Chronique judiciaire: quelques faits-divers impliquant des Portugais, dans les années 20 et 30

Voilà un sujet que nous n’avons jamais vu traité: celui des faits-divers portugais en France. Nous n’y avions même pas pensé, non plus, avant notre confinement.

Nous avons consulté des centaines, voire des milliers de journaux entre 1919 et 1939. De fil en aiguille nous avons réuni quelques faits, que nous vous décrivons ci-bas.

Nous ne souhaitons pas stigmatiser ce type de faits sur une population émigrée, nous souhaitons tout simplement faire un peu d’histoire sur des évènements de l’époque, qui ne resteront pas dans l’histoire des Portugais de France… quoique!

Si vous lisez des journaux de l’époque, le type d’évènements que nous allons relater était une des matières principales d’information, fruit d’une époque et de l’abordage de l’information, peut-être, un peu différente du temps présent. Quelques évènements ont fait la ‘une’ des journaux, d’autres venaient en pages intérieurs et décrits sur quelques lignes. Quelques-uns de motifs décris ne seraient pas, de nos jours, motifs d’information, et les condamnations d’aujourd’hui son bien différents des celles d’il y a cela presque un siècle.

 

La mobylette

Le 13 janvier 1921, Henrique Teixeira est arrêté à Aire-sur-la-Lys. Écroué dans cette ville, il sera, par la suite, été transféré à la prison de Saint Omer. Son crime? Par les jours qui courent, nous nous demandons si cela aurait été motif de prison. Il a acheté une mobylette au prix de 8.200 francs, de l’époque, à Rouen. Le problème? Il a payé avec un faux chèque.

Non content de son premier exploit, il vend la mobylette à un marchand de vélos à Aire-sur-La-Lys. Le marchand lui donne un acompte de 1.000 francs.

L’escroc, qui était recherché par la Police mobile de Lille, est arrêté à l’hôtel d’Angleterre. Il était encore en possession de 300 francs.

 

Une femme sans retenue

Plus dramatique c’est ce qui sera vécu le 24 janvier 1928. Il s’agit d’un drame passionnel entre Portugais dans la ville minière de Vendin-le-Vieil. Un mari outragé tue son rival d’un coup de revolver.

Augusto Caetano arrive en France auprès d’Armistice. Il a 30 ans au moment du drame. Il fait connaissance d’une jeune fille de Vendin, du nom d’Uranie Ecaillet. Ils se marient et s’installent rue Gustave Délory. La femme se met à boire et n’a plus aucune retenue. Le premier venu était recueilli chez elle en absence de son mari. Le mari travaille à la Centrale électrique.

Le couple a eu 4 enfants – dont deux sont restés en vie, de 6 et 4 ans au moment du drame – qui vivaient les discussions familiales.

Quinze jours avant le drame, Uranie quitte son mari et les deux enfants. Elle s’absente du domicile familial pour suivre un compatriote du mari qui travaille dans la même entreprise que lui. Il s’agit de José Cardoso, de 36 ans. Le couple loue une chambre pendant quelques jours à Wimbles.

Ayant besoin d’argent, l’épouse désinvolte, passe chez un client du mari récupérer 75 francs, son mari effectuant des travaux de cordonnerie en dehors de son travail. Caetano, en sortant de son travail croise son rival Cardoso. Le premier quitte son travail, le deuxième commence celui-ci. Caetano demande au premier de transmettre à son épouse qu’il souhaite récupérer l’argent qu’elle a été chercher chez son client et rappelle à Cardoso que celui-ci lui doit aussi 25 francs.

A 22h00, Cardoso se trouve à nouveau sur le chemin du mari d’Uranie. Contrairement à son habitude Augusto Caetano avait but et le drame se produit.

Caetano, prétend avoir reçu un coup de poing et d’avoir dû prendre une arme qu’il avait sur lui pour se défendre.

Un autre portugais, Da Silva, rentre à son domicile, qu’il partage à ce moment-là avec José Cardoso. Il se heurte avec le cadre de celui-ci qui était derrière la porte avec une balle logée dans le front.

La gendarmerie de Pont en Vendin se présente à minuit chez Caetano, sa belle-mère apporte le revolver aux gendarmes, il finit par avouer. Le meurtrier sera conduit à la prison de Béthune.

Le lendemain du meurtre, l’épouse remplace dans son lit, Cardoso par un autre.

Malgré le bon comportement, jusqu’à là, de mari trompé, selon un autre compatriote, aurait déjà été condamné précédemment à 18 mois de prison à Bully-les-Mines.

 

Des coups de rasoir

La même année, le 7 décembre 1928, un autre drame se produira à La Ferté d’Alias. Deux amis carriers qui travaillaient dans la même carrière, sont les protagonistes, ainsi que l’épouse d’un d’eux d’un fait-divers.

Domingues Gonçalves, âgé de 51 ans, se rend chez son ami Domigues Pereira qui vient de subir une grave opération à l’intestin.

Le premier, dans un accès de folie, alors que la conversation se passait calmement, saisi un rasoir qu’il avait caché dans le traversin de son lit, se lève et saisit la gorge de sa femme Eudofina et lui tailla le cou. Il se roue sur son ami Domingues Gonçalves. Celui-ci subit le même sort. Les deux blessés réussissent à se dégager et à s’enfuir.

Lorsque les gendarmes se rendent chez Domingues Pereira à La Ferté d’Alias, celui-ci est solidement barricadé. Se sentant sur le point d’être capturé, il casse le mobilier, puis se porte plusieurs coups de rasoir avant de se tirer finalement trois balles de revolver dans sa tête.

 

Ils abusent de la boisson

Le 22 décembre 1931, c’est un peu plus au sud de la France que le drame va se passer entre trois amis portugais. On est vendredi, les trois amis abusent de la boisson, se soûlent et finissent par se quereller.

L’ouvrier Tremosera, armé d’un couteau catalan, se jette sur son camarade Lucageão. Le troisième homme, Manoel Albino, de 31 ans, essaye de maîtriser Lucageão. Ce dernier crible Manoel de coups de couteau et tombe mortellement atteint. Le meurtrier prend la fuite, se dirige vers la voie ferrée, se jette sur un train et est déchiqueté.

Les gendarmes conduisent les corps à la morgue. La justice referme le dossier, le meurtrier étant lui-même décédé.

 

Un obus oublié

Le 1er juin 1932, un accident, qui ne sera pas rare, va se produire à Verdun. Deux ouvriers occupés dans le nivellement des tranchées, dans la partie boisée de la zone rouge, près d’Ormes, Manoel Alves, 41 ans, originaire de Porto, et Paul Paucher, né à Saint Denis-de-Niers (Haut-de-Vienne) trouvent un obus allemand de la 1re Guerre mondiale. En voulant le dévisser, celui-ci explosa, tuant sur le champ l’ouvrier portugais.

Découvert quelques heures après le drame, l’ouvrier français a été conduit dans un état désespéré à l’hôpital de Verdun.

 

Duel au bal musette

Le drame qui suit, aura lieu le 2 septembre 1934, en fin d’après-midi, passage Lauzin, à Paris. Il s’agit d’un drame de jalousie. Un dénomme Robert, courtise la même fille lors d’un bal musette à Belleville, que José Magalhães, né le 29 mai 1912, à Vila Real, garçon boucher au chômage.

La jalousie a conduit à une discussion en plein bal. «Sort donc, j’ai à te parler» finit par dire Robert à son adversaire. Ce dernier accepte de se plier à la demande. Robert entraîne, son rival dans un passage. Les témoins ne pouvant intervenir, il finit par abattre le Portugais.

Touché en plein cœur, Magalhães s’enroulera. Il va succomber pendant le transport à l’hôpital Saint Louis.

 

A la guillotine

Il est 5h25, le 24 octobre 1935, lorsque devant la prison de Draguignan, Manuel Rodrigues est condamné à mort et exécuté pour avoir assassiné le fermier Zurletti.

À 4h00 du matin le fourgon contenant les bois de justice arrive sur place, protégé par un service d’ordre qui interdit le public très nombreux de trop s’approcher.

À 5h00 le condamné est réveillé par les magistrats et défenseurs. Manuel Rodrigues assiste à la messe et reçoit même le sacrement. Après une rapide toilette, Manuel Rodrigues est conduit devant la guillotine et jeté sur la bascule.

L’inhumation aura lieu quelque temps après au cimetière de Dardignan.

 

Le commerçant de charbon

Le 18 février 1937 à La Gorgue, un commerçant portugais se tue d’un coup de revolver.

Le couple Joaquim et Werquin habite derrière la gare de La Gorgue-Estaires. Mário Joaquim, est né le 7 mai 1895, avec sa femme Jeanne Werquin, native d’Estaires, ils exploitent un commerce de charbon.

Ce jeudi 18 février 1937, il est 17h30, pour une raison inconnue, Mário Joaquim armé d’un pistolet se dirige vers son hangar à charbon, distant d’une centaine de mètres de sa maison. Au milieu de la cour il tire en l’air un premier coup de revolver. Son épouse prévient les voisins. En pénétrant dans l’hangar, Jeanne entend un deuxième coup de pistolet. Elle trouve son mari affaissé le long d’une cloison. La balle avait pénétré au-dessous d’une oreille.

 

La bigamie

Le 4 juillet 1937 est perpétré à Lisboa l’un des attentats contre le «Presidente do Conselho», le Premier Ministre de l’époque, Oliveira Salazar. Le 21 août, la Police de défense de l’État, annonce avoir capturé les auteurs de l’attentat, tous ont fini par avouer.

Un des 5 assaillants était assez bien connu en France, dans la région de Lens. À la suite d’un meurtre commis en France, il se réfugie au Portugal où il est poursuivi pour bigamie.

Il s’agissait de l’anarchiste Manuel Francisco Pinhal, qui vivait en France depuis une dizaine d’années, un maçon de 32 ans, marié à une française du nom de L.C. (pour des raisons bien compréhensives, les journaux n’ont pas publié le nom complet de l’épouse), habitant près de Lens, père de 2 enfants.

En 1930, à la suite d’un meurtre, il s’enfuit au Portugal, où il se marie à nouveau: poursuivi pour bigamie, il fut condamné par contumace.

 

L’amie infidèle

Le dernier fait que nous allons relater, se passe le 28 avril 1937 à Lille. Parce que son amie infidèle l’avait abandonné, un Portugais la tue, puis se suicide d’une balle dans la tête.

C’est encore un des drames, simple dans l’horreur, tragique dans la brutalité, un drame d’une existence vécue à deux, en marge du mariage. Un drame qui n’a pas trop étonné la famille de l’un comme de l’autre, chacun savait que celui-ci était, presque, inévitable.

L’horreur s’est passée dans la matinée du 25 avril 1937. Trois coups de revolver se font entendre dans le quartier de Wazemmes, assez pour que gisent inanimés une femme et son ami.

Manuel Miranda était ouvrier cimentier, âgé de 37 ans au moment où il s’est séparé de sa femme qui est partie habiter en Belgique. Il vivait avec une autre femme, deux ans plus vieille que lui, Gabrielle Taccoen, rue Canteleu, à Lille. Les deux enfants de Manuel vivaient avec lui, Émile de 16 ans travaillait avec son père dans le bâtiment et Jeannine âgée de 14 ans était employée dans une imprimerie lilloise. Gabrielle, la nouvelle amie, tenait un modeste commerce de boissons.

Aux dires des voisins, entre Miranda et Gabrielle les relations n’étaient pas des meilleurs. La violence et les scandales étaient le lot de tous les jours. Quinze jours avant le drame, on constate que le débit de boissons n’ouvre plus, Manuel Miranda prend ses repas avec sa fille, sa compagne on ne la voit plus. Elle est partie vivre avec quelqu’un qui travaillait dans l’administration.

Manuel envoie une lettre de menaces à Gabrielle Taccoen, si elle ne revient pas à la maison. L’homme finit par acheter un pistolet automatique, qu’il montre à sa fille, sans lui dire à quelles fins il s’en était procuré.

Dans la nuit du 27 au 28 avril, il sort vers 23h30, il va guetter son rival chez lui et rentre à son domicile. Le mercredi matin, vers 7 heures Manuel Miranda et Gabrielle Taccoen, pénètrent ensemble dans le café de la sœur de Gabrielle, 204 rue des Postes. La sœur est surprise de les revoir ensemble. L’homme, Manuel Miranda, se place autour du comptoir, sa campagne assise à une table. Le premier demande: «Veux-tu revenir chez moi?», à quoi l’ex-compagne répond: «A quoi bon, si c’est pour me tuer?». Deux coups partent. La femme, atteinte en plein cœur, s’écroule.

Le seul témoin du drame, Gaston Morphy, fils de la tenancière du café et neveux de la victime, vit le canon du pistolet se diriger vers lui. Il réussit à s’enfuir dans la cuisine. Un nouveau coup de feu retentit. Manuel Miranda vient de se tirer une balle dans la tête. À 11h00 le docteur Muller constate le décès de la femme.

Transporté à 8h30 à l’hôpital de la Charité, Manuel succombera à 17h30 sans avoir repris connaissance.

Triste destin que celui des enfants, Jeannine et Émile, qui malgré l’amour qu’ils avaient pour leur père, à l’aube de leurs vies, le seul spectacle qu’ils ont connu, fut la haine et le triste exemple d’un père meurtrier.

 

Clap de fin

Nous terminons la description de quelques drames auxquels des Portugais ont été mêlés dans les années 1920 et 1930, en France, et tout particulièrement dans la région Nord, pour une majorité des évènements.

Il s’agit ici d’une tentative de faire un peu d’histoire sur l’un des aspects des moins glorieux des Portugais habitant en France de 1920 à la fin des années 1930.

En somme, la période étudiée est longue et les faits relatés sont bien peu nombreux en comparaison avec ce que la presse rapportait quotidiennement.

 

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