Lille : Les origines portugaises du Consul Honoraire Bruno Cavaco et de sa compagne Sabine Dubois


La vie est faite de rencontres, de découvertes. En novembre 2013, Sabine Dubois, qui travaille à la Mairie de Béthune et Bruno Cavaco décident de partager leur quotidien.

Moins d’un an plus tard, en septembre 2014, Sabine est victime d’un AVC qui lui laisse de graves séquelles hémiplégiques et aphasiques.

Sensible à la question du handicap, Bruno Cavaco, après avoir été témoin aidant national de Dominique Gillot, lors de la remise de son rapport au Gouvernement, crée le Collectif Handi Tech, une association réunissant des entrepreneurs et des acteurs investis dans l’innovation au service du handicap, pour une société plus inclusive et au service de tous.

À la suite de ce problème de santé, Bruno Cavaco fait la connaissance pour la première fois de la famille de Sabine.

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Bruno Cavaco est le petit-fils de José Cavaco, originaire de l’algarve, près de Loulé.

José Cavaco émigre vers la France juste après la I Guerre mondiale. Le pays a alors besoin de se reconstruire. Il obtient un document officiel en tant qu’étranger en France, daté du 16 août 1922. José Cavaco aurait travaillé à Albert, dans les chemins de fer, avant de s’installer à Sallaumines, où il fonde une famille quelques années plus tard. Il travaille alors dans la construction, dans les mines de Lens, puis à l’entreprise Boulanger de Lens, de 1940 jusqu’à sa retraite en 1952.

Il s’installe alors rue Brazza à Lens et c’est à Lens que l’on a découvert l’une des plus anciennes associations portugaises «Les Portugais de Lens et des environs».

L’ancien Premier-Ministre du Portugal entre 1985 et 1995, puis Président de la République entre 2006 et 2016, s’appelle Aníbal Cavaco Silva.

Bruno Cavaco s’interroge alors sur un éventuel lien de parenté avec cet ancien Président, qu’il rencontre pour la première fois en 1996, alors qu’il est étudiant en science politique, à la Banque centrale du Portugal.

La même année, il fait également la connaissance du Sénateur Daniel Percheron, qui avait été, lorsqu’il était enfant rue Brazza, à Lens, le voisin de son grand-père portugais.

Ces deux rencontres seront déterminantes dans le parcours de Bruno Cavaco, qui s’engage un temps en politique à Lens, avant de démissionner en 2016 pour devenir Consul honoraire du Portugal, les deux fonctions étant incompatibles.

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Mais revenons à Sabine Dubois. Fin 2015, un an après l’AVC, Bruno et Sabine rencontrent, au Palais de Belém, à Lisboa, le Président Aníbal Cavaco Silva, alors à la fin de son deuxième mandat.

Au fil des échanges avec le Président de la République, les ancêtres de Sabine sont évoqués.

C’est en effet à l’occasion de ce voyage que Bruno Cavaco a découvert que sa compagne avait également des origines portugaises.

Les recherches révèlent que l’arrière-grand-père de Sabine Dubois, Manuel Lopes, était portugais et avait participé à la I Guerre mondiale au sein du Corpo Expedicionário Português (CEP).

Manuel Lopes est né à Taveiro, un hameau du village de Benedita (Alcobaça), le 29 janvier 1894, fils d’António Lopes et de Maria Gertrudes.

Il aura été ce qu’on peut considérer comme un soldat des extrêmes.

Il embarque à Lisboa le 20 janvier 1917. Son bateau reste quelques jours à quai. Il prend part au premier convoi qui quitte la capitale portugaise le 30 janvier, direction Brest, où il arrive le 2 février.

Manuel Lopes fait partie des 6.357 premiers soldats et officiers portugais arrivés en France, en direction des Flandres.

Alors que l’Armistice avait été signé depuis plus d’un an, Manuel Lopes n’est démobilisé que le 20 décembre 1919. Il recevra auparavant la médaille commémorative de la campagne de France.

Manuel Lopes faisait partie du Régiment d’artillerie n°3, batterie 4, plaque d’identification 4244A, soldat conducteur n°266.

Un peu plus d’un mois après son arrivée en France, Manuel Lopes est hospitalisé du 21 février au 24 mars 1917. Le 5 novembre de la même année, il est affecté au Dépôt Matériel de la Base. En 1919, il est à nouveau hospitalisé, du 2 au 13 juillet, à l’ambulance n°3.

Fait marquant : comme une grande majorité des soldats du CEP, Manuel Lopes est sanctionné à trois reprises – 8, 6 et 10 jours de détention – toutes après la fin de la guerre (les 29 mars, 1er et 4 avril 1919). Peut-être que son esprit était déjà ailleurs, pris par une romance naissante ?

Démobilisé le 20 décembre 1919, il fixe résidence à La Gorgue. Dans la feuille datée du 19 décembre 1919, l’autorisant à quitter l’Armée, il est indiqué qu’il a les cheveux noirs, les yeux marron foncé, un nez régulier et qu’il a été vacciné. Un cachet du vice-Consul de Lille, Auguste Crépy, y est apposé le 13 janvier 1920. Ce document, de fait, l’autorise à rester et circuler en France.

Manuel Lopes épouse Marguerite Julia Honnart, née à La Gorgue le 28 mai 1904, le 30 août 1920 – deux jours après le mariage de son ami soldat José dos Santos, à qui sera dédié un béguinage inauguré le 4 novembre 1990 (lire ICI).

Un document signé par le Maire du village natal de Manuel Lopes avait été envoyé à La Gorgue pour autoriser le mariage. Le divorce entre Manuel et Marguerite est prononcé le 10 juin 1954, à Hazebrouck.

Manuel Lopes exerce alors la profession de bottier.

Le couple aura cinq enfants, tous nés à La Gorgue : António (1921-1973), Yvette (1928-2019), Claude (1937-2012), Manuel (né le 28 mars 1935) et Norberto José (né le 25 janvier 1938).

Yvette Josette Lopes, née le 3 août 1928 à La Gorgue, décédée le 24 août 2019 à Béthune, est la grand-mère de Sabine Dubois.

Elle avait épousé Gaston Louis Maurice Gombert, né le 3 février 1930 à Mont-Bernanchon, village où se trouve une des bornes Vauthier offertes par le Portugal après la I Guerre mondiale, et réinaugurée le 24 mars 2024 (lire ICI).

Gaston est décédé le 7 août 2012, à Beuvry.

La famille nous a envoyé des photos. Deux d’entre elles sont iconiques et connues par ceux qui s’intéressent au thème de la participation portugaise à la I Guerre mondiale : dans une d’elles on voit Manuel Lopes et sa compagne sur une route, lui avec le guépy sur la tête et elle avec un chapeau à la main, dans la deuxième on voit Manuel Lopes avec un groupe d’amis qui font partie de l’Association des anciens combattants portugais de La Gorgue, Manuel est au deuxième rang, deuxième à compter de la gauche.

L’histoire se prolonge : Bruno Cavaco est aujourd’hui Consul honoraire du Portugal dans la région Hauts-de-France.