Jean-Marc Becquignon Baltazar: Un franco-portugais dans l’Armée française

L’histoire que nous allons vous raconter serait presque sujet pour un livre. C’est l’histoire de Jean-Marc Becquignon Baltazar, âgé de 42 ans. C’est l’histoire d’un homme partagé entre deux pays, ayant choisi de servir, de défendre, la France.

Les origines portugaises lui viennent du coté de sa maman, d’une famille d’Alter do Chão, ville située dans l’Alentejo, région la plus chaude du Portugal. C’est dans cette ville que vous pouvez visiter le Haras du cheval Lusitanien. Son père est originaire de St. Jean Froidmentel, dans le département auquel Michel Delpech a dédié une belle chanson: le Loir et Cher.

Jean-Marc Becquignon Baltazar, fier de ses deux origines, nous raconte que sa mère est arrivée en 1968, à Tours. Son premier métier elle l’a exercé en tant que femme de ménage dans un hôtel de luxe, puis couturière, elle a servi Marie Christine Barreau. Ça nous fait rappeler le début d’une chanteuse, qui a popularisé «la valise en carton», Linda de Suza. Cette dernière finira par chanter, la maman de Jean-Marc deviendra fonctionnaire de Préfecture. Une vie riche, avec une belle évolution de carrière.

La maman aura un fils d’un premier mariage. Son premier mari a été porté disparu pendant la Guerre coloniale, en Angola. Bien des années après, Abílio Manuel Baltazar découvrira que son père, en fin de compte était toujours en vie. Voilà, parfois, une des conséquences des guerres.

Le père de Jean-Marc, fraiseur de profession, a également eu un enfant d’un premier mariage, qui a travaillé en tant qu’ingénieur chez Dassault. Deux demi-frères qui, sans nul doute, auront une influence sur l’avenir professionnel du jeune Jean-Marc.

 

Les blessures familiales

Des blessures physiques, mais aussi familiales, jalonneront la vie de Jean-Marc Becquignon Baltazar, de telle sorte qu’il finira par se sentir bien plus proche de sa famille portugaise. C’est de ce côté qu’il reconnaîtra qu’il rencontrera les valeurs de la vie, le sentiment de partage, l’esprit de famille.

Cet esprit de famille, il le retrouvera dans son oncle, Francisco Manuel Baltazar Flores, son héros. Il a participé, le 25 avril 1974, à la Révolution des œillets.

L’oncle, grand sportif, a fait ses études à la Sorbonne. Poète, avec quelques publications, il fera sa carrière en tant que militaire dans la Marine portugaise. Il apprendra à nager à Jean-Marc et à son frère.

Un des drames de la famille arrivera le 10 octobre 1989. L’oncle Francisco Manuel, protecteur des autres, des personnes âgées, sera assassiné à l’église St Eustache, à Paris. Tout en poursuivant ses études à la Sorbonne, il était sacristain à Saint Eustache. Les circonstances de l’assassinat sont restées sécrètes. Ni la France ni le Portugal n’ont donné d’explications à la famille.

Tous ces événements vont avoir une influence capitale sur la vie de Jean-Marc Baltazar. Il dira sur l’assassinat de son oncle que «ce drame a détruit ma jeunesse. Je n’avais plus goût à rien. J’en voulais à la terre entière. J’ai décidé de m’engager dans l’Armée pour ressembler à mon oncle, héros de la Révolution des œillets. Je me suis engagé dans le Service national a l’âge de 16 ans et demi, en avril 1994, dans le 1er Régiment de Hussards Parachutistes, à Tarbes».

 

Un parcours dans l’Armée française

Divers personnages de l’Armée, le Lieutenant Roy, son parrain Gauthier et son guide, le Brigadier-chef Beghin, seront pour lui des exemples, le formeront et l’aideront à tenir bon. Les difficultés de la formation conduisent à ce que beaucoup de jeunes abandonnent, désertent.

En 1996, Jean-Marc Becquignon Baltazar rejoint les 6/12 régiments de Cuirassiers à Olivet, étant affecté aux 1/12 premier escadron professionnel du régiment. C’est là qu’il fera ses spécialités et montera progressivement de grade: spécialité tireur canon de 20, puis tireur d’élite FRF2, MAC MILAN et ensuite chef de groupe.

Emu, Jean-Marc Becquignon Baltazar nous dit que «c’est avec le Capitaine Porret que ma carrière marquera un tournant, je passe en équipage sur char Leclerc. J’ai fait la réception du char Leclerc avec tout l’escadron en 1998, à Carpiagne, centre instruction d’armée blindée dans la cavalerie». Il passe toutes les formations: du poste pilote, opérateur de tourelle, jusqu’à celui de chef de char.

L’obtention du concours technique de 2ème degré est le deuxième grand tournant de sa carrière. Il sera reçu Brigadier de 1ère classe en avril 2003 et est nommé à Carpiagne moniteur instructeur du char Leclerc.

À la suite de la dissolution de ce Régiment, la nouvelle mutation le conduit au 1er Régiment de Chasseurs d’Afrique, à Canjuers, régiment d’élite de l’Armée de terre.

De poste en poste, de Régiment en Régiment, il arrive au Régiment d’Infanterie Char de Marine à Poitiers, Régiment le plus décoré de l’Armée française. C’est avec une certaine fierté qu’il parle de ce Régiment qui a été décoré par le Président Bernardino Machado pour son rôle dans la reprise du fort Douaumont pendant la Bataille de Verdun. Bernardino Machado a décoré ce régiment de la plus haute distinction portugaise, la «Ordem militar da torre e espada».

 

5 Participations au défilé du 14 Juillet

Jean-Marc Becquignon Baltazar a volontairement arrêté sa carrière militaire le 1 août 2015. Le désir de refaire une famille, de se poser, de ne pas aller jusqu’au sentiment de ne pas avoir peur, ce qui peut conduire au drame.

L’homme est à la fois bavard, fier et de contact facile. Il a été à plusieurs fois blessé, a été nommé au sein des Actions spéciales et a reçu pour quelques-uns de ses exploits, des décorations de la France, de l’Armée française. Il a été en mission au Tchad, Congo, Côte d’Ivoire, Centre Afrique, dans les Balkans, l’Afghanistan, la Guyane, le Brésil, les Émirats Arabes Unis…

Il a défilé 5 fois, le 14 Juillet, sur les Champs Élysées, et a, pendant le mandat du Président Sarkozy, assisté à la Garden Partie.

Quand on rentre à l’Armée, d’une façon générale, on reste toujours dans la même arme. Chose rare, Jean-Marc Baltazar a réussi à passer de l’Armée Blandée de Cavalerie, à la Troupe de Marine, alors qu’il a fait des dizaines de sauts de parachute.

 

20 Décorations

En juin 2018, il a été décoré pour ses actions dans les Missions Harpie, en Guyane et au Brésil, à la citadelle de Lille, en présence de hauts dignitaires, ainsi que de Bruno Cavaco, Consul Honoraire du Portugal à Lille.

Jean-Marc Becquignon Baltazar a rencontré beaucoup de soldats d’origine portugaise pendant sa carrière. Quelques-uns l’ont commandé. Il a voulu rassembler à l’un d’eux. Celui-ci lui a dit: «pour qu’on puisse reconnaître notre différence, il faut qu’on soit le meilleur». Ses efforts furent reconnus, primés par la Médaille de la Présidence des États Unis d’Amérique sous mandat de Barock Obama.

Comme lui, beaucoup de jeunes d’origine portugaise ont été envoyés pour les Missions Harpies, combat contre des criminels qui dilapident et exploitent hommes et terres à la recherche de l’or, notamment en Guyane et au Brésil. Jean-Marc Baltazar se souvient d’un des chefs de l’orpaillage illégale, il s’appelle Ferreira Manoel Moura, alias Manuelzinho. Accusé du meurtre de 2 militaires à Dorlin, il a été fait prisonnier un mois après, le 27 juillet 2012, à l’âge de 25 ans.

Elles sont nombreuses les décorations: 20 au total. L’une des plus rares étant celle reçue pour son courage et dévouement. Dans le cadre de l’opération Vigipirate, il a empêché qu’une femme soit violée à la Gare du Nord. C’est également dans ces lieux qu’il détecta et neutralisera, avec deux coéquipiers, un homme recherché depuis 15 ans par Interpol.

Pour le sens du dévouement, il a été décoré par son Colonel Labuze. La SNCF lui a envoyé un courrier pour le remercier de son acte en lui concédant 105 euros (!) «pour actes de bravoures».

Il a été blessé à plusieurs reprises, notamment à Djibouti et en Côte d’Ivoire.

 

La sortie de l’Armée

Étant donné qu’il a fait plus de 80 jours de feux pendant sa carrière, il possède la Carte de Combattant, carte bien plus importante que les décorations reçues, maintenant qu’il est dans le civil. L’Association des Combattants est à la fois une aide pour qu’on ne tombe pas dans l’alcool, dans la drogue, maux qui peuvent être la conséquence des traumatismes de la guerre et à la fois une association de défense et conseil.

Jean-Marc Baltazar est amer, car ses blessures, ses maux, ne sont pour l’instant pas reconnus.

Alors qu’il a traversé une barrière avec sa sortie de l’Armée, lui comme d’autres, rencontrent des difficultés pour faire reconnaître les blessures physiques et morales dont ils ont été victimes au service de la Patrie.

A tout jeune qui choisit de faire carrière dans l’Armée, il conseille de viser le grade officier, afin que le jour qu’il revient dans le civil, la reconversion soit plus facile.

On nomme parfois l’Armée comme étant «la grande muette», alors qu’on ne sort, en général, pas de l’Armée sans séquelles physiques voire morales… Elles restent parfois pour longtemps. C’est d’autant plus difficile à supporter ces blessures qu’elles sont rarement reconnues, même si toutefois une évolution de la pensée se fait lentement depuis l’émergence du conflit en Afghanistan.

Pour Jean-Marc Becquignon Baltazar, il y a maintenant l’autre côté de la vie, qui est parfois aussi difficile: retrouver sa place, sa voix dans le civil, se consacrer plus à sa famille. Voilà un beau programme.

L’Armée, pour Jean-Marc Baltazar, s’est apparentée à une fuite, une nécessité de servir un pays… une nécessité de reconnaissance, après 22 ans de beaux et loyaux services.