Félicia Pailleux Assunção, porte-drapeau du Corps Expéditionnaire Portugais

Félicia Pailleux Assunção, 91 ans, est le porte-drapeau du Corps Expéditionnaire Portugais dans le nord de la France, depuis qu’elle a reçu en 1975 ce fier héritage de son père João Assunção, soldat portugais venu se battre sur le sol français. Aujourd’hui, toute une famille, sa fille, sa petite-fille et ses arrières petits-fils sont des passeurs de mémoire. Un portrait sera présenté dans l’exposition Racines.

 

Pouvez-vous nous parler de vous, en quelques mots?

Je m’appelle Félicia, je suis née en 1926, j’ai donc 91 belles années passées ici. Mon papa était portugais, arrivé en 1917 avec les troupes de la jeune République portugaise pour participer à la grande Bataille de la Lys à venir autour de Richebourg en avril 1918. Je ne vais pas vous raconter leurs conditions de voyage, de vie, de survie plutôt. J’ai envie de vous raconter sa vie, la nôtre, après la guerre.

Avec ma maman, ils se sont mariés en 1920, à sept heures du matin en mairie et automatiquement, maman est devenue portugaise… Leurs quatre premiers enfants aussi. C’est sans doute à partir de ce moment qu’on a commencé à vivre dans cette «portugritude». À l’école, on était des «sales portugais», jamais notre père ne nous en a parlé…

Il voulait devenir commerçant de cycles, parce que le métier de mineur qu’il avait pris après la guerre n’était pas vraiment le sien, mais le commerce était réservé aux «français» et non aux étrangers…

 

Vous avez un souvenir, une image que vous pouvez nous raconter?

Je me souviens des commémorations de la Bataille de la Lys du 9 avril. Papa faisait plein de voyages avec son side-car pour emmener ses enfants au Cimetière portugais de Richebourg.

Je me souviens des tenues, des uniformes, des émotions, des drapeaux qui flottaient au vent du nord. À propos de drapeau, je vais vous raconter une belle histoire.

Mon père avait demandé à Lisboa vu mon père le sortir fièrement, pour porter le souvenir de ces mois terribles du printemps 1918. Et plus tard, bien plus tard, c’est moi qui ai pris la «relève». J’étais la première femme porte-drapeau officielle!

Le drapeau s’est usé, battu par les vents froids. J’ai donc décidé de le rendre au Portugal, au Musée de l’Armée, à Lisboa. Ils m’en avaient promis un autre, plus neuf, plus léger, pour poursuivre le travail de mémoire, ici. Mais quand je suis allée rendre ce morceau d’histoire au Portugal, j’ai été accueillie à l’aéroport comme l’Ambassadrice de France. «C’est Madame Félicia» ai-je entendu. Et j’ai vu le drapeau d’origine, celui de mon père, au Musée des Armées…

Fière, émue comme si enfin, le pays reconnaissait fièrement le sacrifice de ces jeunes appelés en 1917. Je sais que mon père aurait pleuré, comme je l’ai fait…

J’ai deux pays, mais je m’appelle Félicia, et du sang portugais coule en moi comme dans les veines de mes enfants et petits-enfants et dans ce petit village de Burbure, j’ai enfin réconcilié les deux histoires…

 

Extrait du Magazine BB, Nos coins préférés, disponible à l’Office de tourisme de Béthune-Bruay

 

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