Fannie Gortazar

Pedro Alves organise la ‘Tournée de l’année’ avec Linda de Suza et Mara Pedro

Pedro Alves est chanteur – il a intégré la troupe d’artistes du spectacle Dix Commandements – mais s’est initié également à la production, notamment au Sentier des Halles, et a même été, pendant 2 ans, le Directeur artistique pour la branche internet de Johnny Hallyday.

A la tête de sa propre boîte de production, il entame maintenant la production d’une tournée unique dans son genre, avec Linda de Suza, Mara Pedro et lui-même.

C’est un risque considérable et Pedro Alves explique pourquoi, dans cette interview exclusive à LusoJornal.

 

Pourquoi avoir organisé cette tournée avec Linda de Suza?

J’avais besoin de mettre les deux pieds dans mes racines et de créer un spectacle unique en France en hommage à la culture de notre Communauté, et surtout, le rendre accessible au public le plus large possible. Et il me fallait la plus grande artiste portugaise en France et c’est Linda de Suza. Allez dans la rue et vous verrez que c’est même le seul nom que 100% des gens vous sortiront. C’est la seule artiste portugaise à avoir imposé des tubes en France. Amália est célèbre et un bijou de notre Communauté, mais seule Linda a réussi à faire autant de disques d’or dans ce pays. Et Tony Carreira est très à part, car il a une popularité phénoménale auprès des émigrés, mais personne ne connait une de ses chansons dans le reste de la population. Linda est unique.

 

Comment Linda de Suza a accueilli cette proposition?

Linda m’a tout de suite fait confiance. C’est une artiste très instinctive qui ne sait pas faire semblant. Son amour viscéral pour le public la pousse constamment à faire les choix les plus sincères possibles. Si le projet avait été mal ficelé, si les intentions n’avaient pas été artistiques avant tout, elle m’aurait gentiment claqué la porte au nez (rire). Notre duo sur son tube «Comme vous» en est la preuve, car jamais en 41 ans de carrière elle n’a accepté de partager un de ses succès avec un autre. C’est un cadeau qui parle de lui-même. Elle avait fait la préface de mon livre sorti en 2016 également. Je suis comme elle dit, son protégé.

 

Pourquoi avoir invité également Mara Pedro?

Comment faire un spectacle sur la culture musicale portugaise sans faire la part belle au Fado? Il y a très peu de pays au monde qui ont réussi à exporter d’une manière aussi forte un style musical. Il y a le blues, le rock, le reggae, la salsa et une poignée d’autres qui représentent vraiment quelque chose dès qu’on pose la question au public, et le fado en fait partie. Ensuite il fallait trouver la perle rare. Nous voulions qu’il y ait un véritable symbole entre les deux femmes de ce spectacle, la légende de la chanson populaire d’un côté, qui n’a plus rien à prouver, et une artiste si originale, si pure, si talentueuse qu’elle a tout, elle aussi, pour devenir un jour une légende. Mara Pedro est de ces artistes-là. Rares sont les chanteuses de fado qui ont leur propre chemin, qui ne font ni à un moment ni à un autre penser à Amália ou aux autres stars du Fado. C’est ce que j’ai aimé chez Mara Pedro, elle n’imite personne et invente ses propres codes. C’est rarissime.

 

Vous chantez également. Quel est votre parcours artistique?

Je chante surtout, c’est mon métier, c’est ma passion, c’est ma vie. La production est simplement l’outil qu’il faut obligatoirement à notre époque pour avancer sur un chemin hors-piste. Et nous sommes en plein dedans. Je ne fais pas de musique urbaine, pas de r’n’b, je ne fais pas The Voice, je suis donc dans le hors-piste concernant les majors et les producteurs scéniques. Alors je dois me produire. Cela me permet également de savoir où va l’argent, et pour moi, c’est impératif qu’il aille dans le spectacle pour que le public soit heureux. Avant d’en être là, j’ai fait toutes les étapes de ce métier. J’ai commencé par chanter dans les bals dès l’âge de 13 ans, tout en étudiant le piano, la guitare et le chant au Conservatoire. Ensuite je suis monté à Paris aux Studios Alice Dona où j’ai appris la scène et le théâtre, et j’ai eu par la suite énormément de chance. Car c’est elle qui décide de tout. A 24 ans, je suis rentré dans la troupe des Dix Commandements et nous avons fait un triomphe hors du commun, totalisant 8 millions de disques vendus, près de 2 millions de spectateurs (plus de 350 dates dans les plus grandes salles de France) ensuite j’ai fait une autre comédie musicale, Grease, encore un succès qui est passé par Bercy, le Palais des Congrès pendant 1 mois. Et puis un album produit par Warner avec Pascal Obispo. J’ai ensuite voulu toucher à d’autres aspects du métier en faisant mes premières armes de producteur à la programmation d’une salle mythique parisienne, le Sentier des Halles et puis le Sésame, j’ai été pendant 2 ans Directeur artistique pour la branche internet de Johnny Hallyday. Tout ça pour revenir à la chanson maintenant, avec ce spectacle et mon premier album en portugais qui sortira début 2020 au Portugal.

 

Combien de dates avez-vous programmé dans le cadre de cette tournée?

Nous en sommes à 9 dates ouvertes – Nancy, Le Havre, Lille, Dijon, Paris, Nantes, Bruxelles, Luxembourg et Joué les Tours -, et autant qui vont suivre.

 

Comment réagit le public?

Le public réagit bien! Très bien même. Mais il nous reste encore beaucoup de travail car l’affiche est atypique et c’est déstabilisant au premier regard. Habituellement, soit nous avons du fado, soit de la chanson, soit du populaire dans un concert, là, j’ai fait le pari de mélanger les genres pour raconter une histoire, pour présenter le Portugal et sa culture au plus grand nombre, alors il y a ceux qui le comprennent tout de suite et ceux que nous allons convaincre.

 

La vente des billets se passe bien?

La vente de billet est encourageante, et heureusement car le risque est énorme. C’est sûrement la tournée portugaise la plus chère de la saison à venir et je ne parle que du développement artistique et créatif du spectacle. Certaines tournées coûtent chères car les productions et les artistes sont gourmands, nous non. Le public n’aura pas le droit à 4 chaises en plastique sur scène et des jeux de lumière rapidement mis en place l’après-midi même. Non! Nous parlons d’un mois de répétition, d’un an de travail à temps plein avant la première qui aura lieu le 4 octobre à Nancy.

 

Pourquoi commencer par Nancy?

Nancy justement! Avouez que ce n’est pas la ville la plus portugaise de France, et nous irons! Car la culture portugaise sera encore plus reconnue en ouvrant les portes à un public qui va la découvrir. Bien sûr que nous comptons sur la présence en nombre de nos compatriotes, car sans eux nous ne sommes rien, mais nous serons fiers de prouver qu’on peut produire des spectacles en hommage à une culture étrangère, et remplir les salles quand même!

 

Vous avez enregistré un album. Pourquoi?

C’est un grand honneur et un privilège que nous ont accordé les équipes de Warner Music Groupe, l’immense Major internationale. C’est d’ailleurs le seul spectacle en hommage au Portugal qui a cette opportunité de mémoire. Un album dans une grande maison de disque! Preuve que ce spectacle n’est pas comme les autres.

 

Quels sont les thèmes choisis?

Nous allons revisiter les grands succès portugais qui ont traversé les frontières françaises, comme Avril au Portugal (Coimbra), la Maison sur le Port, les grands standards de Linda de Suza, d’Amália, mais aussi des surprises, comme une version de l’Hymne à l’amour en portugais, ou même L’envie d’aimer, pour la première fois en portugais. Et de sublimes chansons de Mara Pedro. En fait, le titre Un tour au Portugal plein d’humour et d’énergie, est très à contrecourant de l’album. Nous l’adorons, comme le public apparemment, mais c’est le seul qui est dans cette couleur musicale. C’est une parenthèse amusante cette chanson. Une chanson pour l’été.

 

Vous avez fait d’autres productions par le passé?

La société de productions Liloïse est toute jeune, c’est d’ailleurs sa première tournée. C’est pour cela que nous voulons taper fort et que vous pourrez être certain que l’on va parler spectacle et qualité avant de penser marge et bénéfices. Les Dix Commandements était le premier spectacle de Chouraqui, Starmania le premier de Michel Berger, Céline Dion la première production de René Angélil… C’est encourageant les premières fois quand elles sont portées par une équipe sérieuse et talentueuse non? Concernant notre équipe par contre, nos productions de concerts, de direction artistique, d’organisation d’évènements se comptent déjà par centaines. Ce qui ne nous rajeunit pas! Nous avons également confié toute la création son et lumière à la société de Paulo Matos, Alfama Prod, qui est une des meilleures sur la place du grand Paris. Un énorme professionnel qui sait nous rassurer par sa maitrise incroyable de la technique. Entre lusophones, on doit réapprendre à tous travailler ensemble et nous sommes fiers de donner l’exemple.

 

Quelles sont les principaux problèmes pour ce projet?

Franchement? Le domaine portugais est difficile à défendre en province, vous savez. Les associations sont fortes et actives et c’est magnifique, mais parfois ça peut être compliqué d’ouvrir par exemple un restaurant portugais quand une association est à quelques pas et n’a pas les mêmes obligations en termes de personnel, de salaires, de tarifs, etc. Donc les gens qui veulent manger portugais dans beaucoup de villes, vont à l’association pour la moitié du prix. C’est pareil pour les spectacles. Avec une offre si récurrente, si variée, si grande et des billets à 20 euros, repas compris, il faut du courage pour demander le double pour un spectacle… Voilà pourquoi les grands producteurs portugais font toujours les 4 ou 5 mêmes villes, des grosses villes ou la Communauté est en nombre et où les risques sont réduits. Produire du Portugais à Nancy, Le Havre, dans des opéras, des théâtres, voir même à Dijon au Zénith, ce n’est pas une histoire d’argent, c’est une histoire d’amour pour le Portugal et sa culture. Nous sommes les seuls à oser et nous allons gagner notre pari. Ma principale difficulté c’est celle-là. Faire comprendre que nous produisons un spectacle comme les Portugais n’en ont jamais vu en hommage à leur culture. Ce ne sera pas un concert avec un enchaînement de chansons et hop, merci d’être venus, revenez dans 2 ans on fera la même chose. Non. Nous allons offrir une mise en scène, une histoire, notre histoire, et le public ressortira en ayant ri et pleuré. Je le promets. Le second problème et le plus gros problème côté médias français ou décideurs radios ou tv, même pour les investisseurs, est que les deux dernières tentatives portugaises à grande échelle ont été Tony et David Carreira en France. Et le succès n’a pas été au rendez-vous malheureusement. Alors, il faut être honnête, depuis quelques années, ils croient tous dur comme fer que le Portugais n’est pas un bon placement… Ça m’a fait nager à contrecourant pour les convaincre du contraire. On arrive derrière, avec un projet portugais, que ce soit dans une banque ou une major et ils appellent la sécurité!!! Tout ces problèmes réunis, eh bien sont ceux contre lesquels je me bats chaque jour.

 

Nous revenons à la première question de l’interview, pourquoi Linda de Suza?

Car c’est la seule à avoir montré à la France que l’on pouvait taper fort avec la culture portugaise et qu’elle plaisait au grand public.

 

Les dates déjà bloquées

Le 4 octobre 2019 à Nancy

Le 15 novembre 2019 au Havre

Le 4 janvier 2020 à Lille

Le 11 janvier 2020 à Dijon

Le 29 février 2020 à Paris

Le 14 mars 2020 à Nantes

Le 21 mars 2020 à Bruxelles

Le 25 (ou 24) avril 2020 au Luxembourg

Le 23 mai 2020 à Joué-les-Tours

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