Les blessés portugais en France ‘Patients des Anglais’ pendant la I Guerre mondiale

Le mois de novembre, commémoratif de l’Armistice 1918, amène encore dans le Pas-de-Calais des expositions relatives à la I Guerre mondiale. L’une de celles visitées était de Bastien Cleenewerck, intitulée «L’Audomarois, une cité médicale pendant la Grande guerre». Elle permet de redécouvrir les structures médicales portugaises près du front et à l’arrière des Flandres, les hôpitaux britanniques. Des soldats portugais avaient été soignés dans les structures britanniques de la Royal Army Medical Corps (RAMC).

De par sa position, l’Audomarois était un lieu où se croisaient soldats et travailleurs de diverses nationalités. L’Armée britannique avait fait de Saint-Omer son Quartier Général entre 1914 et 1916. En 1917, des soldats portugais y étaient décédés dans un lycée qui abritait un hôpital général, la Malassise, à Longuenesse, nommé également hôpital anglais n°7. Centre de soins pour les blessés, l’hôpital général était composé de tentes, d’un camp pour les infirmières (volontaires civiles dépendant de la Croix-Rouge et infirmières militaires), d’un autre pour les médecins, de nombreuses installations nécessaires au bon fonctionnement.

Des Portugais, le Capitaine-Médecin Álvaro Martins, et le Lieutenant-Médecin milicien Luis José Pires Seromenho avaient travaillé à l’hôpital général n°7. Les premières troupes portugaises embarquées pour le Nord de la France, en janvier 1917, les structures hospitalières pour les blessés et les malades étaient à leurs premiers balbutiements. En attendant une organisation des services de santé du Corps Expéditionnaire Portugais (CEP), des ambulances avaient fonctionné, certaines s’étaient transformées en hôpitaux de sang.

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Structures de soins pour blessés et convalescents portugais

Les services portugais de soins s’organisaient en postes de secours près des lignes, en ambulances, en hôpitaux de sang, en hôpitaux de base. Ils avaient recours à de nombreux médecins miliciens.

Les Postes de secours dont avancés étaient de présentations diverses, en briques, en tentes, en demi-lunes (lire ICI). Les soldats y étaient pris en charge, triés et envoyés à l’arrière. De nombreuses évacuations étaient effectuées de nuit par des brancardiers, lorsque la visibilité de l’ennemi était moindre.

Le Poste de secours de «Green Barn», à Richebourg, nom qui évoque l’Allié britannique, est connu grâce aux souvenirs de plusieurs Officiers, il offrait «des commodités enviables» et des voitures de transport pour les blessés. Le Lieutenant-Médecin Moura Neves posait devant ce poste, photographie du livre du Lieutenant-Médecin Jaime Cortesão, le soldat-photographe Arnaldo Garcez l’avait également immortalisé devant le Green Barn.

Les Ambulances (Amb.) étaient l’étape suivante de l’évacuation du soldat blessé, structure hors de portée des tirs ennemis.

Neuf ambulances mobiles ont été identifiées :

Amb. 1, installée à Mametz (Marthes), déplacée à La Gorgue, à Lestrem puis de nouveau à Mametz

Amb. 2, installée à Fléchin, déplacée à Ligne (Roquetoire), à Ecques, puis Merville (à l’origine de l’hôpital de sang)

Amb. 3, installée à Dohem, déplacée à Vieille Chapelle, à Les Lobes (La Couture) dit Zelobes par les Britanniques

Amb. 4, installée à Saint Martin (Aire-sur-La Lys), déplacée à Fauquembergues

Amb. 5, installée à Maisnil, puis à Marthes

Amb. 6, installée à Dohem, puis à Marthes

Amb. 7, installée à Ecques, puis à Les Lobes-La Couture

Amb. 8, installée à Dohem, déplacée à Calonne-sur-La Lys, à Parenty, à Ambleteuse, à Blendecques, à Inghem, puis à Herbelles (à l’origine de l’hôpital de sang)

Amb. 9, installée à Saint-Venant, puis à Ambleteuse. Elle a été à l’origine de l’hôpital de sang, dit “Hospital das Doidas” car établi dans l’enceinte de l’hôpital psychiatrique de Saint-Venant.

Dans l’urgence des soins et l’insuffisance des structures, des soldats portugais ont été envoyés dans les CCS britanniques (Casualty Clearing Station), qui soignaient aussi bien les civils que les soldats. Certaines ambulances portugaises ont évolué vers des hôpitaux de sang, mieux équipés, inspirées du système britannique. En 1917, le Lieutenant-Médecin António Emílio Antunes de Vasconcelos travaillait à la structure de soins britannique, CCS 57 à Saint-Venant. Le Médecin-Major António Joaquim de Sousa Júnior commandait la section portugaise de la CCS 51, à Merville.

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Les Hôpitaux de sang (HS)

HS 1, Merville, à une dizaine de kilomètres du front. Il était sous la direction du Médecin-Major José Agostinho Rodrigues. Il accueillait les patients des Ambulances 1, 3 et 5 et fut abandonné lors de la Bataille de La Lys. Après un bombardement allemand en mars 1918, les soins avaient été déplacés vers Saint-Venant. Le Président de la République portugaise, Bernardino Machado, avait visité les blessés de Merville lors de son voyage présidentiel en octobre 1917 (lire ICI).

HS 2, Saint-Venant. Il était plus éloigné du front, sa capacité agrandie par ajout de tentes Bessonneau. Bombardé en avril 1918, le personnel et les patients avaient été déplacés sur le littoral, à Ambleteuse.

HS 8, Herbelles. Il était fonctionnel en juin 1918, dirigé en octobre par le Médecin-Major Augusto de Sousa Rosa. L’hôpital était en pleine campagne, désavantagé par rapport aux précédents, au niveau des déplacements et transports.

L’HS 8 devait fonctionner comme une unité exemplaire, dotée d’infirmières, de médecins compétents, dont le Capitaine-Médecin Maximiliano Cordes Cabedo qui avait travaillé au poste britannique CCS 54 à Merville. L’unité a été active jusque mars 1919. A Herbelles, douze infirmières de la Croix-Rouge portugaise avaient demandé au Commandant du CEP de dépendre directement de l’armée portugaise. C’était la première incorporation de femmes dans les rangs pour former le 1er Groupe Auxiliaire de Dames Infirmières (GADE).

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Les Hôpitaux de base (HB)

A Ambleteuse se trouvaient deux hôpitaux nommés HB1 et HB2. Ces unités hospitalières avaient été installées tardivement, construites avec l’aide des services d’ingénierie britanniques, plusieurs mois après l’arrivée début 1917 des premiers contingents portugais. Ils avaient désengorgé, les unités britanniques du littoral, de leurs patients portugais.

HB1 a été actif jusque juin 1919. Il disposait d’une grande capacité d’hébergement des médecins, infirmier(e)s, brancardiers, chauffeurs, administratifs, cuisiniers…

HB2, plus petit, a été actif jusque janvier 1919. Il accueillait les maladies vénériennes, infectieuses et générales, grippe, pneumonie, otites, blessures légères. Les MST (maladies sexuellement transmissibles), en progression, représentaient la plus grande part des hospitalisations.

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L’hôpital militaire portugais d’Hendaye

Parmi les médecins identifiés en poste dans cet hôpital, le Médecin-Major milicien Sílvio Rebelo Alves, Directeur en septembre 1917 d’un hôpital inexistant et le Médecin-Major Alberto Gomes de Moura arrivé à Hendaye en décembre 1918 pour être nommé ensuite Directeur (lire ICI).

Parmi les Capitaines et Lieutenants miliciens de médecine, Joaquim Nunes Claro à Hendaye en avril 1918, Francisco Pulido Valente en avril, João Bastos Lopes en juin, Gustavo Adolfo da Brito Pitschieller qui avait travaillé auparavant à l’hôpital général anglais 54 de Wimereux, Cipriano Mendes Dórdio, Manuel Crisóstomo Pereira Branco, Mário Pereira Lage à Hendaye en septembre 1918.

Sachant que les blessés et convalescents portugais étaient soignés dans les Hôpitaux du Pas-de-Calais, les prisonniers de la Bataille de La Lys d’avril 1918 envoyés dans les camps allemands, on peut s’interroger sur le projet, fut-il noble, et le fonctionnement de cet hôpital. Efficace ? Utile ? Pour qui ? Pour rappel, il s’agissait d’un ancien Casino rénové et transformé en hôpital.

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L’Hôpital de la Croix-Rouge portugaise d’Ambleteuse n’est pas abordé ici.

La plupart des médecins cités dans ce texte, avaient travaillé dans les structures de soins portugaises citées plus haut et britanniques, près de la ligne de front et à l’arrière. Les structures britanniques étaient l’hôpital général (HG) canadien 3, établi à Boulogne-sur-Mer, HG 4 à Camiers, HG 11 à Camiers, HG 14 à Wimereux, HG 18 à Camiers, HG 24 à Etaples, HG 26 à Etaples, HG 35 à Calais, HG 51 à Etaples, HG 54 à Wimereux, sans oublier les SH (Stationary Hospital) de Boulogne, Wimereux, Aire-sur-La-Lys. Certains médecins portugais avaient parfois travaillé dans 5 structures anglaises différentes.

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Pour revenir à l’hôpital anglais n°7 de Saint-Omer, la Malassise, à Longuenesse, cité en introduction, plusieurs soldats du CEP y sont décédés : Abílio dos Santos RI14 mort en avril 1917 de pneumonie, José Rodrigues Ganhoto télégraphiste, mort en mai 1917 des suites de blessures d’artillerie, Joaquim Nabaes RI12 mort en juillet 1917 des suites de blessures reçues au combat.

Ce texte aura permis de parler d’une coopération luso-britannique en France, celle qui touche au secteur de la santé et son évolution pendant la I Guerre mondiale, par l’intermédiaire d’une quarantaine de médecins portugais qui avaient travaillé dans différents hôpitaux anglais de la Royal Army Medical Corps (RAMC).

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Sources :

– Les bulletins militaires des Archives historiques militaires portugaises de Lisboa.

– O Serviço Médico-Militar Português na Grande Guerra, Organização, Funcionamento e Repercussões. Tese de Doutoramento em História. Novembro 2020. Margarida Portela Costa Pereira.

– A Medicina Portuguesa nos Hospitais Britânicos durante a Grande Guerra. Instituto de História Contemporânea, Faculdade de Ciências Sociais e Humanas, Universidade Nova de Lisboa. Helena da Silva.

LusoJornal