Une formidable expérience de vie. Merci à mes compatriotes qui me l’ont fait vivre!

J’ai été assez touché en apprenant la mise en place d’une fête en mon honneur, au moment où je cesse mes fonctions à l’Ambassade de Cabo Verde en France. Cette fête, prévue pour ce soir 21 mars, n’aura évidemment pas lieu pour cause de coronavirus…

Qu’à cela ne tienne, en ces circonstances, l’intention me suffit bien. Au comité d’organisation, à tous mes amis et compatriotes qui voulaient m’honorer d’une «despedida», mes plus vifs remerciements pour cette reconnaissance qui me va droit au cœur. J’y vois le signe d’une amitié forgée dans le travail solidaire pour Cabo Verde, notre terre et notre cause commune. Un travail de 25 ans qui ne saurait être accompli qu’en joignant nos forces et nos idées.

 

Mes liens de proximité avec les associations

Cette reconnaissance est réciproque, tout comme cette «despedida»: aussi je vous remercie, chers Amis, chers Compatriotes, de m’avoir aidé à accomplir ma mission, oh! combien difficile lorsqu’on n’a pour seuls ressources que la volonté, un bureau… et un cerveau! Là où les moyens nous ont manqués, notre volonté solidaire a fait le reste : ensemble nous avons refusé de rester coincés entre vouloir et ne pas pouvoir. Et avec quelques œufs nous avons fait de grandes omelettes!

Ceci est un mot de remerciement en guise de bilan succinct.

Arrivé à Paris, en 1995, j’ai tout de suite réalisé que les associations ne coopéraient qu’assez peu, et à peine si elles se connaissaient entre elles… Ce fut tout un travail pour mettre à jour une base de données, l’Ambassade devant se positionner dans son rôle de pivot. Je me suis alors appuyé sur mes rapports de proximité aux uns et aux autres afin de mobiliser des volontés et générer des synergies pour freiner la tendance à la dispersion des forces et des idées. En prenant acte des besoins de chacun, je faisais en sorte que les uns puissent en recourir aux autres pour mener à bien leurs programmes. Ce fut une stratégie délibérée pour «obliger» les associations, qui autrement ne se connaissaient point, à travailler main dans la main, dans un esprit de coopération et d’entre-aide!

Les plus grandes réalisations du service culturel portent la marque de cette entre-aide associative d’une part, entre associations et l’Ambassade d’autre part. Merci à ceux qui étaient là pour les grandes réalisations, disponibles nuit et jour, weekends et jours fériés… Tous mes remerciements à ces musiciens, artistes et artisans, techniciens, associations et groupes folkloriques qui ont répondu «présent» à mes appels. À mes collègues Ana Paula, Antonino, Latxe Leite, Suely, Fátima Barros…

Aussi j’ai vite compris à quel point les activités sociales, culturelles et récréatives étaient importantes pour entretenir une ambiance de saine convivialité dans les milieux caboverdiens, et j’ai agi en conséquence. Les présentations littéraires et autres événements dans les salons de la Chancellerie ont contribué à cette bonne convivialité. On se rappelle la “journée portes ouvertes” en 2006, afin de présenter les locaux flambant neuf de l’Ambassade, tout un programme riche en musique, conférences, spectacles, poésie, et pour couronner le tout, un goûter traditionnel de chez nous.

Les causes sociales ont été un sésame pour ouvrir les portes de l’Ambassade à la demande d’associations souhaitant venir en aide aux plus défavorisés dans notre pays, mais aussi en France.

 

Sortir Cabo Verde dans la rue. L’empreinte de notre morabeza

Autant je ne vous ai pas manqué de ma présence solidaire et amicale, autant vous avez répondu à mes appels. Vous étiez la, à mes côtés, à chaque rendez-vous, chacun y allant de sa joie de vivre pour égayer de nos couleurs cette belle convivialité qu’est la nôtre, en la partageant avec nos amis français, touristes et autres visiteurs de passage.

Vous l’avez compris, j’ai toujours eu à cœur de sortir notre pays dans la rue. En témoignent les multiples sorties œcuméniques que nous avons organisées ensemble, sous le signe du dialogue des cultures, en bravant parfois une météo dissuasive. Il y avait foule dans certaines de ces sorties, dont voici quelques exemples:

– Les festivités de notre indépendance nationale, à Paris et dans d’autres villes de France: aussi nous avons été attendus à Saint Denis (2008), Sarcelles (2009), ou Villenauxe-la-Grande (2019), autant d’occasions pour partager notre folklore, notre gastronomie, notre artisanat, nos multiples sonorités dont la Morna, aujourd’hui patrimoine de l’humanité. Et nous y avons laissé l’empreinte de notre morabeza.

– Notre Fête de la Musique (2016), à la bonne manière caboverdienne, a fait danser Caboverdiens et Français sur le parvis de la Basilique Sainte Clothilde en plein cœur de Paris!

– La «Grande randonnée de Cabo Verde à vélo», quatre fois réalisée à travers les rues de Paris pour fêter l’indépendance (2005, 2006, 2007 et 2015), nous laisse, surtout aux plus jeunes, un agréable souvenir. Grâce à l’aide de généreux sponsors (BCA, TECNICIL, TACV, Banco Interatlântico) nous avons pu distribuer drapeaux, maillots et casquettes aux couleurs de Cabo Verde (que certains gardent encore en souvenir), une bouteille d’eau pour la route, puis un goûter à la pause, et enfin – après l’effort le réconfort – un repas traditionnel à l’arrivée!

Que c’était beau, ces ballades tout en musique et en couleurs! Tous ces Caboverdiens, Français et touristes pédalant et fraternisant ensemble sur les Quais de la Seine et les Champs Elysées! Nos pique-niques culturels au Bois de Vincennes, rythmés de sonorités acoustiques, danses folkloriques et autres animations de plein air, une invitation, pour les passants, à la découverte de notre pays.

À travers le vélo nous avons porté un message écocitoyen et fait, paraît-il, des émules. Précurseurs, nous avons été invités en partenaires par Diplomacycles, une association créée au sein même du Ministère de l’Europe et des Affaires Etrangères, pour coorganiser les balades inter-ambassades dans Paris à l’occasion de la «Journée sans voitures». Notre participation fut assez remarquée et nous a valu les éloges de Diplomacycles.

 

Un service culturel tourné vers la promotion tous azimuts

Mais le service culturel ne saurait se limiter à la rue, devant se dédoubler sur d’autres fronts bien moins visibles. Des amis se sont parfois demandés ce que faisait l’Attaché culturel qu’ils ne voyaient pas assez souvent. Certains, sur un ton insidieux, laissant apparaître une pointe de scepticisme ou de sarcasme – je n’ai pas pris mal! Ceux qui de bonne foi ont demandé de mes nouvelles, je les comprends. C’était sans connaître l’agenda d’un service culturel qui, outre la Presse, s’est agrégé la Promotion sur plusieurs registres. Ce service a été un centre de relations publiques pour les gens à la découverte des îles de morabeza, y compris pour affaires ou juste pour y poser leurs valises ; un bureau de conseil et d’appui pour journalistes, étudiants, chercheurs universitaires, cinéastes, artistes et créateurs dans différentes branches de la connaissance et de l’information. Son quotidien était ainsi rempli d’audiences et de sollicitations diverses et variées, fût-ce par téléphone, par courrier électronique ou postal.

Ceux de mes compatriotes qui (sans arrière-pensées) demandaient de mes nouvelles, je les comprends donc : ils ne pouvaient se faire l’écho de mes occupations loin de leur regard, parfois en dehors des murs de l’Ambassade ; de mes conférences, représentations et autres interventions protocolaires faisant partie du fonctionnement courant d’une chancellerie.

 

Diplomatie culturelle: l’Unesco en première ligne

Faut-il encore rappeler que notre agenda culturel s’étendait, par inhérence, à l’Unesco, et par voie de conséquence, aux aréopages de la diplomatie multilatérale. Entre réunions et événements commémoratifs qui ont porté notre empreinte, notre diplomatie a parlé à l’Unesco. D’aucuns me rappellent encore nos galas de musique, organisés en partenariat avec Lusafrica dans la prestigieuse Salle I (1997, 1999). Notre participation aux commémorations annuelles de la Journée de la langue portugaise, de la Semaine Africaine…

Seuls ou ensemble avec nos collègues du Groupe CPLP- Unesco, nous avons porté sur scène Cesária, Paulino Vieira, Bana, Sara Tavares, Celina Pereira, Humbertona, Lena França, Morgadinho, Jorge Sousa, Lutchinha, Jorge Humberto et Mariana Ramos, ainsi qu’un un groupe de danse folklorique.

Notre diplomatie culturelle a contribué à colmater l’inertie d’une diplomatie tout court, parfois timide et indolente. Et nous aurions pu faire davantage, si certaines hiérarchies n’en avaient pas décidé autrement.

 

Mes conférences: promouvoir la culture par des échanges intellectuels

J’ai aussi donné des conférences à l’Unesco, et – plus souvent – dans les milieux académiques (Universités, écoles supérieures, collèges et lycées), promotionnels ou associatifs.

Ces interventions répondaient à des invitations adressées à la personne de l’Attaché culturel, plutôt qu’à ses fonctions. Elles me faisaient l’obligation, pour être à la hauteur du défi, de ne pas me contenter d’un niveau de connaissance moyen dans l’univers cosmopolite de la ville-lumière et de la maison-mère de la culture mondiale! D’autant plus que ma fonction m’approchait des milieux académiques, littéraires et intellectuels. De recherche en écriture, d’écriture en conférences, j’ai cherché à m’assurer d’un support cognitif et d’une aisance communicationnelle suffisamment solides pour m’aventurer à certaines interventions publiques. J’ai été fier de porter la parole de Cabo Verde à Nice, Marseille, Montpellier et autres contrées de France, et même à Monaco.

Cela m’a également permis de partager avec vous mes écrits portant sur la Communauté caboverdienne et sur moult sujets d’histoire, culture et société, ainsi que des faits importants de l’actualité…

Je ne m’attarderai guère plus longtemps sur le Service Culturel de l’Ambassade de Cabo Verde en France, cela risquerait d’être fort ennuyeux. J’ai juste voulu partager le souvenir impérissable de ce que fut, pour moi, une gratifiante expérience de vie et remercier mes compatriotes de me l’avoir fait vivre!

Merci à celles et ceux qui m’ont aidé à m’acquitter de cette mission qui me tient toujours à cœur: faire connaître mon pays, sans verser dans des nationalismes niais et imbéciles, mais en citoyen du monde!

Nous vaincrons le Covid-19! Bonne quarantaine à ceux qui sont confinés, et dans tous les cas prenez soin de vous!

 

Paris, le 21 mars 2020

 

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