Le sort des prisonniers de guerre portugais de la I Guerre mondiale

Une liste de Berlin, datée du 25 mai 1918, dit que les prisonniers portugais pris le 9 avril 1918 lors de la Bataille de La Lys, dans les communes du Pas-de-Calais et du Nord (*), sont arrivés aux camps allemands de Münster II, Stendal, Friedrichsfeld, Parchim et Eutin. Quelles sont les autres nouvelles communiquées par l’Agence internationale, en Suisse, des prisonniers de guerre ? Des problèmes majeurs, la faim et le courrier, liés aux difficultés d’acheminement.

Les Officiers faits prisonniers ce même jour du 9 avril, sont arrivés, d’après une liste du 29 mai, aux camps de Minden, Carlsruhe, Strasbourg, Münster III et Cassel. Des écrits sont proposés ici, concernant le sort des prisonniers portugais de la I Guerre mondiale.

Il est connu, aujourd’hui, que certains sont morts et enterrés en France dans les cimetières allemands, soldats identifiés ou non. La plupart avaient été envoyés dans des camps en Allemagne, où le sort des Officiers portugais était dit «meilleur».

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Nouvelles de l’Agence internationale des prisonniers de guerre

Dès 1917, la propagande allemande diffuse des photos de prisonniers faits au front des Flandres (lire ICI). Au Comité International de la Croix-Rouge de Genève, des statistiques concernant les camps allemands sont données par l’Agence internationale des prisonniers de guerre (BnF Gallica).

Une liste, de septembre 1917, dit qu’un Lieutenant est pris à Neuve-Chapelle le 14 août et conduit du camp allemand de Dülmen, au camp de Carlsruhe. Trois soldats pris le 2 juillet, le 14 et le 16 août, sont arrivés au camp de Langensalza. Deux soldats du 9ème d’infanterie, pris le 2 septembre près de Lille, sont déplacés à Dülmen.

Une liste, d’octobre 1917, dit que des prisonniers de La Bassée faits le 14 août, appartenant au 35ème d’infanterie, vont au camp de Limburg. Deux soldats du 12ème RI, pris le 8 septembre à Vieille-Chapelle, sont évacués de Lille sur Dülmen.

Des vues de camps de prisonniers sont éditées en cartes postales par le Comité International de la Croix-Rouge et mises en vente à un prix minime, pour fournir aux familles les renseignements qu’elles sollicitent concernant les conditions de logement, la vie quotidienne, etc.

A propos de la nourriture, une circulaire officielle du 26 avril 1918 établit les rations des internés, constituées essentiellement de pain et de pommes de terre. Un très minime supplément de viande, de graisse, de légumes, de café, de savon… vient agrémenter le maigre colis des prisonniers.

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Dès le mois d’avril 1918, des soldats portugais sont décédés à Hambourg, Seclin et Leuze, selon une liste du 2 juin. L’essentiel des prisonniers a été fait à partir du 9 avril 1918, date du début de la Bataille de La Lys. Les listes de prisonniers diffusent l’information que, les morts dans les camps le sont souvent de pneumonie.

Trois listes de prisonniers de mai 1918 disent que des soldats pris en mars à Chapigny, La Bassée, Laventie, Vieille-Chapelle, sont internés à Dülmen, les Officiers le sont à Heidelberg. Des soldats pris le 9 avril à Laventie, La Bassée, Pont-du-Hem, Vieille-Chapelle, Neuve-Chapelle, Le Touret, La Couture, Richebourg, sont internés également à Dülmen, Mersebourg, Güstrow et Münster.

En juillet 1918, Paul du Roveray, membre du Comité central de la Croix-Rouge portugaise, est à Genève pour étudier la question de l’envoi de secours collectifs et de colis individuels aux prisonniers.

A la même période, après un passage du Ministre du Portugal à Berne, l’Agence des prisonniers avait prié le Ministère de la guerre, à Berlin, d’envoyer la liste des camps d’internement des Portugais. Dans les camps les plus importants, seraient formés des Comités de secours portugais pour la distribution des colis. Ailleurs, cette mission incomberait à des hommes de confiance.

Le 25 octobre 1918, le Commandant J.S. Pestana de Vasconcelos, délégué du Gouvernement portugais pour le service des prisonniers de guerre, accompagné du Comte de Penha Garcia (José Capelo Franco Frazão, homme politique portugais), a été reçu par le Comité international et a visité les différents services de l’Agence.

Le 2 novembre 1918, des explications sont données concernant le retard de la correspondance du camp de Breesen. Le courrier est acheminé sur la Hollande qui l’envoie à Londres. Il revient à Lausanne avec un retard de 2 mois, après censures anglaise et française. De même, des cartes du camp de Mersebourg ne sont pas envoyées directement à Lausanne. Les faits sont signalés par le Comité international aux autorités allemandes des camps.

A noter en juin 1918 le signalement que, parmi plusieurs centaines de lettres et cartes destinées à des prisonniers en Allemagne, transmises par la Commission (féminine?) des prisonniers de guerre (lire ICI), certaines ont dû être renvoyées de Suisse à Lisboa par suite d’adresse insuffisante, le nom du camp inexistant.

Le 18 novembre, les offices de poste suisses ne doivent plus accepter d’envois à l’expédition aux prisonniers de guerre en Allemagne, Autriche-Hongrie, etc. Les envois n’arriveront pas aux destinataires. De même, les expéditions de Rome, Paris, Londres, Lisboa sont complètement supprimées.

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Faim et nostalgie

Le livre «Faim et nostalgie, les prisonniers portugais dans la Grande guerre» de Nuno Severiano Teixeira, apprend qu’en 1916, pour résoudre le problème de la faim, il y a les «accords du pain» distribué par la Croix-Rouge. Les problèmes majeurs, la faim et le courrier, sont liés aux difficultés d’acheminement.

La «psychose des fils de fer» est étudiée par la médecine militaire. Elle fixe le seuil, de tolérance morale à la détention, à 18 mois, avant la fuite ou le suicide en cas limite. Les prisonniers portugais ont moins souffert de cette psychose, du fait de la durée de détention plus courte que les autres prisonniers alliés.

En 1918, est établi le droit à l’échange de prisonniers par les nations belligérantes, le Portugal n’est pas concerné puisqu’il combat sous l’autorité britannique.

La gestion des prisonniers de guerre par le Portugal est tardive. Abandonnés, certains Portugais ont pris la poudre d’escampette en décembre 1918.

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Suisse-Portugal, Regards croisés

Le livre «Suisse-Portugal, Regards croisés» de Reto Monico, donne des informations concernant le secours donnés aux prisonniers.

La documentation du Comité de secours aux prisonniers en Allemagne est déposée aux Archives Historiques Militaires portugaises. Bartolomeu Ferreira, Oscar de Watteville font partie de la section de Berne du Comité portugais de secours.

Le 18 février 1917 est constitué à Lausanne, à l’hôtel Richemont, un Comité de Secours par la Communauté portugaise, auquel participe des prisonniers français. Au départ de ceux-ci, des dames suisses (dont Madame de Watteville) ont pris le relais dans la préparation des colis pour les prisonniers.

Au début de 1918, le Portugal étant interdit d’exportation de vivres pour les prisonniers, le Comité franco-belge, ravitaillé par le Gouvernement français, devient la principale source d’approvisionnement.

A partir d’avril 1918, le Comité affronte de graves difficultés, argent, nourriture, main d’œuvre volontaire.

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Armistice

Selon le «Diário de Notícias» du 20 novembre, les prisonniers portugais ont déjà quitté l’Allemagne. Garcia Rosado, le Commandant du Corps Expéditionnaire Portugais, communique qu’ils sont arrivés à Cherbourg, les Officiers vont suivre. Le 21 novembre déjà, un prisonnier écrivait de France et sa lettre parvenait à Coimbra.

A la date du 10 décembre 1918, Pestana de Vasconcelos, le délégué du Gouvernement portugais à Berne pour le service des prisonniers de guerre, dit que depuis l’Armistice, des secours en denrées ont été envoyés à Mersebourg pour 2.261 Portugais. Malgré les difficultés de transport, des demandes peuvent continuer d’être faites au dépôt central du ravitaillement à Bâle.

L’Ambassade d’Espagne a été chargée par le Gouvernement portugais de répondre aux demandes de secours des prisonniers de guerre portugais.

Le 16 décembre, 38 prisonniers venant du camp de Lechfeld ont passé par Genève, des prisonniers du 9 avril 1918, en bonne santé. Ils se plaignaient que le courrier n’arrivait pas, de ne pas avoir reçu leur colis.

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«Faim et nostalgie», un choix judicieux de titre de livre, pour représenter le sort des prisonniers de guerre portugais, abandonnés…

(*) La Couture, Vieille-Chapelle, Laventie, Pont-du-Hem, Riez-Bailleul, Neuve-Chapelle, Armentières, La Bassée, Fauquissart, La Gorgue, Chapigny, Ferme du bois, Richebourg, Le Touret.