Prisonniers de guerre portugais dans des témoignages allemands en mai 1918

«Ici, beaucoup de prisonniers portugais sont occupés, enterrant des cadavres de chevaux, remplissant des cratères d’obus sur la route. Ce ne sont pas des bouches inutiles”. Ainsi s’exprime, le 23 avril 1918, à Armentières, un Commandant allemand dans un courrier à sa famille. Des traces supplémentaires, en mai et août 1918, de la présence de soldats portugais dans le Nord de la France, sont donnés à la suite.

Lors de la I Guerre mondiale, la plupart des prisonniers portugais ont été fait lors de l’offensive allemande sur La Lys, en avril 1918. Des images de guerre, des récits, apportent des informations concernant les camps de transit, les pieds dans la boue, de soldats en France avant leur transfert en Allemagne.

Des clichés de photographes officiels allemands ont été collectés, aux Archives et Bibliothèques numériques des pays belligérants, et ont permis de localiser des camps de prisonniers portugais en France, après la Bataille de La Lys, «Die Schlacht bei Armentières» pour les Allemands.

Des camps de transit, dans le Nord, se situaient près d’Armentières, à Fournes-en-Weppes, en secteur allemand, de l’autre côté du secteur portugais des Flandres. D’ailleurs une mention est donnée, dans les fichiers des prisonniers de guerre du Comité international de la Croix-Rouge, concernant la présence d’un lazaret (hôpital de campagne allemand) à Fournes.

Le 1er mai 1918, le Directeur du Centre pénitentiaire de la commune de Loos, près de Lille, a écrit au Préfet du Nord que 500 soldats prisonniers portugais avaient passé une nuit dans la prison de Loos (disparue aujourd’hui), sous la garde de soldats allemands. 300 avaient pris la route le lendemain matin (*).

La Citadelle de Lille, occupée par les Allemands pendant la durée du conflit, était reconvertie en prison, pour les soldats de toute nationalité, lieu de transit et point de départ en train vers les camps d’internement en Allemagne. De nombreux convois de prisonniers, de la Citadelle à la gare de Lille, visaient aussi à intimider la population civile lilloise.

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Wolfgang Panzer, soldat allemand né à Munich en 1896, était «lagerkommandant», traduction littérale: Commandant de camp. Engagé volontaire dans l’armée en 1914, il était intégré aux 55ème et 56ème Régiments d’infanterie en Ukraine et en France, où il est monté en grade.

Wolfgang Panzer a écrit de nombreuses lettres du front, d’août 1914 à novembre 1918, à ses parents, frères et sœurs. Certaines de ces lettres ont été retranscrites sur le site du Musée de la Poste et des Télécommunications (voir ICI) et laissent des traces de la présence portugaise entre Armentières et Lille en mai 1918. Il semblerait qu’il commandait un camp de travail. Il écrit que ses soldats allemands travaillaient à la ligne de chemin de fer, dans le secteur d’Houplines.

Tous les jours, Wolfgang Panzer venait le long de La Lys : “l’eau ne semblait pas différente de celle d’autres rivières et pourtant le regard s’attardait un peu plus longtemps sur ces rives, quelle histoire la Lys allait-elle laisser derrière elle ?».

Comme beaucoup d’Officiers étrangers, il parfaisait ses connaissances de la langue française, en lisant la presse, les journaux Le Petit Journal, Le Miroir, L’Echo de Paris, la Gazette des Ardennes… Son anglais était mauvais, mais Wolfgang Panzer discutait avec des prisonniers portugais qui parlaient le français.

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Extraits des courriers de Wolfgang Panzer à sa famille

Après un courrier du 10 avril 1918, qui parlait de l’offensive allemande, d’un grand coup à Lille et de la prise d’Estaires, il écrit:

– Le 23 avril 1918, à Armentières

«Hier sind sehr viele portugiesische Gefangene beschäftigt, beerdigen Pferdekadaver, füllen Granattrichter auf der Vormarschstraße und sind so wenigstens keine unnützen Esser». (Ici, il y a beaucoup de prisonniers portugais occupés, enterrant des cadavres de chevaux, remplissant des cratères d’obus sur la route et ce ne sont pas des bouches inutiles).

– Le 28 mai 1918

«Außer meinen Engländern, mit denen ich immer einige Brocken spreche, die ein “Kenner” lieber nicht hören dürfte, habe ich heute als kleine Sonntagsfreude noch einige hundert Portugiesen aufgestellt bekommen. Es sollen französisch sprechende darunter sein, da kann man sich wenigstens ein bißchen unterhalten». (A part mes Anglais, avec qui je dis toujours quelques mots, qu’un ‘connaisseur’ préférerait ne pas entendre, aujourd’hui j’ai accueilli quelques centaines de Portugais, comme petit cadeau du dimanche. Il devrait y avoir parmi eux des francophones, on pourra avoir une petite conversation).

– Le 30 mai 1918, à H. près de Lille (probablement Houplines)

«Im Gefangenenlager habe ich vorgestern einem Portugiesen, der leidlich französisch sprach, von unserm neuen großen Sieg in der Champagne erzählt u. von den vielen Gefangenen, da freute er sich natürlich u. meinte, daß der Krieg nun bald zu Ende wäre». (Avant-hier j’ai rencontré un Portugais dans le camp de prisonniers, qui parlait assez bien le français, j’ai échangé à propos de notre nouvelle grande victoire en Champagne et des nombreux prisonniers, naturellement il était content que la guerre touche bientôt à sa fin).

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La I Guerre mondiale fournit de nombreux medias à l’histoire contemporaine, des supports visuels de propagande permettent d’analyser les évènements (les sourires, etc…), d’identifier les lieux (les camps, etc…). Les documents écrits permettent d’aller plus loin dans la quête d’informations, concernant les prisonniers de guerre portugais. Les Archives du Comité International de la Croix-Rouge sont d’une richesse inépuisable, les données allemandes sont à vérifier, à confronter inlassablement, au risque de se méprendre (lire ICI).

Pour exemple une liste de morts, de prisonniers portugais faits lors de la Bataille de La Lys, donnent les dates de décès en France, en août 1918. Certains sont connus du Mémorial virtuel des Archives historiques militaires portugaises. Ils sont enterrés au Cimetière militaire portugais de Richebourg. D’autres, de ces morts, sont dits décédés au travail (Kommando II) en août 1918, sans sépulture, sans cause connue des AHM.

Leurs noms:

Alexandre de Macedo, 29ème Régiment d’infanterie

Américo de Vasconcelos, 13ème RI

José Vitorino, 4ème RI

Joaquim Dinis, 19ème RI

Pour reprendre une réflexion de Wolfgang Panzer, il est possible d’apprendre, encore aujourd’hui, l’histoire que La Lys a laissée derrière elle.

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(*) Archives départementales du Nord – cote 9R356

LusoJornal