Carla Pires: Un superbe concert à Aubervilliers… et une belle histoire

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Sous le chapiteau du Point Fort, à Aubervilliers, une jolie salle, des tables et des bougies ont été disposées, proposant donc une atmosphère tamisée propice aux douceurs et lui donnant même un petit air de retiro fadiste. Nous y pénétrons après un entretien chaleureux avec Carla Pires. Celle-ci s’y présente, toute de noir et d’élégance vêtue, avec ses musiciens: le jeune et prometteur João Vaz, déjà entendu il y a quelques mois avec Carminho, à la guitarra, André Santos, musicien agile, à la viola et le dynamique Rodrigo Serrão à la contrebasse. Du solide, et inspiré.

Le concert commence avec une longue et virtuose introduction des musiciens sur le rythme allègre du fado pechincha ouvrant le chemin à la voix, subtile mais affirmée (il le faut pour le pechincha).

Public conquis dès le début, un public dont la grande majorité ne connait pas, ou très peu le fado. Public divisé aussi: certains sont venus pour le fado, d’autres, plus nombreux, pour la musique capverdienne, puisque l’excellente Lucibela figure aussi au programme, ce qui n’a pas échappé à la communauté du Cap Vert, très présente dans les environs, et dans la salle; d’autres encore amoureux des musiques du monde.

Mais Carla Pires réussit, haut la main, à faire l’unanimité de ces publics, ravis. Comme le réussit un peu plus tard Lucibela: le public albertivillarien (ce sont les habitants d’Aubervilliers) et des environs sait reconnaître les talents.

Comme il était prévu, la suite du concert de Carla Pires sera consacrée aux titres de son dernier CD, «Cartografia», que nous avions chroniqué à sa sortie l’an dernier, une belle réussite avec de nombreux textes d’Amélia Muge, l’une des parolières les plus recherchées au Portugal, des musiques très élaborées mais délivrées dans une grande simplicité, et mêlant au fado des accents venant parfois d’Espagne, du Brésil, de France, du Cap Vert (clin d’œil à sa collègue Lucibela), reflets de sa curiosité musicale, servie par la voix de Carla Pires: pas de chiqué, pas d’effet de voix, pas de showbiz, tout au service des textes poèmes, tout dans la suavité et la sincérité. Un enchantement.

Lors de notre entretien, on commence par papoter: quoi de neuf depuis la dernière fois (c’était au téléphone pour la sortie de son CD), comment ça va et vous, le Covid… C’est alors que Carla Pires nous dit une belle histoire: «Je vais essayer de vous répondre avec le plus de sincérité possible. Comme pour tout le milieu artistique fut une catastrophe pour moi. Cela commença avec la sortie de mon CD deux jours avant les premiers confinements. Concerts annulés, magasins de disques fermés. Cet album m’avait demandé beaucoup de travail, de passion. J’ai senti que tout s’écroulait. Ceci à un moment où j’avais déjà commencé à réfléchir à ma vie. La vie d’artiste est par nature instable. On vit des moments de succès et d’autres plus difficiles. J’en ai toujours eu conscience et l’ai assumé pendant plus de vingt ans. Avec le Covid, j’ai commencé à avoir peur des fins de mois, avoir peur d’avoir du mal à subvenir aux besoins de mes enfants. J’ai alors décidé de chercher un travail salarié. Mais où? Je parle un anglais courant, de bonnes notions d’espagnol et de français et j’ai pensé à l’hôtellerie. J’ai postulé pour être réceptionniste, mais chaque fois, ce qui bloquait était de pouvoir concilier ma carrière artistique avec les contraintes d’un emploi fixe. Et puis j’ai eu la chance de trouver un groupe hôtelier qui a compris ma situation. J’y ai commencé à travailler à la réception, puis on m’a proposé d’assurer les relations publiques du groupe… et d’organiser des soirées de fado dans l’un de leurs hôtels. Des soirées intimistes destinées surtout aux clients des hôtels où j’essaie de faire mieux connaître le fado, ses origines, son histoire, ses thèmes. Tout en me permettant de continuer à ma produire en concert, comme ce soir ou la dizaine de concerts que je viens de faire en Autriche. Ce qui m’a apporté une nouvelle sérénité, de nouveaux contacts, un rapport enrichissant aux gens».

Des projets de nouveaux albums? «Non, pas tout de suite. Peut-être des singles de temps à autre, sortes de cartes postales envoyées au public. Mais pour moi, un album demande de trouver du sens. Ce serait facile de faire un album avec une douzaine de fados traditionnels que tout le monde chante, mais quel intérêt artistique?».

Ainsi va Carla Pires, le «printemps ambulant» du fado?

Plus tard dans la soirée, Lucibela ravira le public avec ses douces mornas et le fera danser avec ses coladeiras, pour cette belle soirée organisée dans le cadre du riche programme du Festival Villes des Musiques du Monde.

 

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LusoJornal