En 1923, un Officier portugais d’artillerie dépeint le 9 avril 1918 au Maréchal allemand Hindemburg

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Le 20 novembre 1923, Nuno Álvaro Brandão Antunes, Capitaine d’artillerie en France pendant la I Guerre mondiale, écrit une longue missive au Maréchal Paul Von Hindenburg, Commandant de l’Armée allemande. Dans une autobiographie en 1919, Hindenburg donne des informations sur la fuite de la plupart des troupes portugaises lors de la Bataille de la Lys. Avec 16 points détaillés ci-dessous, l’Officier portugais s’insurge contre cette «étiquette de lâches» jetée aux soldats portugais.

Cette lettre de Nuno Antunes a été traduite en plusieurs langues, dont le français. Elle a été envoyée à l’Ambassade au Portugal et à de nombreux Ministères étrangers pour information de son action. Les différents courriers et réponses qui en ont découlés sont l’ossature du livre publié en 1924 (1). Action qui lui aura valu une Médaille militaire.

Vos ancêtres ont combattu dans l’artillerie et l’infanterie portugaises le 9 avril 1918 ? Les détails historiques et militaires de cette journée mémorielle pour le Corps Expéditionnaire Portugais (CEP) sont retranscrits à la suite. Un document à lire dans son entier, même s’il y a des redondances. L’auteur de ce courrier s’est donné une mission ardue et méritante d’honorer les soldats portugais et leur bravoure, et il l’a fait inlassablement en justifiant tous les évènements de cette période d’avril 1918.

La retranscription respecte la formulation, la ponctuation, seule l’orthographe est modifiée si besoin et sont ajoutées des notes pour mieux localiser les communes du secteur portugais.

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Retranscription de la lettre

Monsieur le Maréchal Hindemburg,

Sur tous les champs de bataille et dans les cœurs de chaque combattant, un sentiment surmonte toujours toutes les raisons politiques ou d’intérêts et toutes les haines. C’est le sentiment de justice envers l’ennemi. Jamais un juge n’a un si grand souci de justice que celui qui combat. Malgré tous ces bons désirs, combien de fois, cependant, par la méconnaissance de quelques circonstances du moment, on est injuste. Mais, quand l’occasion se présente de revenir sur le premier jugement et de le rectifier, il n’y a pas un seul combattant qui ne s’estime très heureux de rendre à son ennemi l’honneur qui avait été foulé aux pieds. Pourquoi, tous ces soucis de justice, se demanderont tous ceux qui ne les comprennent pas?! Parce que les armées qui se combattent essayent toujours de vaincre l’ennemi, mais jamais le déshonorer car, tout en le réussissant, se déshonoreraient elles-mêmes. C’est que dans toutes les armées une religion survole toutes les passions – c’est la religion du devoir, de l’honneur et de la bravoure. Sans cette religion, la vie d’une armée deviendrait impossible et, sans cette possibilité de vie, le pays qu’elle personnifierait, ne pourrait pas exister.

Ayant lu vos mémoires «Aus meinem leben», j’ai remarqué sur tous les passages un vif désir d’être juste, en même temps qu’un ardent amour de la Patrie. J’y ai trouvé des passages qui n’ont pas été écrits d’après des observations personnelles, mais d’après les rapports des commandants des unités engagées. Ces rapports, écrits souvent sous l’impression de la lutte, ont, souvent, été, quoi que involontairement, fautifs. Et vos mémoires, écrites en septembre 1919, en souffrent malgré tous vos bons désirs. De tous les passages, il y en a un qui détermine ces lignes. Il s’agit de la description de la Bataille de la Lys où vous parlez de la conduite des troupes portugaises.

Vous dites: «Le 9 avril, anniversaire de la grande Bataille d’Arras… Malgré tous les obstacles naturels et artificiels, nos troupes réussirent, sous la protection du feu de notre artillerie et de nos mortiers de tranchée, à mener à bien cette attaque surprenante que ni les Anglais, ni les Portugais, intercalés au milieu d’eux, ne considéraient comme possible. Les troupes portugaises abandonnèrent pour la plupart le champ de bataille en une fuite éperdue et laissèrent à leurs alliés le soin de nous combattre».

C’est la rectification de ces lignes, d’après les rapports que j’ai l’honneur de soumettre à votre appréciation, que j’ose vous demander au nom de la justice due à l’anniversaire d’hier et de la religion des armées. En s’agissant d’une démarche tout à fait particulière, je vous demande pardon de ma hardiesse et d’avoir oublié la différence de rangs entre nous, ayant comme excuse l’amour de la Patrie qui me pousse à la faire.

D’abord il faut vous mettre au courant de la vraie situation et des conditions des troupes portugaises le 9 avril 1918. Tous les renseignements qui vont suivre sont extraits des rapports officiels publiés par Monsieur le Général Gomes da Costa, Commandant la 2ème division portugaise qui était en ligne le 9 avril 1918.

Toutes les unités de la division avaient un effectif de 627 officiers et 18.000 hommes. Il lui manquait, pour le compléter, à peu près, 400 officiers et 7.000 soldats.

Du 1er jusqu’au 6 avril, le secteur portugais était ainsi garni:

Fauquissart (2)

1ère ligne – 4ème BI

Neuve-Chapelle

1ère ligne – 6ème BI – Ligne des villages (Réserve) – 2 bataillons de la 3ème BI

Ferme du Bois (3)

1ère ligne – 5ème BI

L’effectif des 3 brigades était de 209 officiers et 4.448 soldats et, en déduisant tous ceux qui étaient employés dans les services des ambulances, ravitaillements, etc…, la division n’avait pas plus de 4.800 fusils disponibles.

La 3ème brigade, qui était allée occuper la ligne des villages, avait seulement 89 officiers et 3.590 soldats.

Et, c’était avec de pareils effectifs, qu’elle devait garnir les 21 postes de la ligne des villages, renforcer le front et faire les contre-attaques.

La 2ème division, depuis les 7 heures du 6 avril, appartenait, tactiquement au 2ème corps anglais. Le front qui était attribué à la division avait, alors une longueur de 11 kilomètres; les 16 bataillons des 4 brigades avaient un effectif moyen de 400 fusils disponibles, d’où résulte une densité si réduite, qu’à elle seule, prouve l’impossibilité de résister à une attaque plus énergique.

En vérité la division était une division toute entière en postes avancés, mais sans les ressources nécessaires pour résister pendant une durée assez appréciable. Et, c’était ‘Situation de postes avancés’ le nom que lui donnait le plan de défense.

Le 2 avril je faisais remarquer le manque d’effectifs de la 6ème brigade d’infanterie qui avait seulement 115 officiers et 2.801 soldats ayant des bataillons, tel que celui du 1er RI, avec, seulement, 8 officiers.

Depuis juillet 1917 je faisais savoir qu’en étant les effectifs de mobilisation de 37 officiers par bataillon d’infanterie, ceux-ci n’en avaient que 16-19 et même 13 seulement; qu’en étant l’effectif de mobilisation de 1.083 soldats par bataillon, ceux-ci n’en avaient que 650, en moyenne.

Le 8 avril la division manquait de 37% d’officiers, 24% de soldats.

Le 30 mars 1918, la division manquait de 399 officiers et 7.059 soldats.

D’abord le Corps Expéditionnaire Portugais n’avait, à cause du manque d’effectifs, aucune réserve ; la division avait une brigade, que l’on appelait de réserve, mais comme elle avait une mission indiquée à l’avance sur le plan de défense, comme réserve elle n’en gardait que le nom.

Le 7 avril j’ai fait voir au Général Haking, Commandant le 2ème corps anglais, auquel la division appartenait, l’état de la division manquante d’effectifs et très affaiblie par une permanence de presque une année suivie dans les tranchées.

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Le 8 avril je recevais l’ordre de reddition où il était établi.

La division 55 remplacera la brigade de la droite portugaise pendant la nuit du 9/10 avril;

La division 50 remplacerait le centre, la gauche et la réserve, pendant les nuits de 9/10 et 10/11 avril.

De cette façon l’attaque allemande a surpris le commandement supérieur (2ème corps anglais) et attrapé nos troupes en plein travail de reddition, ce qui est toujours une période délicate.

A 4h10m un violent et formidable bombardement commençait.

A 4h30m il n’y avait plus de liaisons téléphoniques.

A 7h50m l’infanterie allemande avançait sur nos lignes protégées par le barrage et cachée par le brouillard.

Le fil de fer nos défenses accessoires était disparu et les tranchées étaient détruites ; dans la 1ère ligne nous n’avions plus un homme debout.

L’ennemi avance sur la 2ème ligne, également écrasée, et continue en direction de la ligne des villages, mais, alors, l’avance n’est plus si rapide car il doit vaincre la résistance de plusieurs groupes qui, à couvert des plis du terrain et des cratères, s’opposent avec énergie à la progression ; ce sont les restes de 6 bataillons qui se sont sauvés du bombardement préliminaire. En face de la ligne des villages l’ennemi s’est arrêté. Mais cette ligne n’était pas occupée. La brigade de réserve, qui avait reçu l’ordre d’en faire l’occupation, avait été presque entièrement détruite.

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Jusqu’à présent je n’ai présenté que des rapports d’un ordre général. Voyons, maintenant, ce qui suit.

A 8h00, la division 40, à ma gauche, me faisait savoir que l’ennemi s’était emparé de sa première ligne et, à 9h45, j’en reçois une communication me disant que l’ennemi, qui avait pénétré entre le flanc droit de la division 40 et mon flanc gauche, avançait sur Laventie.

A 9h30, le bataillon de la droite au Nord du canal de La Bassée, disait avoir perdu les premières et 2èmes lignes.

A 9h45 un message de la division 4, apporté par un pigeon voyageur, me faisait savoir que cette division allait reculer son flanc droit car la gauche portugaise reculait. Sur cette dépêche il n’y avait pas l’heure de l’expédition.

A 10h30 je reçois un message identique de la brigade 164 de la division 55, qui était à ma droite.

De cette façon, les divisions où les flancs de la mienne étaient appuyés, reculaient pour constituer des flancs défensifs, en laissant des ouvertures par où l’ennemi a pénétré avec plus de facilité et lui a permis d’entourer la division portugaise.

Il faut faire quelques remarques au sujet de ces lignes.

L’attaque à la ligne portugaise a commencé à 7h50 et à 8h00 le commandant de la division portugaise recevait la communication de la division anglaise à gauche en disant qu’elle avait perdu sa première ligne. Cette division même faisait savoir, par une dépêche, où il n’y avait pas l’heure d’expédition, que la gauche portugaise reculait. Cette dépêche, ayant été reçue à 9h 45m, doit être de 9h30, c’est à dire, à cette heure-ci la division portugaise tenait encore à gauche et à 10h30, à droite.

Les deux divisions anglaises, où était appuyée la division portugaise, ont reculé leurs flancs et laissé entourer celle-ci.

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Mais, voyons ce que dit le Commandant de la division portugaise.

«A 11h00 quelques soldats venus du front disaient que l’ennemi s’était emparé de la ligne Laventie – Rouge-Croix – Richebourg.

J’ai demandé à l’artillerie lourde anglaise de battre la ligne des villages, mais le commandant de cette artillerie, ayant cru le tir trop près, a battu la 2ème ligne.

N’ayant aucune réserve à ma disposition pour boucher les ouvertures puisque toutes mes forces étaient engagées depuis le commencement, selon les dispositions du plan de défense, je n’avais rien de plus à faire qu’à ordonner de tenir à tout prix en attendant l’arrivée du secours des réserves anglaises.

A midi j’espérais encore maintenir les positions ; et je les aurais maintenues si les renforts étaient arrivés».

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Voyons, maintenant, l’action des deux principales engagées dans cette bataille – l’infanterie et l’artillerie. C’est encore du rapport de Monsieur le Général Commandant la 2ème division, que j’extrais ce qui suit.

Artillerie – La division avait 4 groupes à 4 batteries, 3 batteries de canons de 75 mm et une batterie d’obusiers de 4,5 pouces.

Le 1er groupe défendait la Ferme du Bois et la droite de Neuve-Chapelle.

1ère batterie – a tiré depuis 4h15 jusqu’à 11h15.

2ème batterie – a tiré jusqu’à 12h30.

3ème batterie – a tiré jusqu’à 12h00.

4ème batterie – sans communications depuis 4h30. Sans munitions et ayant tous ses officiers, sauf le commandant, tués ou blessés, fait sa retraite à 11h45.

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Le 2ème groupe défendait Neuve-Chapelle. Sans communications depuis le commencement.

1ère batterie – a tiré depuis 6h45 jusqu’à 10h45. Manquant d’attelages, a laissé ses canons.

2ème batterie – sans communications depuis le commencement. A tiré jusqu’à 11h55.

3ème batterie – a tiré jusqu’à 11h30.

4ème batterie – n’ayant plus de munitions, fait sa retraite à 10h00.

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3ème groupe – Secteur de la Ferme du Bois. Coupées les communications à 4h10.

1ère batterie – a tiré jusqu’à 9h30. N’ayant plus de munitions et ne pouvant pas en faire le ravitaillement, le sous-lieutenant Costa Cabral, sachant l’ennemi à 300 mètres en face de sa batterie, le charge à la baïonnette. Disparu avec toute la garnison.

2ème batterie – Fait son ravitaillement à 9h30. A midi fait sa retraite. Presque toutes les garnisons tuées.

3ème batterie – Sans communications depuis le commencement. A tiré jusqu’à midi.

4ème batterie – A tiré depuis 4h30 jusqu’à 9h30.

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4ème groupe – Secteur de Fauquissart. Sans communications depuis le commencement.

1ère batterie – On n’en sait rien car tous les officiers ont été tués ou disparus.

2ème batterie – Un des canons n’a pas tiré car la garnison a été toute tuée. A tiré jusqu’à 11h00.

3ème batterie – Toute disparue. On n’en sait rien.

4ème batterie- A tiré depuis 5h00. Deux obusiers détruits. Fait sa retraite à 11h00.

Dans toutes les batteries les pertes sont énormes, surtout en officiers.

Presque toutes les batteries ont fait la retraite sous le feu des mitrailleuses.

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Voyons maintenant, l’action de l’infanterie.

Des unités en première ligne on ne peut presque rien dire car presque toutes les troupes y sont restées tuées ou prisonnières. Cependant, on peut dire quelque chose des autres unités.

Bataillon du 15ème RI – Était à Croix-Marmuse (4). Ayant reçu l’ordre d’occuper les postes de la ligne des villages du secteur de la Ferme du Bois, mais n’ayant pas pu l’accomplir, les 1ère et 3ème compagnies sont allées jusqu’à Le Hamel (5), où sont restées avec les forces anglaises jusqu’au 11 avril. La 2ème compagnie est allée jusqu’à Lacouture (écriture anglaise). La 4ème compagnie est allée jusqu’à Huit Maisons (6), ayant perdu en route le deuxième peloton, y arrive à 10h 30m et rejoint une compagnie du 14ème RI et une force anglaise.

A Lacouture sont restées les 3ème et 4ème compagnies du bataillon du 13ème RI sous le commandement du Capitaine Esteves Roma ; à 11h30 la 2ème du 15ème les rejoint. Le Capitaine Roma, après avoir abandonné la ‘Senechal Farm’, qui tombe en ruines, se retranche dans une ligne de tranchées 200 mètres en arrière. La compagnie du 15ème se retranche au N-O de Lacouture.

A 13h30 il n’existait plus dans le fort qu’un peloton du 13ème bataillon d’infanterie. L’ennemi l’attaque à 14h30 ; à 16h30, les survivants de ce peloton et de la 1ère compagnie du 15ème font la retraite et rejoignent un détachement anglais retranché dans le Block-house à côté de l’église de Lacouture et y tient jusqu’à midi du 10 avril.

La 2ème compagnie du bataillon du 8ème RI a les communications coupées avec le bataillon à 7h25. Le Commandant de la compagnie, ayant su que la garnison du ‘Ai Post’ (7) avait été tué et que l’ennemi s’était déjà emparé de la 2ème ligne anglaise, à notre gauche, d’où battait notre 2ème ligne, ordonne la formation d’un flanc défensif.

La compagnie du bataillon du 3ème RI, ayant reçu l’ordre d’avancer, mais, en se heurtant à l’ennemi qui avance du front et de la gauche, venant du secteur anglais, menacée d’être entourée, fait sa retraite.

Les compagnies de réserve, qui étaient à Laventie, se sont mises en route à 5h00. Toutes les deux ont perdu presque tout le monde en route.

La 1ère compagnie du bataillon du 20ème RI est attaquée à 8h00. Elle tient jusqu’à 9h00. A cette heure-ci l’ennemi l’attaque par le flanc gauche. Treize hommes, seulement, sont revenus en arrière.

La 2ème ligne du secteur de Fauquissart, à 8h00, était défendue par : la 3ème compagnie du bataillon du 20ème RI, réduite à 30 hommes, de ‘Fauquissart Road’ et de la ‘elgin jusqu’à erith (?)’; les survivants des 1ère et 4ème compagnies du 20ème RI près de ‘Masselot Street’ (8).

Le Q.G. de la 1ère brigade – Laventie- est atteint par le bombardement à 8h00. Peu après lui parvient une dépêche en lui disant que le bataillon du 8ème RI était anéanti.

A 11h30 les survivants de la garnison du secteur de Fauquissart, qui occupaient les tranchées au N-O de Laventie, n’ayant plus de munitions, font retraite sur La Gorgue.

La 3ème brigade d’infanterie, en réserve, a quitté le secteur de Neuve-Chapelle, où elle était, pendant les nuits du 6/7 et 7/8 ; la nuit du 8/9 a reçu l’ordre de reddition pour le matin du 9. De cette façon elle n’a même pas pu faire la reconnaissance de la ligne qu’elle aurait occupée pendant l’attaque. Les positions occupées le 9 ont été choisies sur le moment et ses forces y ont tenu jusqu’à midi, en moyenne.

Les pertes de la 2ème division ont été, le 9 avril de 327 officiers et 7.098 soldats.

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D’après la description que nous venons de faire du dispositif des forces portugaises et de leur action pendant le combat, on voit que les prescriptions de l’Infantry Training n’ont pas été respectées. Et elles n’ont pas été respectées par les raisons déjà étudiées et, de cette façon, nous pouvons résumer les causes de l’écrasement de la 2ème division portugaise le 9 avril, comme suit:

1 – Effectif moyen de 400 fusils disponibles par bataillon d’infanterie quand tous les calculs étaient faits sur une moyenne de 800 ;

2 – Réduction excessive des cadres ;

3 – Fatigue excessive des hommes due à la longue et exagérée permanence dans les tranchées ;

4 – L’affaire des permissions et la reddition des unités par des troupes fraiches ;

5 – Action insuffisante de la 3ème BI à cause du manque d’effectifs et de la méconnaissance des positions qu’elle devait occuper ;

6 – Perturbation due aux préparatifs pour la reddition ;

7 – Absence absolue d’une réserve générale prête à être employée en n’importe quelle direction ;

8 – Dispositifs de défense n’ayant pas assez de troupes dans le sens de la profondeur ;

9 – Positions de l’artillerie très avancées n’ayant pas des dépôts de munitions en nombre suffisant pour leur permettre une longue action et manque d’artillerie lourde en nombre suffisant pour combattre l’ennemi ;

10 – Zone de manœuvre très petite et ayant beaucoup de dépôts de matériel et de vivres très avancés ;

11 – Mauvaise utilisation de la nommée ‘réserve de la division’ qui, par le plan de défense, devait garnir une des lignes de défense.

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La 2ème division portugaise, ayant perdu 7.500 hommes, dont 327 officiers, a fait ce qu’elle a pu pour tenir et ne méritait pas que l’on ait dit que la 55ème division anglaise avait été obligée d’établir un flanc défensif sur la ligne Givenchy – Festubert – Le Touret pour se défendre de la pénétration allemande par l’ouverture dans les positions portugaises à sa gauche.

Il faut savoir qu’à 10h30 je recevais, dans mon Q.G. une dépêche de la brigade anglaise 164 de la division 55 me disant qu’elle venait d’établir un flanc défensif à gauche, à ‘Windy Corner’ (9); c’est à dire, ce mouvement a été effectué avant cette heure-ci; cependant, le commandant du bataillon portugais de la droite, a fait sa retraite à 10h30 tandis qu’à Le Touret, d’abord, et à Lacouture, après, les troupes portugaises ont tenu jusqu’à 15h00 du 9 avril et quelques-unes jusqu’à midi du 10 avril. On voit que ce ne fut pas la retraite des troupes portugaises qui a fait reculer le flanc gauche de la division 55.

Si j’avais une réserve, au vrai sens du mot, j’aurais, en recevant la communication de la division 55 me disant qu’elle abandonnait ma division, essayé de boucher l’ouverture ainsi produite et y empêcher l’avance ennemie jusqu’à l’arrivée des renforts. Mais à cette heure-là, je n’avais pas une seule unité puisque tout était selon le plan de défense.

Le Maréchal Sir Douglas Haig cite, le 9, la division 55 par la façon dont elle s’est battue à Festubert et Givenchy et, le 15, répète cette citation. Pourquoi ? Sûrement pour défaire la mauvaise impression que la malheureuse manœuvre de la division 55 avait faite dans l’esprit public.

Malheureusement le télégramme adressé à Lisbonne par le Commandement supérieur portugais n’a pas contrarié le communiqué anglais désireux de sauver l’honneur des divisions 40 et 55 que les communiqués allemands avaient compromis.

La conduite du Gouvernement portugais après le 9 avril, a fait augmenter la supposition rendant la 2ème division portugaise responsable, par sa faible action, du désastre.

Et, c’est cette idée qu’il faut combattre ; c’est cette supposition qu’il faut éloigner.

La 2ème division portugaise, ayant perdu 7.500 hommes, dont 327 officiers, a démontré à l’évidence qu’elle s’est battue avec bravoure et honneur et que, si elle n’a pas fait d’avantage et mieux, ce fut parce qu’il l’était humainement impossible…

Après ce que je viens de transcrire, que pourrais-je dire encore pour appuyer la demande que j’ai faite au commencement de cette lettre ? De tous les passages du rapport de Monsieur le Général Commandant la 2ème division portugaise, jaillit un souci de vérité. Il ne défend personne ; il attaque tous ceux qui l’ont mérité.

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D’après ce rapport, on voit que, le 9 avril :

1 – La 2ème division portugaise était affaiblie par une excessive permanence aux tranchées (presque une année suivie où les bataillons, quand ils n’étaient pas en 1ère ligne, étaient en renfort, c’est-à-dire, toujours sous l’action de l’artillerie, ‘au moins) ;

2 – Que dans toute la division il n’y avait que 2/3 des effectifs de mobilisation ;

3 – Que les cadres, surtout officiers, étaient très réduits ;

4 – Que le commandement anglais a été surpris par l’attaque ennemie ;

5 – Que la division portugaise a été attaquée au moment de la reddition, c’est-à-dire dans une situation très critique ;

6 – Qu’au moment de l’attaque de l’infanterie allemande, les 1ères et 2èmes lignes étaient écrasées et il n’y avait plus un homme debout ;

7 – Que les divisions anglaises où était appuyée la division portugaise, l’ont abandonnée ;

8 – Qu’à cause de cet abandon, la division portugaise a été entourée ;

9 – Que la brigade qui devait occuper la ligne des villages, en ayant changé ses positions la veille de l’attaque et en ayant reçu l’ordre de reddition pour le lendemain, n’a pas pu faire la reconnaissance de ses nouvelles positions de sorte qu’elle n’a pas pu en faire l’occupation ;

10 – Que quelques unités d’infanterie sont restées au front jusqu’au 10 et jusqu’au 11 avril ;

11 – Que l’artillerie de campagne portugaise a tenu jusqu’au bout, ayant fait sa retraite quand les munitions manquaient ou quand elles étaient sous le feu des mitrailleuses ;

12 – Que la division portugaise n’avait aucune réserve à cause du manque d’effectifs et des dispositions du plan de défense établi par le haut commandement anglais ;

13 – Que la division portugaise a été attaquée par 8 divisions allemandes ;

14 – Que la division n’a reçu aucun renfort des troupes anglaises ;

15 – Que la division n’avait pas assez d’artillerie de campagne pour appuyer l’infanterie et, non plus, assez d’artillerie lourde pour combattre l’artillerie ennemie ;

16 – Que la division portugaise a perdu 7.500 hommes, dont 327 officiers, c’est-à-dire, plus de 40% de son effectif total et plus de 60% des effectifs en ligne.

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Et, si nous pensons encore que ces troupes, affaiblies et sans renforts, n’avaient même pas la force morale donnée par le village natal derrière les lignes à défendre, on ne peut pas nier que la 2ème division portugaise, loin d’avoir abandonné le champ de bataille en une fuite éperdue, a lutté avec bravoure.

Et, malgré tout ce qui s’est passé, malgré l’épuisement des forces portugaises, notre artillerie est allée au front au commencement du mois de mai et y est restée jusqu’à la fin de la guerre.

Pourquoi, alors, la division portugaise a-t-elle lutté, en de si malheureuses conditions, jusqu’à perdre plus de 60% de ses effectifs ? Parce que dans les veines de ces petits soldats coule encore le sang de ceux qui ont découvert les mers, qui ont conquis l’Afrique et les Indes ; le sang qui a été versé depuis des siècles, sur le monde entier, le sang de ces petits soldats dont l’empereur Napoléon disait – si tous mes soldats étaient comme ceux-ci, je conquerrais le monde entier.

Vous direz, Monsieur le Maréchal, que les 7.500 hommes n’ont pas été tous tués mais quelques-uns faits prisonniers. Je vous répondrai avec les paroles que vous attribuez à votre empereur «c’est celui qui a résisté le plus vaillamment qui est souvent frappé par le sort le plus dur, la captivité» (rapport de la bataille de Soissons-Reims).

Si vous aviez vu nos petits soldats au combat, vous les auriez aimés, en Général, les auriez admirés, en ennemi.

C’est encore dans vos mémoires que je trouve la défense de la 2ème division portugaise, en parlant de votre attaque subie le 3 juillet 1866 «Mon peloton avait perdu la moitié de son effectif, preuve qu’il avait fait tout son devoir».

Que la lutte et l’action de la division portugaise ont été glorieuses, prouve ce que vous dites au sujet de l’armée austro-hongroise sur le ‘front de l’Isonzo’ «cette lutte épuisait terriblement les forces de l’armée austro-hongroise, car elle se battait dans les conditions les plus pénibles contre des forces plusieurs fois supérieures; ainsi cette lutte est-elle digne de la plus grande gloire».

Et, pour faire remarquer les difficultés de cette journée-là, je ne ferai que transcrire de vos mémoires ce que vous dites au sujet de la journée du 8 août 1918 : «Les chars d’assaut, plus rapides qu’auparavant, avaient surpris certains états-majors de divisions dans leurs abris et avaient détruit les communications téléphoniques avec les troupes combattantes. Il en résulte que les états-majors plus élevés ont perdu toute possibilité de commandement. Les premières lignes ne reçoivent plus d’ordres. La situation est d’autant plus inquiétante, ce jour-là que le brouillard épais empêche de voir ce qui se passe sur le champ de bataille».

La division portugaise a perdu le 9 avril toutes les communications depuis le commencement, et un brouillard épais a empêché l’observation du champ de bataille.

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Monsieur le Maréchal,

Si, en s’agissant de la France, vous dites : «Souvent j’ai vu des officiers et des soldats allemands s’arrêter silencieusement, même en territoire allemand, devant des monuments français, et j’ai éprouvé, comme eux, un profond respect en songeant aux exploits accomplis par nos adversaires et aux sacrifices qu’ils ont subis!» je suis sûr que vous ne refuserez pas la justice due à la 2ème division portugaise. L’armée anglaise et l’armée allemande n’ont pas besoin de l’honneur de la division portugaise pour garder leurs gloires.

Agréez, Monsieur le Maréchal, l’expression de mon plus profond respect.

Nuno Álvaro Brandão Antunes

Capitaine au Groupe de Batteries à cheval

Le Maréchal Hindemburg accuse réception et initie une nouvelle lettre de l’Officier portugais :

Queluz, le 18 février 1924

Monsieur le Maréchal,

En possession de votre honorée du 19 janvier. Je voudrais connaître un autre mot pour vous signifier toute ma reconnaissance mais, aucun ne m’a paru plus significatif que cette simple exclamation : merci.

Mais, les paroles ont la signification que le sentiment leur emprunte et je mets dans ce simple mot tout mon cœur de portugais et de soldat.

Quand j’ai lu votre livre, j’ai, tout de suite, éprouvé un vif désir de vous écrire. J’ai hésité, après les premiers moments, car j’ai pensé à la distance qui nous séparait, mais j’ai pensé que, tout en aimant votre Patrie, tel qu’on le sent en lisant vos mémoires, et tout en étant un vieux soldat tel que vous l’êtes, ma démarche trouverait un éco dans votre cœur et ma hardiesse serait pardonnée car vous les comprendriez.

Nous nous sommes combattus hier : nous avons fait tout notre possible pour anéantir tous les plans formés d’un côté et de l’autre ; nous avons risqué nos vies, que nous aurions joyeusement sacrifiées, pour glorifier nos Patries ; mais, il n’y avait aucune raison pour nous empêcher d’être justes envers ceux qui avaient été nos respectifs adversaires. Et, ce fût cette pensée qui m’a donné le courage pour faire la démarche essayée près de vous.

Je vous remercie des bonnes paroles que vous m’adressez en parlant de la façon dont j’ai défendu l’honneur de l’armée de ma Patrie. Ce sont bien les paroles d’un vieux grand soldat et, je vous assure que ce fut comme soldat qui fait de son métier une profession d’honneur et de l’amour de la Patrie une religion, que je les ai reçues dans mon cœur.

Encore une fois je vous dis : merci de tout mon cœur.

Acceptez, Monsieur le Maréchal, l’expression de ma plus profonde reconnaissance.

Nuno Antunes Cap.

Notes:

(1) Livre du Capitaine Nuno Antunes publié en 1924, lisible en format digital à ‘Hemeroteca Municipal de Lisboa’ : “Portugal na grande guerra – O 9 de abril de 1918 e o Marechal Hindemburgo”

(2) Laventie

(3) Richebourg

(4) Lestrem

(5) Beuvry-les-Béthune

(6) Vieille-Chapelle

(7) Aid post Fleurbaix

(8) Laventie

(9) Givenchy-les-la-Bassée

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