LusoJornal / Dominique Stoenesco

15è Rencontre nationale des associations portugaises: la CCPF sous le signe de l’Europe

Placée sous le signe de l’Europe, la 15ème Rencontre Nationale des Associations Portugaises, organisée par la Coordination des Collectivités Portugaises de France (CCPF), a eu lieu le 13 octobre dernier à la Mairie de Paris. Étant donnée la diversité culturelle des associations que la CCPF fédère, cette rencontre est présentée, depuis 2017, comme étant également la 2ème Rencontre des Associations Lusophones.

À six mois des élections européennes, les associations étaient invitées à réfléchir sur les enjeux européens: quel avenir pour l’Europe? Quel rôle les associations peuvent-elles jouer dans la construction européenne?

Après l’ouverture de la séance par Marie-Hélène Euvrard, Présidente de la CCPF, Hermano Sanches Ruivo, Conseiller à l’Europe à la Mairie de Paris, a pris la parole en tant que représentant d’Anne Hidalgo, Maire de Paris, pour déplorer la quasi inexistence de projets des associations portugaises à Paris, ainsi que la faible participation des ressortissants d’origine portugaise aux élections municipales.

José Luís Carneiro, Secrétaire d’État aux Communautés Portugaises, a félicité, à travers un message vidéo, les associations portugaises pour leur dynamisme et il a souligné l’importance de leur rôle au sein des Communautés portugaises. Ce message a été suivi d’une intervention du Consul Général du Portugal, António Albuquerque Moniz. «L’Union européenne nous a permis de jeter les bases d’un rapprochement entre les peuples», a-t-il affirmé, tout en regrettant que la construction européenne soit un des derniers thèmes à intéresser le grand public. Puis, il a évoqué les relations anciennes entre la France et le Portugal, non seulement au niveau national, mais aussi local, à travers les nombreux jumelages. Enfin, il a rappelé les réformes récentes qui facilitent l’inscription des citoyens portugais sur les listes électorales.

 

Les enjeux de l’Europe

«Les enjeux de l’Europe», tel était le sujet de la conférence de Francisco Seixas da Costa, ancien Ambassadeur du Portugal en France. «Après avoir été un projet attractif, paradoxalement, selon lui, la diversité de l’Union Européenne et son pouvoir politique ont heurté la souveraineté de certains États». Par ailleurs, son élargissement trop rapide a créé des divergences, faisant injustement de Bruxelles «un bouc émissaire».

Pour l’ancien Ambassadeur du Portugal en France, la remise en cause de la monnaie unique, le Brexit, l’obsession de la Russie à l’égard de l’OTAN et de ses alliés, la crise financière et, surtout, la montée des nationalismes, sont autant de facteurs qui provoquent de profondes ruptures. Il considère que la solidarité au sein de l’U.E. est dépassée par des forces qui n’agissent que dans leurs propres intérêts. «Si les partis traditionnels de l’U.E., dit-il encore, ne s’entendent pas sur des principes de base, ils seront avalés par les nationalistes». D’où, conclut-il, l’enjeu des élections européennes de mai 2019.

Au cours de l’échange avec le public, plusieurs questions ont été soulevées: où sont les principes de solidarité au sein de l’Europe? Où est l’Europe sociale? Face aux grands problèmes internationaux, l’U.E. n’a pas une politique commune.

Paulo Pisco, Député pour la circonscription de l’Europe et Joaquim do Rosário, Attaché aux Affaires Sociales au Consulat Général du Portugal ont, quant à eux, communiqué sur «Le rôle des associations dans la campagne pour l’inscription sur les listes électorales». Pour Paulo Pisco, qui se présente comme «un européen convaincu», les associations doivent s’investir totalement dans le projet européen, en particulier, précise-t-il, dans les domaines de la citoyenneté, de l’égalité des droits ou de la libre circulation. «L’U.E., ajoute-t-il, est engagée dans un processus démocratique. Les populismes et les nationalismes nous entraînent vers l’abîme. N’oublions pas que l’U.E. a été créée notamment pour éviter les drames des deux guerres mondiales».

Pour Joaquim Rosário, «nous ne pouvons avancer dans la construction européenne qu’en prenant part au débat et en participant aux élections». Il a également rappelé les changements concernant l’inscription des Portugais sur les listes électorales. Désormais cette inscription se fait automatiquement au moment de la demande de la carte d’identité («Cartão do cidadão»).

Invités à réagir sur ces sujets, des responsables associatifs présents dans la salle ont manifesté leur préoccupation quant aux moyens qui seront accordés aux associations: «La démocratie a un prix!» – a clamé l’un d’entre eux.

 

Quel avenir pour l’Europe?

Après la pause déjeuner et la visite des stands associatifs, trois historiens ont proposé un aperçu rétrospectif de la construction européenne.

Miguel Guerra a rappelé que l’Europe est un concept très ancien, remontant aux Grecs et aux Romains, pour arriver au XIXè siècle où on voit éclore une Europe des Nations et des nationalismes, avant les tentatives d’une Europe fédéraliste et, enfin, le Traité de Rome, en 1957.

Nuno Gomes Garcia, après avoir comparé les crises financières avant les deux grandes guerres du XXème siècle avec la situation actuelle, a conclu que «nous vivons une forte récession à la suite de la crise de 2008. Les politiques néo-libérales peuvent déboucher sur des discours extrémistes, créant ainsi une situation comparable à celle qui précédait les deux grandes guerres». Circonstances aggravantes, selon lui, l’OTAN, le conflit en Ukraine et les partenariats avec les USA «ne sont pas une garantie pour la paix».

Pour Victor Pereira, «en prenant un peu de recul on verra que depuis sa création, la construction européenne a été très rapide». Avant la Révolution d’avril 1974, l’idée que le Portugal pourrait un jour faire partie d’une communauté européenne n’était pas une évidence. Il a notamment insisté sur le fait que l’émigration massive des Portugais, la plupart «a salto», a fait d’eux des Européens avant la lettre. En «votant avec leurs pieds» ils mettaient en pratique l’un des principes de base de l’U.E.: la libre circulation.

Le débat qui s’en est suivi a principalement opposé les partisans du modèle européen actuel, malgré ses insuffisances, à ceux qui considèrent que «ce modèle néo-libéral a échoué, car il est incompatible avec les intérêts des peuples».

 

Échanges et jumelages

Adeline Afonso, Présidente des Jeunes Européens-Paris, a présenté un bref historique du programme Erasmus. Depuis 1987, ce programme a permis à environ 5 millions de jeunes de partir avec une bourse pour faire une année d’études dans un autre État membre, favorisant en même temps la pratique d’une citoyenneté européenne. Néanmoins, déplore un délégué associatif dans la salle, les bourses attribuées sont d’un niveau encore insuffisant (entre 150 et 300 euros mensuels).

Ricardo Lopes, Directeur du magazine JG Jumelages/Geminações, a rappelé que 181 villes françaises sont jumelées avec des villes portugaises. Il a appelé à des actions concrètes dans ce domaine et a mis en exergue le rôle des jumelages dans le développement de la solidarité et de l’amitié entre les peuples, ainsi que dans l’éducation, la culture ou les sports.

Par ailleurs, Dominique Petitpas, Maire-adjointe de Deuil-la-Barre (ville jumelée avec Lourinhã), a évoqué les échanges entre ces deux villes, notamment aux niveaux scolaire et culturel.

 

Le Conseil des Communautés Portugaises

Luísa Semedo, Présidente du Conseil Régional de l’Europe au Conseil des Communautés Portugaises (CCP), entité élue par les Communautés portugaises résidantes à l’étranger et n’ayant qu’un rôle consultatif, a évoqué des rencontres récentes avec des associations portugaises en Europe qui ont permis d’adresser au Gouvernement portugais des questions liées notamment aux violences faites aux femmes, à l’enseignement de la langue portugaise, à l’aide au retour et à la réinsertion.

Réunissant une cinquantaine d’associations et environ 200 personnes, cette quinzième rencontre du mouvement associatif lusophone s’est achevée par un voyage musical à travers le fado, la morna et la chanson française, avec la participation de la chanteuse luso-capverdienne Ashley, demi-finaliste de la Nouvelle Star sur M6 et fière de ses influences: Whitney Houston, Cesária Évora, Charles Aznavour… entres autres.