisation de gros mots. Nous disons ‘oui’ aux clichés, mais ‘non’ à l’utilisation abusive de gros mots. Contrairement à ce qu’il a été dit par un humoriste dans le débat organisé par Cap Magellan, l’utilisation de ses mots n’est pas représentative de tous les Portugais, qu’ils soient de France ou du Portugal.

Dans ce même débat, il a été dit: au Portugal il y a des artistes qui abusent de ces expressions plus que nous, à l’exemple de Fernando Rocha, et ils ne sont pas aussi critiqués que nous. Notre réponse: le choix au Portugal ne se limite pas à cet humoriste et à son style, la chose est moins évidente par ici.

Chers humoristes portugais de France, continuez, toutefois nous faisons vœu que d’autres humoristes surgissent dans la Communauté qui fassent de l’humour plus généraliste et pas que sur les clichés faisant référence aux Portugais.

Un des intervenants du débat, humoriste lui-même, affirmait qu’aucun d’entre-eux n’est suffisamment connu en France. «Ça c’est bien vrai…»

Un autre des intervenant dit avoir été contacté par une chaîne de télévision, toutefois celle-ci voyant que l’artiste était trop sur les clichés, n’a pas été au-delà, de peur de choquer une partie des téléspectateurs en s’exposant à trop de critiques.

Chers amis humoristes portugais de France, il est évident que le talent compte, un peu de chance aide, être au bon endroit au bon moment compte… toutefois si on veut se faire connaître au-delà du web, n’y a-t-il pas une réflexion à avoir sur votre manière de faire de l’humour qui conduirait au professionnalisme et à ce que vous puissiez vivre de votre art?

Pour parler de notoriété, les humoristes originaires de l’autre côté de la Méditerranée font un carton en France. La raison? Nous pensons que la réponse se trouve dans leur grand nombre, dans leur diversité, le fait de ne pas centrer leur humour que sur les clichés de leurs origines…

Le monde n’est pas parfait, il ne le sera jamais. Notre père est venu en France en 1964, nous avons passé, personnellement, les années 1967 et 1968 dans le Nord, avant de repartir au Portugal pour les études. Mes parents sont venus en France pour des raisons économiques, ma mère ne savait pas lire, la politique on ne savait pas ce que c’était, je suis un enfant de l’école de Salazar, toutefois, une image m’a marqué à toujours et pourtant j’étais jeune, c’est peut être mon âge, de l’époque, la cause de ce souvenir qui restera gravé comme une blessure pour toujours: un matin, une croix gammée est apparue sur le mur de notre préfabriqué.

N’arrêtons pas de faire de l’humour, admettons toutefois, que lui aussi peut choquer, marquer des esprits, les esprits, parfois, des plus jeunes d’entre nous.

Faire de l’humour en utilisant tous les clichés attribués aux Portugais, est possible, à l’image de ce qu’à fait Ruben Alves dans son film «La cage dorée». Tous les clichés y sont ou presque, On a ri, on a pleuré.

Nous avons assisté à l’avant première de ce film en présence de son réalisateur et de ses interprètes. La grosse majorité des spectateurs étaient portugais, à la fin il y a eu un applaudissement unanime.

Nous nous sommes adressés au réalisateur et aux artistes à la fin du film (1), ce sont les spectateurs qui sont devenus acteurs ce jour-là, ce sont eux qui ont parlé dans un acte de délivrance de la parole. «La cage dorée», un bien nécessaire, qui a fait du bien aux Portugais de France comme «Les Chtis» l’on fait pour le Nord.

Ce film a fait sortir les Portugais de chez soi. L’animateur de la soirée d’avant première au Kinépolis de Lomme, José de Freitas, n’a pas surpris, mais l’a dit: «Voyez-vous… mon père est là-bas, c’est la première fois qu’il vient au cinéma», raison suffisante pour applaudir, pour vous applaudir, aussi, chers humouristes portugais de France.

Nous avons hâte de voir la pièce de théâtre: «Mais qu’est-ce qu’elles veulent de nous». Nous pensons que faire de l’humour sur le web ce n’est pas la même chose que le distiller sur scène. Sur scène, on peut prendre du temps pour dire des choses, sur le web c’est plus court, il faut faire rire tout de suite, accrocher, choquer dès la première image.

Rire est essentiel pour la santé, rire aide à mieux supporter certains désagréments de la vie.

L’humour est motif de discussions depuis l’antiquité et sera toujours motif de débats, souhaitons le tout au moins, car c’est l’un des signes les plus tangibles de la liberté, de la diversité.

L’humour sera toujours à l’image de son temps

Continuez à nous faire rire.

 

(1) Voir notre article «La cage dorée chez les Ch’tis» édité le 17 avril 2013, page 14 dans LusoJornal.

 

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