Opinion: Un long – et pour moi si court – parcours professionnel. Je vous le raconte aujourd’hui?

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Si j’utilise autant de mots et abréviations techniques, c’est que sans toutes ces connaissances, je n’aurais eu aucune chance pour me positionner avec tous ces jeunes ingénieurs avec lesquels je me suis plutôt épanoui.

Je suis né à Borba de Godim, ville de Lixa et commune de Felgueiras, au nord du Portugal.

Avec mes 11 ans et admis au collège, mon père décide de venir travailler en France. Je me retrouve donc en classe de cours préparatoire du cycle primaire français, à l’école de Bellevue, à Montceau-Les-Mines.

Mon intégration se passe très bien et en quelques mois je maîtrise la langue de Molière. Je vois encore la tête de mes petits camarades lorsque quelques années plus tard mes professeurs me prenaient en exemple pour motiver la classe.

A 15 ans, je commence une formation technique de mécanique générale et dessin industriel dans un lycée professionnel.

Me voici donc prêt pour le marché du travail, avec deux diplômes professionnels.

En 1970, l’éducation forme beaucoup de littéraires, une élite d’ingénieurs et en quantité réduite. L’enseignement est très performant pour les formations répondant aux besoins des industries locales. Le bassin du Le Creusot Montceau demande des opérateurs professionnels et des techniciens. Les ingénieurs sortant de l’école des mines ou des arts et métiers sont embauchés pour les postes de direction.

Quelques années plus tard, les entreprises voudront intégrer dans leurs équipes de management des ingénieurs et je revois encore comment le réseau de ces écoles fonctionnent bien pour cette corporation.

Revenons donc sur mon parcours et ce qui m’attend. Je serai d’abord opérateur professionnel sur une aléseuse-fraiseuse de 1970 jusqu’en 1973. Cette machine est très performante pour l’usinage des pièces volumineuses et de type complexe. Ce premier emploi en production me sera très bénéfique pour la suite de mon parcours et donc dans la conception des produits.

 

Je vous présente aujourd’hui mes 43 ans de passion dans le dessin et la conception de divers produits. Cela a commencé en juin 1973 et sans interruption jusqu’en septembre 2016.

Comment, avec un simple CAP de dessin industriel en construction mécanique, j’ai pu vivre une carrière passionnante? Ce parcours intègre beaucoup de travail et de volonté.

– A 30 ans, j’étais dessinateur projeteur de produits de levage et dans une ambiance de travail formidable. Nous ne comptons pas nos heures, mais quand le groupe se retrouve pour faire la fête, c’est dans un délire total.

– A 35 ans, comme cadre, j’étais chef de projets pour les études et développement de grues mobiles et aussi le début de mes cheveux blancs.

– A 45 ans, j’étais cadre, responsable des études et développement pour engins porte containers. La découverte donc des principaux ports de notre planète et tout le matériel intervenant dans le milieu portuaire.

Enfin, au bout du chemin, un départ en retraite proche de mes 65 ans, serein et avec la fierté de laisser derrière moi une nouvelle ligne de produits appréciés par nos clients.

 

Comment peut-on assurer cette continuité de parcours et avec quelle formation requise pour cela? Cela passe par une formation continue et soutenue dès mon entrée dans un bureau d’études. Les acquisitions de nouvelles connaissances se déroulant souvent le soir et après la journée de travail.

Voici les durées de mes formations et matières indispensables pour avoir un niveau ingénieur.

– 5 ans de mathématiques appliqués, fourni par le Greta. Merci encore à ce professeur de matière et de passion, M. Bernard, qui a bien compris mon besoin.

– 5 ans d’anglais en commençant par le niveau 1 et se terminant par le niveau 3. Merci aussi à Mme Bauman, anglaise, mariée avec un alsacien et qui a su me décomplexer pour l’apprentissage de cette langue.

– 2 ans de dessin pour un niveau brevet de conception en constructions mécaniques et avec le CNTE.

Après le boulot, mes collègues de travail font du vélo ou se retrouvent dans les bars de La Clayette et moi, je reprends mes cours dans ma petite chambre d’étudiant.

Ajoutons de divers stages également nécessaires pour les acquisitions techniques complémentaires, ceci avec divers instituts de formation en électricité, mécanique des fluides, résistance des matériaux, métallurgie, fatigue des aciers et les joints soudés.

Dans les années entre 1995 et 2000, nous vivons une mutation bienvenue, mais traumatisante pour beaucoup. La planche à dessin est remplacée par l’ordinateur et nous sommes formés pour le dessin numérique.

Voici la maitrise de la CAO (Conception Assistée par Ordinateur) et nécessaire pour garder sa valeur technique mais essentiellement pour accélérer les développements, améliorer la qualité des dossiers et réduire les coûts du prototypage.

Notre bureau d’études doit mettre en place l’utilisation du logiciel Euclid, développé par Matra Division et déjà utilisé par le constructeur Renault Automobiles et avec des formations pour chacun. Ce logiciel est très innovateur, mais très lourd à utiliser et peu convivial pour le résultat en rendu réaliste.

Heureusement et rapidement, un nouveau logiciel arrive sur le marché pour associer la conception et la gestion logistique de production. Ce logiciel nommé IGES est développé par UNIX et aussi agréable que de piloter un avion rafale, autant par sa convivialité, sa vitesse et ses performances de résultat virtuel, que par sa facilité d’utilisation.

Numérisation également des nomenclatures et gestion des approvisionnements en utilisant la GPAO pour une logistique industrielle réactive et le juste à temps avec les Logiciels MAPPICS, PRMS et MRP.

Il ne restait plus qu’à former le bonhomme pour la gestion des projets et des équipes. Ces formations étant naturellement assurées par des organismes privés et sous tutelle du Ministère du travail et de la formation.

A noter également une évaluation des compétences régulière au sein de l’entreprise et une formation complémentaire est engagée dès qu’un point faible est détecté.

Il a aussi fallu s’adapter et dans la bonne humeur pour passer d’une organisation de référence Général Motors à celle de Toyota. Ce changement d’organisation industrielle imposant une formation au Toyota Business System et devenu chez Terex le TBS House.

Je pense encore aux mudas et la recommandation pour chaque chose à sa place et chaque place pour chaque chose.

Il faut aussi rappeler quelques moments difficiles avec stratégies différentes ou marchés en difficulté.

Cela entraînant des restructurations douloureuses envoyant à plusieurs reprises, des dizaines, une fois des centaines, de mes collègues vers l’agence de Pôle emploi. Je peux en recenser une douzaine et je me demande encore aujourd’hui comment j’ai pu passer à travers.

Un de mes Directeurs me dit un jour: «Manuel, je crois en toi, mais comme tu ne sors pas d’une grande école de prestige, je ne peux plus te promouvoir».

Ce même Directeur me sort un jour la remarque suivante: «Comment pourrais-tu être innovant et venant d’un pays sans aucun prix Nobel?». Je lui ai nommé le seul prix Nobel existant en médecine et manifesté mon mécontentement.

Ce Directeur est heureusement parti plus vite que prévu et pour moi de nouvelles opportunités se sont présentées aussitôt avec une nouvelle équipe américaine.

Je pense aussi à ce Directeur de ressource humaines qui voulant m’aider pour accéder au statut de cadre, me conseille de partir pour mieux faire sentir mon absence et de revenir avec de nouvelles exigences. Ce que je fais, et embauché comme cadre pour revenir effectivement quelques mois plus tard avec pour mission le développement d’un nouveau produit innovant et demandé par le marché de la grue mobile.

Je devrais recommencer cette même démarche pour ajuster mon salaire et à la traîne depuis trop de temps pour moi. A la différence qu’une nouvelle offre de poste dans une autre société suffira pour faire prendre conscience à mon Directeur que j’étais vraiment prêt à partir.

Je sais aujourd’hui que notre culture latine est marquée par les préjugés de notre culture et qui donne peu de chance à des profils comme le mien.

La culture américaine est basée sur une autre approche de la valeur de l’individu et ceci me permet de terminer les meilleurs vingt années de ma carrière de façon passionnante et valorisée.

Arrivé à mes 60 ans et avec toutes les conditions requises pour partir tranquille en retraite, mon employeur me confie encore un nouveau développement pour une durée de quatre ans et cette-fois avec la totalité des conditions que je souhaite, aussi bien pour les conditions de travail que pour le salaire.

 

Quelquefois je pense aux situations dans lesquelles je me suis retrouvé et qui auraient pu être néfastes pour moi et l’entreprise. Ma persévérance et ma volonté ont toujours assuré une issue satisfaisante et la réussite pour les sociétés suivantes: Aillot, Potain, PPM, SNEP, Terex et finalement Konecranes.

Maintenant tout cela est derrière moi et je continue de suivre tout ce qui concerne les nouvelles technologies.

Je suis confiant pour ce qui se présente après cette triste pandémie de la Covid-19.

Bonne chance pour les jeunes concepteurs et ce qui les attend.

 

Infos générales sur les sociétés et produits fournis

Aillot: moules et outillages pour Michelin, Ugine, Creusot Loire.

Potain Manitowoc: ponts roulants de 6.3 à 60 tonnes.

PPM: grues mobiles de chantier et routières de 14 à 70 tonnes.

Snep: machines spéciales pour Danone client Remy, Aérospatiale, presses Billion.

Terex Cranes: Grues d’intervention rapide de 20 à 120 tonnes.

Terex Port Solutions: Porte-conteneurs pour 4-5-6 hauteurs, capacité de 7.5 à 45 tonnes.

Konecranes: Achète Terex Port Solution en 2015.

 

Affaires marquantes et pour lesquelles je me suis investi à fond

PPM: Première grue type Att sur 3 essieux avec suspension hydrostatique; Grue militaire type FKL pour l’armée allemande; Grue militaire pour l’armée de Singapour.

SNEP: Machine à injection filaire et utilisant une pression de 1200 bars; Outillage pour tête de missile génération 5; Machine pour conditionnement yaourts Danone.

Terex Port Solutions: Premier reach stacker capable de 6 hauteurs avec containers 9’6’’; Premiers reach stackers capables de 8 hauteurs containers Type HC pour le port de New York; Plus de 100 porte-containers pour l’armée USA dans le conflit IIrak-Koweït; Plus de 500 porte-containers pour le seul marché brésilien; Cinq machines pour la Sibérie et travaillant à 40° négatif; Marque Terex distribuée sur tous les continents et reconnue comme une référence mondiale.

 

Un départ en retraite et en laissant au marché et pour un cycle de cinq ans, une nouvelle gamme de Reach Stackers aux dernières normes de pollution stage IV Final et utilisant les dernières technologies pour un coût d’exploitation client optimisé, soit rapidité, sécurité et coûts opérationnels. Cette gamme est mise en production en 2014.

Konecranes achète Terex portuaire en 2015 pour avoir une usine en Suède et une autre à Montceau-Les-Mines.

Je prends ma retraite en septembre 2016.

Konecranes arrête la production et les développements à Montceau en décembre 2020. Les nouveaux développements se feront en Suède.

En juin 2021 un projet de fusion est en cours pour unir Konecranes à Kalmar, un autre constructeur Suédois.

 

En cinquante ans plusieurs marques ont disparu. Voici quelques exemples.

Poclain, Belloti, Fantuzzi, Faun, Krupp, Pinguely, Richier et maintenant ce qui a été PPM.

Les produits, sans vraiment disparaître, ont changé de nom et de propriété.

Le site de Montceau-Les-Mines a vécu 50 ans pour le marché de la grue mobile et des porte-containers portuaires. Plusieurs générations y ont travaillé et lui ont dévoué une tendresse particulière. Je fais partie de ces passionnés et amoureux de ce site.

Aujourd’hui, ce site moderne et remarquable doit se restructurer et s’adapter pour les besoins des nouveaux marchés et de dépollution.

Une nouvelle activité est déjà en place avec le montage de produits de la société Gaussin et reconnus comme des véhicules portuaires et aéroportuaires propres.

C’est un très bon départ et plein de promesses.

 

Aujourd’hui il m’arrive de raconter à mes petits-enfants mes divers déplacements et les divers sites visités, ces voyages pour accompagner notre marketing, le service client ou les approvisionnements: Singapour, Rio de Janeiro, São Paulo, Sepetiba, Belo Horizonte, Ipitinga, Santa Catarina, Santiago du Chilli, New York, Seattle, Portland, Montreal, Toronto, Vancouver, Hambourg, Hanovre, Munique, Dusseldorf, Anvers, Rotterdam, Gottborg, Lisboa, Porto, Barcelonne, Valence, Parme, Darlingtone. En France: Marseille, Le Havre, Montoire-sur-Loire, Lille, Dunkerque, Strasborg, Mulhouse, Valence, Valencon, Lyon, Macon, Chalon.

 

Manuel Maia Teixeira

 

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LusoJornal