Opinion : On ne sort pas indemnes du film «Alma Viva»

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Nous avons testé, nous avons été spectateurs de la séance, unique dans la région Lilloise, pour l’instant, du film «Alma Viva» de Cristèle Alves Meira, séance organisée par Virginia Vila Verde du groupe Vivência do Minho de Tourcoing, au cinéma de cette même ville, ce lundi 15 mai.

Oui, nous avons testé… et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’on ne peut pas sortir indemne après un tel film : on aime, on n’aime pas, on aime à la folie, on déteste à l’extrême.

Beaucoup a déjà été écrit dans LusoJornal sur cette œuvre cinématographique. Qu’il soit ici précisé, c’est bien une opinion tout à fait personnelle que nous exprimons par ces lignes.

Qu’on soit pour ou contre ce film, s’il y avait un prix à attribuer dès à présent à cette œuvre cinématographique – et là, nous pensons que le prix serait attribué à l’unanimité – c’est celui du «Prix de débat» et en cela le film est une réussite. «Alma Viva» provoque débat, débat qui peut conduire à des oppositions, presque exacerbées. La réalisatrice en est bien conscience, d’ailleurs elle s’est posé la question si elle avait le droit de faire un tel film. Dans une interview à LusoJornal elle dira : «Au début, j’avais peur d’aborder ce sujet au cinéma, de le rendre public. Je ne savais pas si j’avais le droit de le faire».

Avant de voir un tel film, il faut s’en préparer. José Freitas, animateur de Radio Alfa et Virginia Vila Verde nous ont présenté la séance, sans trop dévoiler la «profondeur», le sujet du film en détail, annonçant pour la fin de la séance un débat entre les présents. La réalisatrice, Cristèle Alves Meira, nous a envoyé un message projeté avant le début de la séance.

Le moins qu’on puisse dire c’est que le film surprend, les images sont crues, on ne cache pas, on montre, Cristèle montre. Elle montre des images que quelques-uns d’entre nous ne sont pas prêts à recevoir, à admettre. Et pourquoi cela ?

Comme souvent, il y a autant d’opinion que de spectateurs, chacun sa vision, chacun son ressenti.

Nous avons été estomaqués par la réaction du public à la fin du film, la salle était bien pleine, avec une majorité de portugais. Une bonne partie du public n’a peut-être pas compris qu’il y avait un débat, il est parti, y avait-il une autre raison ?

Débattre et accepter de débattre fait partie de ce que dans nos pays s’appelle la démocratie… un tel film serait-il possible du temps «da outra senhora» ? Du temps de Salazar ?

Même si chacun a son opinion, on pourrait qualifier les spectateurs en plusieurs catégories : ceux qui ont adoré, ceux qui ont aimé, ceux qui ont détesté.

Nous nous rangeons dans ceux qui ont aimé, même si on considère que la réalisatrice a volontairement accentué certains traits dans les personnages et sur certaines scènes. Toutefois n’est-ce pas là une des règles du cinéma : concentrer en une heure et demie des vies, des moments différents dans une vie avec tous ses à-côtés ?

Nous avons aimé le jeu d’une bonne partie des acteurs, même si la grosse majorité sont des amateurs et on le sent. La jeune fille du film est extraordinaire. Nous avons aimé, parce que le vécu dans ce petit bout du Portugal fait partie aussi du Portugal. Le film pourrait presque se voir comme un documentaire. Est-ce encore la réalité actuelle ? La réalisatrice, dans ses interviews, semble dire que son film n’est pas loin, encore, de la réalité actuelle, on y revient même. On est dans ses villages reculés de l’intérieur, loin de tout, loin de la médecine moderne, loin de le la ville, loin des réponses scientifiques, des milieux refermés sur soi-même où les sentiments sont vrais mais sources d’oppositions, de conflits, ça c’est est aussi le Portugal. Nous sommes convaincus que ce type de film pourrait être tourné dans n’importe quel pays du monde… un sujet très localisé et en même temps universel. Non ?

Ceux qui n’ont pas aimé, disent que cela n’est pas le Portugal, cela donne une mauvaise image du Portugal, le misérabilisme portugais. Soit !

À chaque région ses coutumes, à chaque région ses valeurs. Nous dirons que le Portugal n’est pas que Lisboa, Porto et l’Algarve, même si là aussi, en cherchant on y trouve des sujets tels que ceux abordés par la réalisatrice.

Beaucoup est fait pour promouvoir le Portugal à l’étranger et ça marche. Portugal est souvent primé pour ses paysages, son accueil, ses richesses architecturales, son soleil, sa mer, ses îles, sa gastronomie… le Portugal est à la mode et pourquoi donc être choqué d’une certaine réalité telle que celle écrite dans «Alma Viva» ? Le Portugal c’est aussi des réalités moins réjouissantes, que nous aimerions voir disparaître : les feux, les terroristes du feu, la médecine à deux vitesses, etc. etc.

Nous, qui sommes en France depuis des dizaines d’années et qui nous sommes souvent tus, ne souffrons nous pas de cela ? Sommes-nous prêts à accepter certaines réalités du Portugal actuel et ou que nous avons laissé ? Quelques-uns d’entre nous n’ont-ils pas le sentiment, en sortant de ce film, qu’on nous rabaisse encore ?

À nous, le film nous a ravivé des souvenirs… et quand on priait dans le film, nous nous sommes surpris à prier aussi… peut-être là aussi, le fruit de notre éducation, de notre enfance, que les «moins de vingt ans», quarante, voire plus, n’ont pas connu.

Virginia Vila Verde, à l’initiative de la projection du film, nous dira : «Le film montre un amour du Portugal dans tout ce qu’il a d’humain… il y en a qui ont pleuré, il y en a qui ont ri… j’ai vécu personnellement des choses qui choquent et qui sont relatées dans ce film, ce n’est pas que de la fiction… ce n’est pas toujours une caricature, c’est aussi la réalité, toutefois c’est tellement énorme que cela devient une certaine caricature, où cela peut être ressenti comme une caricature».

«Alma Viva» a été énormément  primé et continuera de l’être. C’est un film qui parle du peuple, toutefois peut-il, est-il accepté par le «peuple» ? Nous ne mettons aucun sentiment négatif dans le mot «peuple», bien au contraire. Est-ce un film pour les têtes bien pensantes, les critiques, les festivals?

«Alma Viva» est également le type de films que nous pouvons faire au Portugal et sur le Portugal. Faire des films à la mode américaine, cela ne sera jamais possible au Portugal, faute de moyens… Notre cinéma, c’est un cinéma de réalités, de certaines réalités, mi-cinéma, mi-réalité, mi-documentaire, mi-théâtre filmé… du cinéma nom mercantile, mais qui a aussi ses génies, à l’image de Manuel Oliveira et bien d’autres.

Cela reste mon opinion. À vous de vous en faire la vôtre en allant voir «Alma Viva». Ce qu’on peut vous dire, c’est que vous ne sortirez pas  indemne,s et rien qu’en cela, le film est une réussite.

Les images de la fin du film sont belles, par le symbolisme, la délivrance. La délivrance… même des rôles des acteurs?

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