Nella Gia

Tânia Caetano: la «Kylian Mbappé» du fado en France?

La formule est de João Silveirinho, après qu’il ait entendu Tânia Caetano: «Cette jeune femme, elle sait presque tout faire, voix posée, sens du rythme, présence, passion. Fado ou autre chose, elle est capable de tout chanter, français, brésilien, jazz etc. Et question fado, chanter comme ça à peine deux ans après sa première apparition publique, chapeau».

Comme João aime presque autant le foot que le fado, la comparaison Tânia-Kylian lui est venue naturellement. Mais qui est donc Tânia Caetano?

Native de Barreiros il y a 27 ans, face à Lisboa, elle passe ses cinq premières années à Montijo, où ses parents tiennent un café. Souvenir d’époque: «dans le café, il y avait un billard, séparé du reste de la salle par une cloison mobile. Parfois, je demandais qu’on me fasse grimper sur le billard, et hop, comme un rideau de théâtre, j’ouvrais la cloison pour chanter».

Conclusion: vocation précoce et sens du show.

A cinq ans, départ de toute la famille, vers la France, mais la musique la suit tout au long de son parcours scolaire: chorale à l’école primaire, groupe gospel au collège, groupe jazzy au lycée avec des incursions dans la musique latino et même rock et pop. A Paris, parallèlement à la fac’, premiers pas ‘pros’ dans un groupe ou elle chante du Boby Lapointe (*) jazzifié, un peu de morna et parfois un fado, a capella.

Conclusion: Silveirinho n’a pas tort, elle peut (presque) tout chanter, mais le fado dans tout ça?

«Le fado m’a toujours accompagnée. Ma mère en chantait tout le temps à la maison, et moi aussi, beaucoup de fados d’Amália, et aussi de Dulce Pontes dont j’aime beaucoup la voix».

Et voici deux ans, lors d’une des mémorables soirées de fado vadio du Lusofolie’s de João Heitor, elle se produit pour la première fois, au débotté, accompagnée par les guitares, celles de Filipe de Sousa et Nuno Estevens: forte, très forte impression sur le public, secoué par l’énergie et l’implication de Tânia.

Suivront au fil des mois des participations puis des spectacles dans les soirées du Coin du Fado, de Portologia, de la Chapelle des Lombards etc… L’aube d’une carrière, donc.

Conclusion: les qualités repérées par Silveirinho sont avérées, mais alors, tout serait parfait et l’Olympia l’année prochaine?

Tut, tut, pas si simple: chi va piano va sano, disent nos amis Italiens qui ont parfois de la sagesse. Etre arrivée à ce niveau de maîtrise du fado en moins de deux ans de pratique en spectacle, c’est déjà fort rare. Y a-t-il des progrès à faire? Bien sûr, il y en a toujours (pour Kylian aussi, convient Silveirinho). Pour notre part, ils devraient porter sur un aspect important du fado, le «dividir», qui est un des éléments rythmiques qui différencient le fado des autres formes de chansons populaires, et sur le répertoire, encore trop composé autour des succès d’Amalia. Tânia a tous les éléments pour être une superbe fadiste (ce qui ne devrait pas l’empêcher de s’illustrer, aussi, dans d’autres genres musicaux).

 

(*) Boby Lapointe (1922-1972), auteur compositeur et interprète de chansons à forte teneur ironique

 

LusoJornal