Grande Guerre: Dans la marmite des poilus

Le 9 avril 2018, le Portugal commémorera avec la France le 100ème anniversaire de la Bataille de la Lys dans la région des Hauts-de-France. Les communes de Richebourg et de La Couture seront sous les projecteurs du Centenaire. Autour des commémorations, une série d’évènements «Les Portugais dans la Grande Guerre», est organisée du 7 avril au 6 mai.

Tout au long du mois de mars, LusoJornal donne la parole à Aurore Rouffelaers, en charge des commémorations au sein du Comité France-Portugal Hauts-de-France, pour une série de chroniques sur la Grande Guerre.

 

La vie quotidienne du soldat de tranchée est un des aspects les moins connus de l’histoire de la Grande Guerre. L’imaginaire collectif imagine le soldat aux aguets, tonique et vaillant prêt à en découdre avec l’ennemi. La réalité est bien moins belle.

Les pieds dans la boue, le corps dans un monde infernal; les journées sont plus ou moins les mêmes: attente, entretient des tranchées, lecture ou rédaction du courrier, cigarettes, combats, repas. Sur ce point, il y a beaucoup à dire. Manger est, ici, plus une question de survie que de gastronomie.

Dans la musette d’un soldat on trouve: 500 gr de pain de guerre, 300 à 500 gr de viande, des pâtes, du riz ou quelques pommes de terre. En complément, le soldat transporte son matériel de cuisine en métal. Dans les tranchées, la nourriture est prise en charge par des cuisiniers aux armées. Ils ont bien souvent mauvaise réputation.

Selon Henri Barbusse, le soldat le plus sale est toujours le cuistot. Préparés en troisième ligne, la pitance du soldat est acheminée sur parfois plus de trois kilomètre. Lorsqu’elle parvient en première ligne elle est par conséquent froide. La qualité de la nourriture influence beaucoup le moral des troupes, d’autant plus que les repas sont souvent pris dans des conditions de grande insalubrité. Il n’y a en effet pas d’eau courante pour la vaisselle. Il n’est pas rare que les soldats souffrent de dysenteries ou d’autres maladies intestinales.

«Il remplit sa gamelle, grasse encore du rata précédent, des haricots sont restés collés au fond» Raymond Dorgelès, les croix de bois 1919.

Que mange le soldat? Il est à noter qu’en ce début de 20ème siècle, les soldats, principalement issus du monde rural, sont pratiquement végétariens. Dans le but de leur donner des «forces» les armées augmentent volontairement les rations de viande. Des troupeaux entiers sont expédiés au front et garantissent ainsi la fraicheur de la viande. Les cuisiniers se chargent ensuite de transformer la viande fraîche en une préparation douteuse. Le camembert de Normandie gagne aussi en notoriété. Il est distribué aux soldats au même titre que le vin.

Côté allemand, la ration n’est guère meilleure, l’acheminement souffre des pénuries et du blocus. A l’occasion des fraternisations, des soldats alliés racontent que les allemands demandent du pain car il est bien meilleur que leur pain noir.

Dans les périodes de difficulté d’acheminement de la nourriture, les soldats consomment les fruits de leurs cueillettes et des collets posés à l’arrière des lignes. Certains partent même à la pêche. L’ordinaire du soldat est aussi complété par les colis envoyés par les familles. Chaque colis est une fête, les charcuteries maison et les produits du terroir font le régal des compagnons d’armes.

Dans les rangs de l’armée britannique, les conserves de viande ont meilleure presse avec le fameux corned-beef. La boîte de singe est dans tous les paquetages. De trop rares régiments ont aussi la chance d’avoir un cuisinier indien et dans ce cas, l’air de la campagne française se teinte d’odeurs bien exotiques.

Lorsque le Portugal entre dans la guerre, il est l’allié de la Grande-Bretagne. Les britanniques s’occupent donc des aspects logistiques et culinaires du CEP. Et là, apparaît un problème de taille. Les soldats portugais, transit de froid dans les tranchées boueuses d’un pays qui n’est pas le leur, doivent consommer une nourriture de mauvaise qualité et bien loin des habitudes culinaires. Il faut agir! Aussi il est très vite décidé d’adapter les menus, d’y inclure plus de poisson et de riz que de viande et de pommes de terre. Des cuisiniers portugais sont nommés et priés de faire avec les moyens du bord.

Le repas est complété par des rations quotidiennes d’alcool. En fonction des nationalités, les pratiques peuvent changer mais les soldats consomment majoritairement du vin. La ration quotidienne passe de ¼ de litre en 1914 à ¾ de litre en 1918. La consommation d’alcool est un excellent remède contre la peur et l’insomnie. A la veille et au matin des grandes offensives, les soldats reçoivent en plus, des rations de rhum. Au retour des champs de bataille, bon nombre de soldats traumatisés développent une addiction à l’alcool.

 

Pour terminer, je ne résiste pas au plaisir de vous livrer une recette, peut-être vous sera-t-elle utile pour les déjeuner de fin de semaine?

Le rata du poilu

Désosser le bœuf et le diviser en morceaux (compter 300 à 500 gr par personne). Faire chauffer dans une gamelle une grande quantité de saindoux, puis y jeter le bœuf, quelques légumes et parfois des oignons. Faire revenir le tout pendant 15 minutes. Saupoudrer de farine et laisser rissoler encore 5 minutes. Ajouter ½ litre de vin rouge, ½ d’eau, du sel et des condiments. Servez.

Remarque: avec la sauce peut être consommée avec du pain à l’occasion d’un autre repas.

 

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