Opinion: Le Portugal, les inconvénients du succès ou l’autre face du tourisme

Vous avez été où cet été en vacances? N’en doutons pas… la réponse: «j’ai été au Portugal» à la fin de la période estivale 2018, sera une des plus entendues. Le nombre de touristes qui a été de 21 millions en 2017 sera en 2018 largement battu.

Petite anecdote: alors que nous nous apprêtions à quitter le Portugal à la mi-août, nous avons envoyé message à des amis avec une photo de la tour de Belém. L’un répond: «je suis à Lisboa pour huit jours, je viens de récupérer la voiture à l’aéroport». Nous avons répondu: «Bonnes vacances et si vous faites des visites… bon courage», les files d’attente dans les lieux touristiques s’allongeant encore plus en cette période estivale.

Le tourisme au Portugal, un succès? Sans nul doute, d’autant plus que cela fait du bien au PIB du pays, en plein redressement économique.

Le tourisme au Portugal a des inconvénients? La réponse est oui. C’est sur cet angle-là que nous allons aborder le sujet, avec quelques exemples, sans que l’on soit pour autant, exhaustifs.

Le dicton dit: «Nem tanto ao mar, nem tanto à terra», ce qu’on pourrait plus ou moins traduire par: «Tout n’est pas totalement positif, tout n’est pas totalement négatif».

Le Portugal va mieux, le chômage va mieux, avec un taux à 6,9%. Ce chiffre cache, toutefois, bien des disparités. Le nombre de travailleurs payés au SMIG est en augmentation: ce nombre était de 765 mille en mars 2018, en augmentation de 4,2% par rapport à la même période de 2017, 25% de la création de nouveaux emplois le sont au SMIG, 22,9% des Portugais son payés au SMIG.

Le Portugal a la cote, le Portugal des villes se vend. Le Portugal est à la mode, les centres-villes notamment de Lisboa et de Porto sont envahis par des touristes, le Portugais parlé y devient exception. Dans les commerces on vous reçoit plutôt dans la langue de Shakespeare que dans celle de Camões. Le Portugal, pays avec un passé colonisateur, pays colonisé, la mondialisation et l’ouverture aux continents y est pour quelque chose.

Un des plus vieux traités au monde est celui que le Portugal a conclu avec l’Angleterre. Il s’agit du Traité de Methuen. Il a été signé entre les deux royaumes, le 27 décembre 1703. Traité connu aussi sous le non «Tratado dos panos e vinho». Cette alliance commerciale a été bien au-delà. Doit-on voir en cela une des raisons pour parler anglais dans les commerces de la «baixa lisboète»?

Même si le tourisme au Portugal attire de plus en plus de retraités, nous avons tout de même l’impression que l’âge moyen du touriste au Portugal se rajeuni, Ryanair, Easyjet et autres compagnies de bas coût y étant pour quelque chose. Cela ne va pas sans conséquence.

Lisboa et Porto sont visitées par des millions de personnes, pourtant elles se dépeuplent. Voilà une des conséquences du tourisme. Le petit peuple des centres-ville, victimes de la spéculation immobilière et des réservations de locations en ligne sont envoyés vers la périphérie. Louer quelques semaines à l’année à des touristes, devient plus rentable que de louer toute une année à de petits vieux qui sont là depuis des dizaines d’années. On ravale des façades, on fait des travaux au-dessous, en dessous… on vous rend la vie impossible, à vous de comprendre que si vous ne sortez pas, par les bonnes manières, on utilisera d’autres méthodes qui vont transformer votre ancien calme en cauchemar.

Des voix se lèvent, des associations se créent pour défendre les habitants des centres-ville menacés d’expulsion. On ose même le montrer, à l’exemple des banderoles sur deux façades, juste à coté de la Torre dos Clérigos, à Porto que nous avons photographié. L’une dit: «Não aos despejos, resistência popular!…» et l’autre fait référence à l’une des plus importantes chaînes d’agents immobiliers: «O meu nome é Era. Já Era. O meu nome é Maria, fui para à períferia».

Autre inconvénient du tourisme de masse: des lieux paisibles deviennent des lieux de tous types d’abus, à l’exemple du quartier d’Alfama. Là où le fado était roi, attire de plus en plus de jeunes en quête de sensations fortes: boissons, drogue… Les petites ruelles s’encombrent de jeunes, parfois de corps, avec un degré d’alcool au-delà du raisonnable… Ibiza n’a qu’à bien se ternir…

Lisboa remplace Ibiza? Les garçons aux portes des bars n’attirent plus que pour le fado… ils proclament haut et fort, que la vente d’alcool chez eux est moins chère que chez le voisin… habitants et touristes avec sommeil léger s’abstenir. Voilà aussi une des raisons de la migration dans son propre pays… partir de la ville à la recherche du calme en périphérie.

Circuler en ville, même si quelques interdictions sont affichées, devient plus problématique: les autocars pour des touristes pressées sont légion, ainsi que les tuks-tuks.

Un conseil: choisissez plutôt le tramway 28, à Lisboa.

Dans les petites ruelles il n’est plus possible de mettre son tabouret pour faire causette avec son voisin… on s’enferme. Restent les fenêtres des étages pour refaire le monde avec sa voisine et pour étaler son linge… gare toutefois aux allergies aux particules polluantes.

Le travail tard dans la journée, au Portugal, ne date pas du développement récent du tourisme, il s’est toutefois accentué. Il s’est développé surtout avec l’ouverture du Portugal à la concurrence et le remplacement des petites boutiques du centre ville par les supermarchés.

Le travail tard, jusqu’à 22, 23 heures, voire jusqu’à minuit, travailler le dimanche, les fériés, n’a-t-il pas des conséquences sur le partage, la vie de famille, sur la cohésion sociale?

Du plus fort taux de fécondité en Europe dans les années 1960, 70 et 80, le Portugal est devenu, avec 1,2 enfants par femme, le pays avec le plus faible taux de l’Union Européenne. Quelques localités vont même jusqu’à offrir de fortes primes de naissance (5 mil euros dans le petit village d’Alcoutim).

Le Portugal est un pays de fêtes. Le Portugal semble toujours en fête, le Portugal attire par ses fêtes, le Portugal apprend à faire la fête autrement, la base est encore souvent religieuse, elle devient toutefois de plus en plus civile.

C’était un abus, c’était un peu du gaspillage… quoique… à l’intérieur du Portugal, pour annoncer une fête on lançait du feu d’artifice, cela pouvait durer des dizaines de minutes, voir une heure passée. On ne lance plus… danger de feux oblige à de telles restrictions. Les feux d’artifice de Nossa Senhora da Agonia, à Viana do Castelo, a dû être anticipé, le Gouvernement interdisant ce type de manifestations à partir de minuit du dimanche 19 août, le risque d’incendie étant important.

Le Portugal, pour l’instant, en nombre, souffre moins qu’en 2017 des feux. Celui de Monchique a, à lui tout seul, toutefois, consommé 23 mil hectares, plus que tous les feux de cet été en Suède.

Au Portugal, les thèmes d’actualité sont, ces derniers jours, les 35 heures dans les hôpitaux et ses conséquences, une réforme de la réforme des municipalités, la qualité des transports par train…

Le Portugal nous attend, vous attend, l’impact du tourisme sur l’économie portugaise y est le double au niveau du PIB et de l’emploi, par rapport à la moyenne mondiale.

Les touristes, les Portugais eux mêmes et les agents économiques locaux, ont un rôle dans la discipline et l’autodiscipline pour minimiser les inconvénients tant au niveau du tourisme de masse qu’au niveau people.

Le Portugal actuel: un miracle? Ces derniers temps, le pays prend le contre-pied de Bruxelles. Le journal «La Dépêche» titrant récemment: «Le Portugal, un miracle embarrassant pour Bruxelles car il repose sur une politique anti-austérité». Le PIB du Portugal après une progression de 0,4% au 1er trimestre, a progressé de 0,5% au 2ème.