Un livre par semaine: «Une jeune fille perdue dans le siècle à la recherche de son père», de Gonçalo M. Tavares

Aussi bien sur le fond que sur la forme, les livres de Gonçalo M. Tavares échappent à tout classement académique. Dans «Une jeune fille perdue dans le siècle à la recherche de son père» (éd. Viviane Hamy, 2018, traduction de Dominique Nédellec, titre original: «Uma menina está perdida no seu século à procura do pai») une réflexion éthique et philosophique revient presque obsessionnellement, comme dans d’autres livres de Gonçalo M. Tavares: retrouver le sens du temps long. Une idée largement présente, par exemple, dans «Un voyage en Inde».

Tout commence par une rencontre entre une jeune fille trisomique de 15 ans, Hanna, et Marius, qui fuit un danger inconnu. Dès les premiers pages on assiste à une scène qui se répètera souvent durant leur périple hallucinant: «- C’est votre fille? - Non, répondis-je. Je l’ai trouvée dans la rue. J’ai déjà demandé dans des magasins: personne ne sait qui elle est. Personne ne l’a jamais vue dans le quartier. Elle est à la recherche de son père. Elle s’appelle Hanna. Il y a une institution qui accueille ce genre d’enfant, je vais l’y conduire». Un détail retient l’attention de Marius: la jeune fille tient entre ses mains une boîte contenant des fiches dactylographiées destinées à «l’apprentissage des personnes handicapées mentales».

Autour de Marius et de Hannah se tisse tout un réseau de personnages, de lieux et de péripéties qui se succèdent dans un tourbillon assez surréaliste. Parmi la galerie de portraits on trouvera, par exemple, ce colleur d’affiche qui, à travers les villes, ne colle que les bonnes images et les bonnes phrases, celles qui «obligent les gens à s’arrêter pendant un certain temps, qui font appel au cerveau, à cette partie où fonctionne la mémoire».

En somme, Gonçalo M. Tavares nous propose ici un éloge de la réflexion et de la lecture. Né à Luanda en 1970, professeur à Lisboa, il est l’un des auteurs portugais les plus traduits dans le monde. Son œuvre a inspiré des adaptations théâtrales, des court-métrages, des arts-plastiques, des performances, ainsi que des thèses universitaires.