I Guerre Mondiale: João Augusto Ferreira de Almeida, le seul fusillé portugais du XXème siècle

LusoJornal, dans son édition papier du 19 avril 2017 titrait: «Un cas unique de la participation portugaise à la 1ère Guerre Mondiale: Réhabilitons João Augusto Ferreira de Almeida». Depuis l’histoire a évolué.

João Augusto Ferreira de Almeida, le nom ne vous dit rien. Il restera, malgré lui, inscrit dans l’«histoire» de la participation portugaise dans la première Guerre Mondiale.

João Almeida est né à Sordelo de Ouro, Bairro Ocidental, à Porto, et est mort, de mort que nous ne dirons pas naturelle, à l’âge de 23 ans. Il a été fusillé le 16 septembre 1917, à 7h45 minutes à Pincantin, près de la route de Bacquerot dans le Pas de Calais.

Il sera enterré dans un premier temps au cimetière de Laventie, tombe n°18, avant de rejoindre, comme bien d’autres restes mortels (1830), l’unique Cimentière Militaire Portugais à l’étranger, le cimetière de Richebourg, où il occupe la tombe 19 du rang 6 de la partie B.

Afonso Maia, un Portugais qui a fait beaucoup de recherches sur le CEP, a voulu réhabiliter à sa manière João Almeida, en plantant devant sa tombe un arbuste, qui a bien grandi depuis.

L’histoire du Portugal retiendra de lui deux choses.

La première: João Almeida a été le seul soldat portugais fusillé pendant la première Guerre Mondiale. Quel crime lui a-t-on reproché? Crime de trahison à la Patrie.

La deuxième raison: João Almeida a été le dernier prisonnier à avoir été commandé à la peine capitale et le seul condamné à mort par le Portugal durant le XX siècle.

Victor Hugo dans un courrier envoyé au quotient portugais «Correio da Manhã» félicitait le Portugal comme étant un des premiers pays au Monde à abolir la peine de mort en 1867. Elle sera rétablie, malheureusement pour João Almeida, par décret n° 2867 du 30 novembre 1916 par le code de Justice Militaire. Ce décret ne pouvant s’appliquer qu’en cas de guerre avec d’autres pays et seulement dans le lieu du conflit et par fusillement.

Des fusillés pendant la première Guerre Mondiale il y en a eu bien d’autres chez les différents belligérants. Le cas de João Augusto Ferreira de Almeida fut utilisé par le CEP comme un «exemple».

Les troupes allemandes ont eu pendant le conflit 48 fusillés, les italiens 750, pour la France rien que pendant les 5 derniers mois de 1914, on a comptabilisé 199 fusillés et en 1915 ont été comptabilisés 296, 306 anglais, 25 canadiens, 11 américains et 5 soldats de la Nouvelle Zélande.

Pour la France, un des fusillés les plus connus, est Théophile Maupas. Il a refusé d’envoyer ses troupes à la bataille suicide de la Marne.

L’acte de Justice Militaire de João Almeida a été accomplit par des membres de son ex-Bataillon, le Bataillon 14, avant de rejoindre l’unité mobile: 4 soldats, 4 caporaux et 4 sergents, sous les ordres du Major Horácio Severo Ferreira, Commandant du 14ème Bataillon et responsable de l’exécution.

L’aventure de la Guerre pour João Almeida n’a pas duré plus de 6 mois. Il a embarqué vers la France le 16 mars 1917, laissant derrière lui son travail chez un Allemand qui vivait dans la région de la Foz. Ce détail aura son importance. Il était fils de João Ferreira Almeida et Angelina Augusta, tous deux déjà décédés au moment de l’embarquement. Il débarquera à Brest le 21 mars.

Le 22 juillet 1917, João Almeida est condamné à une peine correctionnelle de 60 jours et est intégré au Bataillon 23 pour accomplir cette peine. Peine infligée au chauffeur numéro 502, d’avoir déserté pendant 24 heures, entre le 8 et le 9 juillet, sa section mobile, qui était responsable du transport de l’eau aux troupes du CEP.

Il restera sept longues semaines dans les lignes avant des tranchés. C’est là qu’il exprime auprès de ses camarades sa volonté de passer chez l’ennemi. Il montrera même deux cartes avec la localisation stratégique des troupes portugaises. Un camarade essayera de le dissuader.

Le 30 juillet, le soldat du Bataillon de l’Infanterie 23, António Reis, est appelé par le Capitaine Mousinho d’Albuquerque, à qui il donnera l’information selon laquelle João Almeida cherchait à savoir quel était le meilleur chemin pour rejoindre les troupes allemandes pour ne pas accomplir les 60 jours de peine qui lui avaient été infligés. Pour arriver à son objectif, il affirmait avoir payé un autre soldat pour l’aider à passer chez l’ennemi.

João Almeida est fait prisonnier et présenté au Tribunal de Guerre par indication du Commandant du CEP, le Général Tamagnini. Neuf témoins sont entendus pendant un jugement très sommaire qui aura lieu le 15 août à Roquetoir.

À charge, on trouve chez João Almeida un pistolet, un chargeur de balles, un couteau, une clef mécanique, une petite carte du Pas de Calais et deux cartes topographiques de la région à l’échelle 1:1.000. On l’accuse donc de prétendre donner à l’ennemi des informations sur la position militaire portugaise.

Il sera exécuté le 16 septembre 1917, exactement 6 mois après son embarquement du port de Lisboa.

Les responsables portugais craignant des débordements de ses troupes, ont mis en prévention à Laventie, un nombre important de soldats au moment de fusiller le pauvre João Almeida.

Il est dit, qu’au moment de l’exécution: «il régnait une atmosphère de pitié, chez les témoins, et que João n’était pas plus vu comme un traître, un ennemi, mais comme un camarade que la loi, inexorable et inflexible, punissait avec la peine de mort. Des larmes tombèrent… Le prêtre aidera et soutiendra João Almeida».

Le prisonnier demandera au prêtre de transmettre «saudades» à ses familiers encore vivants. Avant d’être fusillé, João Almeida fera attendre un dernier cri. Il demandera pour qu’on ne tire pas à sa figure, évitant ainsi d’être défiguré. Des 12 armes pointées vers lui, une ne tirera pas.

L’exécution n’a pas fait l’unanimité au sein des troupes et commandants portugais de la 1ère Guerre Mondiale. La thèse selon laquelle João Almeida a été exécuté sous la pression du Haut Commandement Anglais a été soutenue notamment par le Capitaine Raul Roque.

João Almeida aura servi d’exemple aux troupes portugaises. Car malgré la brévité de notre participation à la guerre, nombreux ont été les révoltes, les désertions vers l’arrière et les homicides, sans que condamnation s’ensuive.

Comme dans bien d’autres pays, le Portugal, lui aussi, réhabilitera quelques-uns de ses soldats. Le Portugal le fera début des années 1930. João Almeida n’en fait pas partie.

Pour la Liga dos Combatentes, le soldat João Augusto Ferreira de Almeida a des circonstances atténuantes, pour que demande soit faite de l’amnistier un siècle après son exécution: il n’a pas eu un jugement équitable, il avait des antécédents familiaux, son père a été considéré faible d’esprit et le fait que le condamné ait travaillé pour un allemand au Portugal minoré dans son esprit d’ennemi.

Le Président de la Liga dos Combatantes du Portugal, Chito Rodrigues, entame des démarches en 2014 pour que l’honneur de João Almeida soit réhabilité.

Une chose est sûre, par inadvertance au pas, son honneur, dirions-nous, a été partiellement rétablie, puisque João Almeida, figure parmi les 2.266 noms de soldats portugais inscrits dans l’Anneau de la Mémoire qui on laissé leur vie dans le conflit de la Première Guerre Mondiale.

À deux jours près, le 16 septembre 2017, du centenaire de l’exécution de la condamnation, le Conseil des Ministres Portugais approuve une délibération qui a été proposée au Président de la République portugaise demandant la réhabilitation de João Augusto Ferreira de Almeida.

Le Ministère de la Défense Portugais dira: «Réhabiliter João Augusto Ferreira de Almeida, c’est réhabiliter la mémoire d’un soldat condamné à une peine contraire aux Droits Humains et aux valeurs consolidées de la société portugaise».

 

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