LusoJornal / Dominique Stoenesco

Sílvio Jessé, un peintre du sertão à Paris

Évoquer l’œuvre picturale de Sílvio Jessé c’est parcourir les sentiers du sertão, cette région aride et semi-désertique du Nordeste du Brésil, dominée par une végétation de cactus et d’arbustes divers aux feuilles rabougries où de maigres troupeaux de chèvres et de bœufs errent sous un soleil accablant. C’est découvrir le monde de son enfance, peuplé de scènes de la vie rurale ou bien jalonné de scènes inspirées des lectures de «Vidas Secas» ou de «Grande Sertão: Veredas».

Ainsi, au début de ce mois, à l’occasion de sa venue à Paris pour le lancement du livre «La guerre de Canudos, une tragédie au cœur du sertão», d’Aleilton Fonseca, dont 12 de ses peintures ont servi d’illustrations, nous avons eu l’occasion de faire plus ample connaissance de Sílvio Jessé et de son œuvre.

Né dans les environs de Vitória da Conquista (État de Bahia), en 1960, Sílvio Jessé a commencé très tôt à s’intéresser aux arts plastiques. Après une formation à l’École d’Arts Plastiques de l’Université Catholique de Salvador de Bahia, il a participé à de très nombreuses expositions, au Brésil, mais aussi en Europe. Ses thèmes s’inspirent essentiellement des paysages et des habitants du sertão.

C’est à l’âge de 8 ans qu’il quitte la campagne avec sa famille pour aller s’installer dans la grande ville. À cette époque, l’enfant Sílvio souffre d’une anomalie visuelle et doit porter des lunettes de correction, car les objets qu’il voit ont des aspects difformes et hypertrophiés.

Sa peinture sera fortement influencée par ces images aux formes étranges et aux couleurs très vives qui s’imprimaient dans sa mémoire. On peut le constater à travers les nombreux tableaux où il peint les arbres, les animaux et les personnages populaires proches de son environnement familial.

Les fêtes et les processions constituent également des moments privilégiés où sont vénérés une foule de personnages locaux, comme les célèbres Padre Cícero et Lampião qui rentreront à leur tour dans l’iconographie de Sílvio Jessé.

«J’avais toujours un cahier avec moi – nous dit Sílvio Jessé en parlant de ses études secondaires – car le dessin était mon activité préférée». Par ailleurs, au fil de ses premières lectures, surtout «Vidas secas», de Graciliano Ramos, il est attiré par le dialogue entre la littérature et la peinture; «J’avais toujours besoin de coller une image à ce que je lisais».

Plus tard, pour le centenaire de la naissance de cet écrivain, il réalisera 50 tableaux inspirés de son œuvre.

Au cours des ses études en Arts plastiques, à Salvador, il découvre quelques grands noms de la peinture brésilienne, tels que Tarsila do Amaral ou Cândido Portinari, dont il s’inspirera souvent.

À cette même époque, en 1979, il fait ses premières expositions et obtient un prix. Puis, après une période où il s’était consacré exclusivement au dessin et aux arts graphiques, il revient à la peinture et travaille aux côtés de son ami J. Murilo, peintre naïf. En 2006, à l’occasion de l’Année Internationale des Déserts et de la Désertification, la Poste brésilienne lance, à Brasilia, un timbre dessiné par Sílvio Jessé.

À propos de sa collaboration avec Aleilton Fonseca, auteur de «La guerre de Canudos, une tragédie au cœur du sertão», Sílvio Jessé nous explique que ce travail lui a permis de se rendre à Canudos, sur le théâtre de la bataille et de mieux connaître cet épisode dramatique de l’histoire contemporaine du Brésil. «Une guerre – nous dit-il – que l’élite brésilienne a longtemps voulu ignorer».

C’est au cours de ce projet qu’il a mis au point une nouvelle technique: la peinture-terre. Une terre qu’il mélange à la peinture et qui imprime à ses toiles des tonalités chaudes et vibrantes.

Enfin, commentant sa venue à Paris, Sílvio Jessé avoue qu’il avait quelques angoisses avant d’y venir à cause de son français, très insuffisant, mais qu’il a été surpris par l’attention des gens et, surtout, conclut-il, par cette ville qui est pour lui «un musée à ciel ouvert».