La participation portugaise à la I Guerre mondiale dans les journaux français de l’époque

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Par la lecture de journaux anciens en langue française, nous avons réuni un ensemble d’articles ou extraits que nous transcrivons sans beaucoup de commentaires de notre part. Ce qui suit peut-être lu à différents niveaux, selon nos convictions, selon la connaissance que nous avons des événements… les dires sont réels, il y a une chronologie… toutefois est-ce une vision réaliste, manipulatrice? A vous d’en juger. N’oublions pas le contexte. On évoque ici la participation portugaise à la I Guerre mondiale.

Le journal Excelsior du 3 mai 1916 écrivait: «La saisie des navires allemands en Portugal: les journaux de Lisbonne arrivés à Paris nous apportent des détails sur la saisie des navires allemands dans les eaux portugaises. Suivant les instructions des autorités de la marine, six remorqueurs, escortés par les destroyers Douro et Guadiana, transportèrent des marins à bord des navires mouillés dans le Taje; les capitaines reçurent notification de la saisie (certains protestèrent par écrit); le drapeau allemand fut amené et le pavillon portugais hissé à la place, cependant que le croiseur Vasco da Gama le saluait de ses canons. Le décret de saisie porte que l’usage de ces bâtiments fera l’objet de paiement semestriels, dont le montant sera versé à la Caisse des Dépôts; les sommes dues seront fixées par une commission de fonctionnaires, d’armateurs et d’assurances, dont les décisions pourront faire l’objet d’appel devant le Ministre de la Marine. Sur un des vaisseaux allemands saisis à Ponta Delgada (Açores) six soldats, de garde, ont été empoisonnés le 1er mars à la suite d’absorption du contenu d’une bouteille portant étiquette rhum…».

Le nouvel Etat portugais gouverné par des Républicains, dès 1914 manifeste le désir de défendre certaines valeurs en participant à la I Guerre mondiale, toutefois, pour diverses raisons, dont certaines venues de notre allié britannique, on ne peut considérer l’entrée en guerre du Portugal qu’avec le blocage dans les ports portugais des bateaux allemand. Se suivront les entraînements à Tancos du futur CEP (Corps Expéditionnaire Portugais), après ce qu’on appellera le ‘Miracle de Tancos’, les premiers soldats arrivent en terre de Flandres en février 1917.

Le journal Le Petit Bleu de Paris du 11 août 1916 titrait: «Nos amis les Portugais» et commençait par: «Il y a deux sortes d’amis, les vrais et… les autres. C’est dans les temps difficiles que la démarcation entre les uns et les autres se fait brutalement et qu’on démêle les sympathies profondes des démonstrations de façades. Les Portugais sont parmi les vrais amis de la France. Ce petit peuple, à son tour, s’est montré grand. Le Portugal s’est aussitôt haussé à la hauteur d’une tâche dont ils n’ignorent ni la difficulté ni les périples. C’est encore une fois à des traits que l’on reconnaît les véritables amis. Ils manifestent aujourd’hui solennellement la volonté de se jeter dans la mêlée… les Portugais viennent de montrer qu’ils n’ont pas dégénéré, et qu’ils sont capables de revivre un passé militaire qui fut glorieux, nous devrons aussi, à notre tour ne jamais l’oublier, quand nous aurons, avec eux à nos côtés, cueilli les lauriers qui nous sont promis».

Avant que le Portugal ne rentre en guerre, sur le terrain de batailles, les Allemands mettent la pression sur le Portugal. Les journaux donneront l’information que durant la matinée du 3 décembre 1916 du torpillage de deux bateaux français, le canonnier Surprise et de sous-marin Kanguroo, et un anglais, le Dacia, dans le port du Funchal par des sous-marins allemands.

La Gazette de Biarritz du 5 décembre 1916 écrivait: «Après le torpillage, les sous-marins ont bombardé la ville presque pendant deux heures. Les batteries terrestres ont riposté, aucun mort en ville. Il semble que les hommes de l’équipage du canonnier ont péri y compris le commandent. Quelques Portugais ont péri également qui se trouvaient près des navires torpillés. Le Gouvernement a pris des mésuses».

Aux Échos du 21 décembre 1916 de rappeler: «Nous sommes si occupés de nos ennemis que peut-être que nous ne parlons pas assez de nos amis et de l’action loyale du Portugal depuis le début de la guerre, eut-elle mérité mieux. La France peut attendre beaucoup du Portugal, de même que le Portugal peut attendre beaucoup de la France, or nous avons tout intérêt à attirer à nous des Latins de fusion facile et qui peuvent devenir nôtres sans se dénationaliser».

Participer à la guerre n’était pas unanime au sens de l’intelligentzia portugaise, quoique. Le journal d’Action Française du 13 avril 1917, à la suite d’une manifestation d’exilés conservateurs portugais à Neuilly, transcrivait une partie de leur communiqué qui termine par ses mots: «Ce qui est beau dans l’effort de la France, droit incontestable, la collaboration étroite de toutes les forces à l’œuvre du relèvement national, le Portugal que nous représentons sans mandat officiel est simple, ingénu, croyant, rêveur et foncièrement patriote. La France c’est un peuple qui mérite d’être connu et relevé. Que Dieu protège la France de la Marne et de l’Yser, de Picardie et de Champagne, de Verdun et de la Somme, en agréant vos désirs et vos vœux dont le recueil formera plus tard le plus beau livre de prières qui soit au monde».

Le Portugal envoie des troupes en Flandres et le 14 mai 1917 les journaux français annoncent: «M. Norton de Matos, le nouveau Ministre de la Guerre du Portugal, accompagné de deux officiers d’ordonnance, est arrivé, ce matin, à Paris, par le train de 8h53. Il a été reçu à la gare Quai d’Orsay par M. João Chagas, Ministre du Portugal à Paris, entouré du Personnel de la Délégation portugaise et par le général Dupont, représentant M. Painlevé, Ministre de la Guerre. Notre hôte est descendu à l’hôtel Meurice, en attendant son départ pour le front de bataille, où il va visiter les contingents portugais».

Le 26 mai 1917, Les Échos de la Montagne informent sur l’aide portugaise: «Le Corps Expéditionnaire Portugais, qui a complété son entraînement intensif et qui va bientôt combattre en France, a été passé en revue samedi dernier. Les hommes qui ont belle allure et les officiers anglais qui ont participé à leur entraînement en France parlent d’eux en termes très élogieux. L’organisation de cet appoint de combattants sur front occidental est remarquable. Tous les services, combattants et autres sont au point».

Les journaux français évoquent ici et là, la participation portugaise en Flandres à l’exemple de La Dépêche du 24 juin 1917: «Un fait d’armes des Portugais. Londres, 23 juin, soir (officiel). Au cours d’engagements de patrouilles, la nuit dernière, au sud d’Armentières, les Portugais ont tué ou capturé la totalité d’une patrouille allemande. Aucun autre événement à signaler, en dehors de l’activité des deux artilleries en un certain nombre de points du front».

Le Petit Bleu de Paris du 13 octobre 1917, jour de la dernière apparition de la Vierge aux trois berger à Fátima, titrait: «MM. Machado et Poincaré sur le front Portugais: Au début de matinée, une entrevue avait été ménagée au Chef d’État portugais avec le Général Pétain. M. Ribot a également tenu à venir saluer M. Machado. Le Ministre des Affaires Étrangères a pu ainsi rencontrer M. Afonso Costa, Président du Conseil et M. Soares, Ministre des Affaires Étrangères avec lesquels il s’est longuement entretenu. Après une revue qui a eu lieu sur la place de Nesles, les deux Chefs d’État se sont rendus au Quartier Général du Corps Expéditionnaire Portugais. M. Poincaré a vivement félicité le Général Tamagnini de la belle tenue de ses soldats dont un certain nombre étaient descendus des tranchées depuis quelques heures à peine».

Les informations dans le Petit Marseillais du 31 janvier 1918 doivent-elles être comprises comme annonciatrices d’autres événements: «Les Portugais sur le front: 30 janvier. Au cours de la semaine écoulée, l’activité d’artillerie a beaucoup augmenté, pertes légères».

Le 13 mars 1918, le journal Le Temps transcrit: «Félicitations aux troupes portugaises: le feld-maréchal sir Douglas Haig a envoyé, le 9 mars, le télégramme suivant au Général commandant le Corps Expéditionnaire Portugais: veuillez accepter mes chaleureuses félicitations à l’occasion du coup de main exécuté ce matin par les troupes portugaises au sud de Neuve-Chapelle et qui a été couronné du plus beau succès».

Le 20 mars après-midi, les journaux annoncent sur le front britannique que «des coups de main tentés par l’ennemi, la nuit dernière, vers Fauquisart, ont été aisément repoussés par les Portugais».

Le 9 avril 1918, début de ce que l’histoire retiendra comme étant la Bataille de La Lys.

Le Petit Marseillais, dès le 14 avril 1919 titrait: «L’héroïsme des portugais, Paris 13 avril. Il est de haute justice, dans la relation des terribles combats qui se poursuivent depuis plusieurs jours, d’ouvrir une mention spéciale à l’action de ces braves régiments portugais si vaillamment engagés à côté des forces anglaises et défendant nos lignes du Nord. L’éminent correspondant de guerre du Daily Mail, M. Hamilton nous fait le tableau suivant de cette splendide coopération: sur leur ligne de front, les Portugais résistent avec vigueur, quoique ce fût la première fois qu’ils se trouvaient sérieusement engagés. Le mortel barrage préliminaire de leurs tranchées avait un caractère de violence qui n’avait jamais été dépassé, d’après l’opinion des officiers britanniques qui se trouvaient dans leurs rangs, lesquels officiers venaient des terribles combats du front de la Somme. Ce n’est qu’après deux heures d’efforts inouïs que l’ennemi pût les chasser de leur première ligne. Le combat s’engagea ensuite, plus acharné encore, sur une seconde ligne, tandis que faisaient rage les feux de barrage des Allemands. Enfin les Portugais durent abandonner cette ligne, mais non sans avoir fait chèrement payer son avance à l’assaillant. Ils se portèrent alors sur une troisième ligne de défense qu’ils tinrent durant plusieurs heures. Ils envoyèrent leurs fourgons à l’arrière pour rapporter de nouvelles munitions, ayant épuisé leur premier approvisionnement. En un moment donné, les forces allemandes avaient couronné toutes leurs lignes de tranchées. Malgré cela, leur commandement ne voulut entendre aucun conseil de retrait. ‘Nous devons rester ici, répondit-il, selon les ordres qui nous ont été données, et nous resterons jusqu’au bout!’. C’est ce qu’ils firent héroïquement. Quand vers le soir, des renforts anglais purent arriver pour dégager ces braves, on ne trouva que quelques rares survivants».

Dès le 11 avril, le journal Le Times écrivait: «Ainsi s’acheva après 20 heures de résistance de feux, le reste du bataillon que défendait Lacouture, se sont défendu avec une valeur extraordinaire».

L’Excelsior du 13 avril 1918 racontait en page 5 l’incroyable aventure du prisonnier portugais Valentin Torres. Vérification faite, Valentin Torres fût un des rares Espagnols faits prisonniers, l’Espagne ne participant pas à la première guerre mondiale.

Des 7.800 Portugais faits prisonniers, la plupart sont envoyés en Allemagne. La guerre continue. Le 11 novembre 1918 l’Armistice est signé.

La plupart des soldats portugais rentrent au pays en 1919 dans une presque indifférence complète. Peu de dividendes pour le Portugal du Traité de Versailles.

Le professeur de l’université de Coimbra, Oliveira Salazar est appelé à la rescousse, il descend à la capitale, Lisboa, et prend les règnes du pouvoir au Portugal pour bien trop longtemps. Le régime honore et/ou crée une légende: le soldat Milhões.

Pendant la dictature et même dans les premières décennies de liberté, on ne parle pas – ou à peine – des soldats portugais venus en Flandres.

Les soldats rentrés au pays ne parlent pas de leur guerre en Flandres, ceux restés en France et les générations qui suivent ne veulent et ne les inscrivent pas dans l’histoire.

LusoJornal et bien d’autres n’ont jamais autant parlé que ces dernières années du CEP et de ce qui suivra… les langues se délient chez les descendants. Un besoin. Mais beaucoup reste à découvrir, à évoquer, à ne pas oublier.

 

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