«Les mains sur la tête», de Liberto Cruz, une singulière incursion poétique en français

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Explorer à travers la poésie les méandres, les subtilités et les nuances d’une langue autre que la sienne, «pour se souvenir des années vécues en France». Tel est le défi que Liberto Cruz réalise dans ce petit livre singulier intitulé «Les mains sur la tête» (Ed. Palimage, Coimbra, 2021).

Signalons d’emblée la dédicace: «Pour Jean Badbedat, Jean-François Botrel, Robert Bréchon, Lourdes Castro, Monique Le Béguec, Jean-Michel Massa», la plupart écrivains, poètes et universitaires qu’il a côtoyés pendant les vingt-deux ans de son séjour en France.

Poète, essayiste, biographe, traducteur et professeur, Liberto Cruz est né en 1935, à Sintra (Portugal). En 1967, il prend les chemins de l’exil et arrive en France.

Durant les années 1967-70 il enseigne la Littérature portugaise à l’Université de Rennes, où il a été le premier à créer une section d’études consacrées à la littérature africaine d’expression portugaise. Il enseigne également à l’Université de Vincennes.

En 1975, il est nommé Conseiller culturel à l’Ambassade du Portugal à Paris, poste qu’il occupera jusqu’en 1988. Puis, il rentre au Portugal, où il est nommé Directeur de la Fondation Orient, à Lisboa, et élu Président de l’Association Portugaise des Critiques Littéraires. En 1961, il fonde la revue littéraire Sibila et collabore dans plusieurs autres revues, dont Colóquio Letras.

Parmi ses nombreuses publications, on signalera notamment «Jornal de Campanha» (déjà présenté ici-même), publié en 1986 par les éditions Pérégrination, avec le soutien de la Fondation Culturelle des Émigrés (Suisse) et une préface d’Eugénio Lisboa. Il s’agit d’un journal de guerre, composé de poèmes très courts, écrits pendant la guerre coloniale en Angola, entre 1962 et 1965; un livre rare dans la littérature portugaise sur la guerre coloniale.

La guerre, mais aussi l’exil occupent une place importante dans l’œuvre de Liberto Cruz, puisque en 1976 paraît «Distância», un long poème constitué de fragments, écrit à Rennes entre décembre 1967 et le 20 avril 1974.

En 1994, dans «Caderno de encargos» (Cahier de charges), écrit à Paris et à Sintra, entre 1984 et 1990, il fait un bilan de sa vie poétique et existentielle, et c’est aussi le retour aux origines. Enfin, en 2012, toute l’œuvre poétique de Liberto Cruz est publiée par les éditions Palimage, sous le titre «Poesia Reunida, 1956-2011».

«Les mains sur la tête» est divisé en deux parties: «Poème à deux mains» et «Poème à la tête». Comme presque toute l’œuvre poétique de Liberto Cruz, ces poèmes manifestent une cohérence bien ancrée dans son itinéraire. Par ailleurs, ils sont tous constitués de quatre strophes de deux vers, la plupart ne dépassant pas quatre syllabes et ils riment, comme on peut le voir dans ces deux exemples: «La main gauche / la main droite / La main de Dieu / la main de vieux / La main nue / la main (qui) tue / La main riche / la main (qui) triche» ou «La tête têtue / la tête nue / La tête sacrée / la tête fardée / La tête de député / la tête à côté / La tête d’ami /la tête à qui?».

Dans un langage dépouillé et synthétique, sur un ton ironique, mais nullement dépourvu de réflexion, l’auteur nous présente les mains et la tête dans tous leurs états et circonstances. Mais nul doute aussi que, en même temps qu’il veut se souvenir, avec un brin de nostalgie, de ses années passées en France, Liberto Cruz rend ici un bel hommage à la langue de Molière.

 

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